Perrot, Georges; Chipiez, Charles: Histoire de l'art dans l'antiquité: Egypte, Assyrie, Perse, Asie Mineure, Grèce, Étrurie, Rome (Band 3): Phénice - Cypre (Paris, 1885)

LES VARIATIONS DU STYLE.

535

encore sur quelques-unes de ces stèles qui surmontaient les sépultures;
entouré d'un triple rang de volutes, il forme le milieu du chapiteau
(fig. 361).

Dans ces statues, où se fait sentir le désir d'imiter l'Egypte, le
type du visage s'est lui-môme modifié. Plus de ces nez busqués comme
on en voit dans les statues que nous avons appelées assyriennes
(fig. 350). Le nez est droit; les yeux, sans recevoir cependant le pro-
longement artificiel qu'un trait de couleur donne aux yeux égyptiens,
s'allongent à l'excès (fig. 355), si bien qu'en face de certaines têtes on
pourrait hésiter sur le sexe du personnage. La bouche, franchement
horizontale dans les images les plus auciennes (fig. 353), commence à

361. — Couronnement d'une stèle cypriote. Musée de New-York.

se relever par les coins (fig. 356 et 357), et ainsi s'indique et s'esquisse
déjà ce sourire qui caractérisera les figures grecques archaïques,
détail d'expression qui n'est pas moins étranger aux vraies sculptures
égyptiennes qu'à celles de pur style assyrien.

Ces anomalies sont justement les signes auxquels on a reconnu que
l'imitation du style oriental par les artistes cypriotes ne remonte pas
à une haute antiquité, au temps où, en face de l'Occident encore
plongé dans la barbarie, il n'y avait vraiment une civilisation et une
plastique originales que dans la vallée du Nil et dans celle de l'Eu-
phrate1. Jusque vers le huitième siècle, l'Egypte, la Chaldée et
l'Assyrie avaient une telle avance, que la sculpture cypriote, si elle

1. C'est ce que M. Heuzey a mieux vu et mieux dit que personne. Ou retrouvera par-
fois ici les expressions dont il s'est servi pour exposer les idées qu'il s'est faites à ce sujet
après une longue étude des monuments cypriotes.