LES CHARITES. 59
avec les Charités tantôt formant un chœur, une ronde (1), tantôt
chantant ce vers (2) aux noces de Cadmus : « Aimez les belles choses,
fuyez les laides. » On est encore dans la saine tradition, dans celle
du moins qui regarde le culte d'Apollon Délien (3), dont la main te-
nait le groupe des Charités ayant pour symbole non une fleur ou un
fruit, mais des instruments de musique. Cette tradition reçoit une
première atteinte dans le passage où Euripide nous représente Déo
apaisée par l'Alala (4) des Charités, par les chœurs des Muses. Les
rôles en effet sont intervertis. SimonideetPindare vont plus loin même
qu'Euripide (5) ; ils dépouillent les Muses au profit des divinités
d'Orchomène. Les Charités ne se contentent plus des flûtes d'Acida-
lie, elles font résonner la lyre et la phorminx, elles chantent le vain-
queur aux jeux de la Grèce; elles déposent sur sa tète la couronne
d'ache et de fleurs; elles l'accompagnent dans sa ville natale au mi-
lieu de la pompe du triomphe. Ce sont elles qu'invoquera désormais
le poêle et qui inspireront ses chants.
Il semble qu'il ne reste plus rien aux Muses; mais on n'est jamais
au bout des anomalies. Les Charités conservaient leur identité à côté
de la Séduction; les Muses conserveront la leur à côté des Charités.
Le système de Pindare, comme celui dTIermésianax, n'entrera dans
la croyance générale que comme un élément nouveau qu'elle accepte
au détriment de sa clarté et de sa simplicité. Les deux groupes se
mêleront sans se confondre pour caractériser certains talents qui
joindront l'invention à la grâce. Ménandre sera appelé le nourrisson
des Muses et des Charités (6); on louera Sophocle d'avoir uni avec
(1) Eurip., Herc. fur. (675.) » ^Starav au^uyi'av. » La traduction latine dit suavis-
sima societate ; mais en rapprochant auÇuyiav de TpiÇuyoi yâçnsç, d'Eschyle, on est
forcé de prendre le sens que j'indique.
(2) Thégonis, 300.
(3) Plutarque, De masice (1. c).
(h) Eurip. (Hélène, 1361). L'ordre chronologique ne suit point ici l'ordre logique ;
car Euripide est postérieur aux deux grands poètes lyriques de la Grèce. Mais les nou-
veaux aspects d'une divinité ne détruisent jamais les anciens. Et c'est justement
pourquoi les figures où s'entassent tant de traits divers finissent par devenir presque
indéchiffrables.
(5) Pindare, en cent endroits. Simonide (Ed. Bergk., Lyr. g>\, 150). « Hipponicos,
fils de Strouthon, conduisait le chœur harmonieux, porté sur le char des Charités,
qui accordent aux hommes réputation et victoire avec le concours des Muses. Cf.
Aristoph. (av. 780). «Tels sont les concerts des cygnes, l'Olympe en retentit; les
dieux écoutent ravis. Les Charités et les Muses répètent avec joie ces chants. » Mais
Pindare est plus précis.
(G) Anthol. X, 52; et IX, 187 : « 0 Ménandre, les abeilles ont déposé sur tes lèvres
avec les Charités tantôt formant un chœur, une ronde (1), tantôt
chantant ce vers (2) aux noces de Cadmus : « Aimez les belles choses,
fuyez les laides. » On est encore dans la saine tradition, dans celle
du moins qui regarde le culte d'Apollon Délien (3), dont la main te-
nait le groupe des Charités ayant pour symbole non une fleur ou un
fruit, mais des instruments de musique. Cette tradition reçoit une
première atteinte dans le passage où Euripide nous représente Déo
apaisée par l'Alala (4) des Charités, par les chœurs des Muses. Les
rôles en effet sont intervertis. SimonideetPindare vont plus loin même
qu'Euripide (5) ; ils dépouillent les Muses au profit des divinités
d'Orchomène. Les Charités ne se contentent plus des flûtes d'Acida-
lie, elles font résonner la lyre et la phorminx, elles chantent le vain-
queur aux jeux de la Grèce; elles déposent sur sa tète la couronne
d'ache et de fleurs; elles l'accompagnent dans sa ville natale au mi-
lieu de la pompe du triomphe. Ce sont elles qu'invoquera désormais
le poêle et qui inspireront ses chants.
Il semble qu'il ne reste plus rien aux Muses; mais on n'est jamais
au bout des anomalies. Les Charités conservaient leur identité à côté
de la Séduction; les Muses conserveront la leur à côté des Charités.
Le système de Pindare, comme celui dTIermésianax, n'entrera dans
la croyance générale que comme un élément nouveau qu'elle accepte
au détriment de sa clarté et de sa simplicité. Les deux groupes se
mêleront sans se confondre pour caractériser certains talents qui
joindront l'invention à la grâce. Ménandre sera appelé le nourrisson
des Muses et des Charités (6); on louera Sophocle d'avoir uni avec
(1) Eurip., Herc. fur. (675.) » ^Starav au^uyi'av. » La traduction latine dit suavis-
sima societate ; mais en rapprochant auÇuyiav de TpiÇuyoi yâçnsç, d'Eschyle, on est
forcé de prendre le sens que j'indique.
(2) Thégonis, 300.
(3) Plutarque, De masice (1. c).
(h) Eurip. (Hélène, 1361). L'ordre chronologique ne suit point ici l'ordre logique ;
car Euripide est postérieur aux deux grands poètes lyriques de la Grèce. Mais les nou-
veaux aspects d'une divinité ne détruisent jamais les anciens. Et c'est justement
pourquoi les figures où s'entassent tant de traits divers finissent par devenir presque
indéchiffrables.
(5) Pindare, en cent endroits. Simonide (Ed. Bergk., Lyr. g>\, 150). « Hipponicos,
fils de Strouthon, conduisait le chœur harmonieux, porté sur le char des Charités,
qui accordent aux hommes réputation et victoire avec le concours des Muses. Cf.
Aristoph. (av. 780). «Tels sont les concerts des cygnes, l'Olympe en retentit; les
dieux écoutent ravis. Les Charités et les Muses répètent avec joie ces chants. » Mais
Pindare est plus précis.
(G) Anthol. X, 52; et IX, 187 : « 0 Ménandre, les abeilles ont déposé sur tes lèvres