— Celle-ci sont à élastiques. Monsieur votre mari pourra donc les
chausser sa,ns corne.
— Mais il en a, monsieur! Dessin de Haye.
niable— fonctionnaire. Je l’ai pris par son faible et par un bou-
ton de sa tunique, et, dimanche soir, au moment même où des
voix joyeuses criaient par-
tout : « On va fermer! »
(car tu n’ignores pas que
le cri : « On ferme! » a été
supprimé depuis que Clau-
dius a inventé : «Ta gueu-
le ! ») j'ai engagé la conver-
sation avec lui en élevant
lesdoutes les plus formels
sur l’authenticité du bou-
chon de carafe national.Le
brave homme suffoquait
d’indignation, d’autant
plus que, fort de la petite
histoire de Saïtapharnès,
et tout rempli d’une érudi-
tion acquise dans un La-
rousse quelconque, je l’é-
crasais d’arguments, de
preuves et de citations du
reste parfaitement fausses.
« Alafin, n’y tenant plus :
« — Ah! c’est trop fort,
s’écria-t-il. Voici la pre-
mière fois que j’entends
dire une chose pareille. Je
vois bien, monsieur, que
vous êtes un fin connais-
seur... mais si vous teniez
le Régent trois secondes
dans le creux de votre
main, cela suffirait pour
vous convaincre.
« — Qu’à cela ne tienne,
répliquai-je. Nous sommes
seuls...
« — Ah! ma foi, tant
pis 1 fit le confiant gar-
dien.
« Et, se servant du dia-
mant pour couper la vi-
trine qui l’isole, il me le
tendit d’un geste fier...
M’en saisir, tourner vive-
ment le dos au fidèle cer-
bère, substituer au Régent
le cabochon que j’avais
dans ma poche de gilet et
le remplacer par l’origi-
nal, m’approcher d’une des
hautes fenêtres, contem-
pler gravement à contre-
jour mon faux diamant et
le rendre au pauvre gardien tremblant de son audace — tout
cela fut l’affaire de quelques instants.
« —Eh bien! mon ami,
j’avais parfaitement raison,
déclarai-je d’un air pérem p-
toire. Ce diamant est faux
comme une tiare!
« Le gardien m’accabla
d’un sourire supérieur...
« — Avec tout ça, me
répondit-il, je vais en avoir
pour cinquante francs de
réparation à la vitrine...
« Je lui tendis deux
francs vingt-cinq et lui af-
firmai froidement que mon
silence valait bien qua-
rante-sept francs soixante-
quinze.
« Voilà comment, mon
vieux lapin, j’ai su mettre
à profit tes précieuses in-
dications... et remarque
bien que je n’ai même
pas trompé le gardien du
Trésor.
« Aussi,leLouvrecompte
une tiare de plus ! Cela n’a
aucune importance, puis-
que personne ne le croira.
« Quant au Régent, sa-
vamment retaillé, je lui ai
déjà trouvé à Londres un
acquéreur qui m’en a don-
né un million trois cent
dix mille francs pour le
compte d’une compagnie
minière du Transvaal.
« Le premier emploi que
je vais faire de cette somme
assez coquette sera natu-
rellement de t’inviter à dî-
ner, demain soir, au Duval
de la rue Montesquieu.
« Ai-je besoin de te dire
mon éternelle reconnais-
sance-?
« Indérapablement,
« Ton Emile Bonnain.
« P. S. Tu serais bien
gentil de me rendre au des-
sert les cinq louis que la
petite Yvonne m’a emprun-
tés en ton nom. »
Curnowsky.
— ... Quand je pense que le docteur m avait recommandé, comme distraction de
tout repos, le « jeu de l’auto » ! ; - Dessin de Victor Lhomme.
chausser sa,ns corne.
— Mais il en a, monsieur! Dessin de Haye.
niable— fonctionnaire. Je l’ai pris par son faible et par un bou-
ton de sa tunique, et, dimanche soir, au moment même où des
voix joyeuses criaient par-
tout : « On va fermer! »
(car tu n’ignores pas que
le cri : « On ferme! » a été
supprimé depuis que Clau-
dius a inventé : «Ta gueu-
le ! ») j'ai engagé la conver-
sation avec lui en élevant
lesdoutes les plus formels
sur l’authenticité du bou-
chon de carafe national.Le
brave homme suffoquait
d’indignation, d’autant
plus que, fort de la petite
histoire de Saïtapharnès,
et tout rempli d’une érudi-
tion acquise dans un La-
rousse quelconque, je l’é-
crasais d’arguments, de
preuves et de citations du
reste parfaitement fausses.
« Alafin, n’y tenant plus :
« — Ah! c’est trop fort,
s’écria-t-il. Voici la pre-
mière fois que j’entends
dire une chose pareille. Je
vois bien, monsieur, que
vous êtes un fin connais-
seur... mais si vous teniez
le Régent trois secondes
dans le creux de votre
main, cela suffirait pour
vous convaincre.
« — Qu’à cela ne tienne,
répliquai-je. Nous sommes
seuls...
« — Ah! ma foi, tant
pis 1 fit le confiant gar-
dien.
« Et, se servant du dia-
mant pour couper la vi-
trine qui l’isole, il me le
tendit d’un geste fier...
M’en saisir, tourner vive-
ment le dos au fidèle cer-
bère, substituer au Régent
le cabochon que j’avais
dans ma poche de gilet et
le remplacer par l’origi-
nal, m’approcher d’une des
hautes fenêtres, contem-
pler gravement à contre-
jour mon faux diamant et
le rendre au pauvre gardien tremblant de son audace — tout
cela fut l’affaire de quelques instants.
« —Eh bien! mon ami,
j’avais parfaitement raison,
déclarai-je d’un air pérem p-
toire. Ce diamant est faux
comme une tiare!
« Le gardien m’accabla
d’un sourire supérieur...
« — Avec tout ça, me
répondit-il, je vais en avoir
pour cinquante francs de
réparation à la vitrine...
« Je lui tendis deux
francs vingt-cinq et lui af-
firmai froidement que mon
silence valait bien qua-
rante-sept francs soixante-
quinze.
« Voilà comment, mon
vieux lapin, j’ai su mettre
à profit tes précieuses in-
dications... et remarque
bien que je n’ai même
pas trompé le gardien du
Trésor.
« Aussi,leLouvrecompte
une tiare de plus ! Cela n’a
aucune importance, puis-
que personne ne le croira.
« Quant au Régent, sa-
vamment retaillé, je lui ai
déjà trouvé à Londres un
acquéreur qui m’en a don-
né un million trois cent
dix mille francs pour le
compte d’une compagnie
minière du Transvaal.
« Le premier emploi que
je vais faire de cette somme
assez coquette sera natu-
rellement de t’inviter à dî-
ner, demain soir, au Duval
de la rue Montesquieu.
« Ai-je besoin de te dire
mon éternelle reconnais-
sance-?
« Indérapablement,
« Ton Emile Bonnain.
« P. S. Tu serais bien
gentil de me rendre au des-
sert les cinq louis que la
petite Yvonne m’a emprun-
tés en ton nom. »
Curnowsky.
— ... Quand je pense que le docteur m avait recommandé, comme distraction de
tout repos, le « jeu de l’auto » ! ; - Dessin de Victor Lhomme.