Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Rocznik Historii Sztuki — 35.2010

DOI Artikel:
Wiatrzyk, Agnieszka: Les strates d'un palimpseste - entre Leon Battista Alberti et l'architecture venitienne de la première renaissance
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.14577#0072
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
66

AGNIESZKA WIATRZYK

dents, et par là même souvent omis dans les recherches, restent le Colisée et l'Amphithéâtre Castrense
à Rome133, avec leur revêtement et leur superposition des « ordres théâtraux » dans lesquels s'inscrivent les
fenêtres134. Dans le dossier de la banquette de façade, les panneaux avec dessin de bossages à joints diago-
naux rappellent visuellement l'image des groupes de blocs de Y opus reticulatum antique. En même temps,
ces éléments pourraient représenter une citation provenant de la tradition florentine, tout comme le motif
similaire de la décoration du fronton rampant de San Miniato al Monte133.

Christoph L. Frommel souligne qu'Alberti voulut introduire dans la façade une hiérarchie des dimen-
sions fondée sur sa théorie de l'harmonie musicale, idée qui dans les circonstances concrètes de la réalisation
ne resta qu'une ébauche136. Même si quelques aspects de la théorie albertienne ne purent se réaliser dans le
Palazzo Rucellai, et que son agrandissement effectué par Rossellino rend plus difficile l'appréciation du pro-
jet initial, il est possible de considérer le résultat des efforts du grand théoricien comme une vraie incarnation
de l'ordre classique. Le caractère triomphal de ce projet, inspiré certainement par l'œuvre de Vitruve, dut
servir au prolongement de la gloire des Rucellai, mais aussi à la gloire de l'architecte lui-même.

Serait-il possible que cette double intention explique de façon analogique la particularité de la décora-
tion du Palazzo Dario ? Pourrait-on retrouver dans l'articulation de ce palais vénitien une autre variante dudit
« triomphalisme » ?

En premier lieu, il faut souligner que l'utilisation consciente de la lumière frappe d'emblée dans
une ville tellement particulière aussi par le fait que l'eau y renforce toujours tous les reflets. Comme nous
l'avons déjà mentionné, Alberti visita probablement Venise à plusieurs reprises, et il se peut que dans la pre-
mière période de cristallisation de son système cette ville soit restée au moins au fond de ses pensées. Dans
les trois façades vénitiennes analysées, le schéma linéaire rehaussé avec la profusion des marbres multico-
lores. Ainsi, l'idéal architectural vénitien de la première Renaissance rappelle la hiérarchie des principes
esthétiques dans l'œuvre d'Alberti. Il s'agit de la fusion des proportions et de l'ornement dans ses trois sens :
de la 1 u m i è r e de l'œuvre, de son dessin linéaire, et enfin de sa d é с o r a t i о п.

Deuxièmmement, l'agencement géométrique des panneaux devient la dominante de l'organisation sur
presque toutes les surfaces décorées, dirait-t-on, comme témoin de l'harmonie des proportions, qui gouverne
le « corps » du bâtiment. Certes, cette harmonie répond plutôt aux idéaux byzantins qu'antiques, l'architec-
ture vénitienne restant ancrée dans la tradition propre à la ville.

Or, ce jeu d'analogies se résume paradoxalement dans le fait que les Vénitiens auraient profité dans
leur art plus amplement des conséquences possibles de la théorie de l'ornement albertienne qui s'accordait
avec leur tradition - tandis que dans les réalisations albertiennes d'autres traditions locales devaient être
prises en considération. 11 suffit de se référer à l'organisation de la façade du Palazzo Rucellai, où le manque
de couleurs est compensé dans un sens par l'effort du bossage précis. Dans ce contexte, l'importance de
l'articulation des pilastres, l'aspect linéaire des façades analysées, aussi bien du Ca' Dario que du Palazzo
Rucellai - semblent remplir le rôle des lineamenta dans la théorie albertienne. Ils transposent l'idée dans la
matière à travers un schéma précis, auquel les marbres et reliefs (prnamentî) apportent cette lumière auxi-
liaire de beauté [subsidaria lex pulchritudinis], différant selon les traditions locales. Comme le précise le
traité d'Alberti : « ...l'ornement sera donc une sorte de lumière auxiliaire de la beauté ; il appartient en
quelque sorte de façon innée au beau corps qu'elle habite tout entier, tandis que l'ornement présente un
caractère feint et ajouté [afficti et compacti] »137.

133 Pacciani, L'œuvre architecturale..., p. 218. Ce chercheur remarque aussi que la variation de l'articulation des ordres
sur la surface enrichie par les bossages peut être inspirée par Ciriaque d'Ancône, qui en 1431 a visité la ville Cizico au bord de la
Mer de Marmara, où il a admiré le célèbre temple d'Andrien de Zeus. De nos jours, la Bodleian Library conserve un dessin de
Bartolomeo Forrzio d'après Ciriaque d'Ancone, qui ressemble à la conception albertienne introduite dans la palais Rucellai : cf.
Temple d'Andrien à Cizico : détail, Bodleian Library, MS. Lat. Mise. D. 85, fol. 135 v et 136 r.

134 Burns, Leon Battista Alberti..., p. 136-137 (voir note 96). Cf. : A. Bruschi, LAntico e il processo di identificazione
degli ordini nella seconda meta del Quattrocento, [in :] L'emploi des ordres a la Renaissance. Actes du colloque, Lours, 9 - 14 juin
1986, Picard, Paris 1992. p. 19.

135 Pacciani, Z 'œuvre architecturale..., p. 176, note 18.

136 CL. F r о m m e 1, Palazzo Rucellai, [in :] Leon Battista Alberti e l 'architettura..., p. 345-347 (voir note 87). Voir aussi :
P. vonNaredi-Rainer, La bellezza numerabile : l'estetica architettonica di Leon Battista Alberti, [in :\ Leon Battista Alberti...,
p. 292-299.

137 L.B. Alberti,! 'art d'édifier, Livre VI, chap. 2, p. 279.
 
Annotationen