Recueil des notices et mémoires de la Société Archéologique de la Province de Constantine (Sér. 2,4=14.1870)

Les courses se renouvelèrent souvent, et, pendant la
mauvaise saison, les corsaires venaient d'habitude hiverner
à Gigelli. Le hasard voulut qu'à cette époque Kheïr-Eddin
fit en mer la rencontre de Sinan raïs, corsaire tunisien;
leurs vaisseaux réunis, composant une flotte de quarante
voiles, allèrent croiser sur les côtes d'Espagne. C'était au
moment où les Maures andalous, épuisés par une résis-
tance opiniâtre, abandonnaient leurs foyers envahis par
les armées catholiques. Kheïr-Eddin ramena à Gigelli un
nombre considérable d'émigrants recueillis sur les côtes
d'Andalousie, et, tant que l'état de la mer le lui permit,
il pourchassa, à outrance, les bâtiments des chrétiens
auxquels il fit un mal terrible.

Ce fut aussi vers celte époque que Kheïr-Eddin eut un
songe miraculeux que rapporte la chronique arabe : une
nuit, qu'il était livré à un profond sommeil, il vit tout-à-
coup devant lui le prophète Mahomet, qui, suivi de ses
quatre khalifes, Abou-Beker, Omar, Osman et Ali, et de
tous les compagnons de sa mission divine, s'avança près
de son lit et d'un ton majestueux lui dit : « Tu as donc
abandonné la bonne ville d'Alger? — Non, prophète de
Dieu, répondit Kheïr-Eddin ; mais le dégoût s'y est em-
paré de moi, et je suis venu faire diversion à mon ennui,
dans la compagnie de mes fidèles Gigelliens. >

Le prophète, sur qui soit le salut et la paix ! lui dit:
<i Kheïr-Eddin, mets ta confiance en l'éternel et retourne
à Alger.

» En ce moment Kheïr-Eddin se réveilla et, ouvrant
les yeux, il aperçut encore ce soleil du ciel et de la terre
qui sortait de l'appartement avec son glorieux cortège.
Kheïr-Eddin, en exécution de l'ordre qu'il venait de re-