Perrot, Georges; Chipiez, Charles: Histoire de l'art dans l'antiquité: Egypte, Assyrie, Perse, Asie Mineure, Grèce, Étrurie, Rome (Band 3): Phénice - Cypre (Paris, 1885)

478 LA PHÉNICIE ET SES DÉPENDANCES.

C'est la suite de cette histoire qui fournira la preuve que nous ne
pouvons pas encore offrir ici au lecteur; en étudiant les plus anciennes
figurines grecques et particulièrement celles de Rhodes, nous y
reconnaîtrons un art original qui, tout en se développant dans une
atmosphère tout imprégnée de traditions orientales, a eu sa manière
à lui, très neuve et très personnelle, de voir et de rendre la nature.
Les observations que provoquera cet examen auront peut-être pour
résultat de faire considérer comme démontrée une assertion qui
jusqu'à ce moment ne peut se présenter que comme une sorte de
postulat, comme une hypothèse très plausible. Ce qui, dès maintenant,
lui donne un haut degré de vraisemblance, c'est l'induction que nous
pouvons tirer du caractère même des Phéniciens, tel qu'il se révèle
au cours de cette analyse. Dans tout ce qui subsiste de leur archi-
tecture et de leur sculpture, avons-nous rien trouvé qui nous auto-
rise à les croire capables de cet effort d'invention et de ce progrès
du goût qui auraient donné naissance à tout un art nouveau? Ainsi,
par exemple, le sculpteur égyptien et l'assyrien avaient habillé leurs
personnages; mais ni l'un ni l'autre ne s'étaient préoccupés de tirer
parti du mouvement et du jeu de l'étoffe; ils ne songeaient pas à en
faire ressortir les parties lisses, que frappe la lumière, par l'opposition
des ombres que dessinent des plis plus ou moins profonds et plus ou
moins symétriquement disposés. On a peine à croire, jusqu'à preuve
du contraire, que ce soient les Phéniciens, ces imitateurs à outrance,
qui aient eu l'idée neuve et féconde des effets si variés que la plastique
devait obtenir par ce moyen; les présomptions tout au moins ne sont
pas en leur faveur.