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https://doi.org/10.11588/diglit.23870#0823
ingrates et qui doivent, sans marchander leur peine, nettoyer
les bureaux de poste, découvrir les forçats innocents et faire de
la littérature, devront-ils maintenant passer leurs nuits aux
fenêtres pour sauvegarder... les agents qui dorment?
Arthur Sapin.
L'enquête du Rire.
Dès que nous avons eu connaissance de ces révélations sensa-
tionnelles, nous nous sommes fait conduire, en voiture électri-
que, 347, rue Pigalle.
Il était neuf heures du matin... Quatorze mille personnes en-
combraient la rue et tâchaient d'apercevoir les fenêtres du troi-
sième étage de la maison sanglante. Un service d'ordre avait été
organisé en hâte, et M. Lépine lui-même avait tenu à en prendre
la direction.
Après des difficultés inouïes, nous avons pu, enfin, pénétrer
dans la maison du crime. C'est un immeuble vaste et bien entre-
tenu. Les escaliers sont cirés. Il n'y a pas d'ascenseur.
Nous avons pu causer une minute avec la concierge. C'est une
femme d'un certain âge et d'une exceptionnelle aménité.
Nous lui avons demandé si le récit de M. Arthur Sapin,publié
le matin même, était bien exact, et s'il était vrai qu'un crime
abominable avait été commis chez les locataires du troisième.
Pour répondre à nos questions, l'aimable femme a bien voulu
rédiger la petite note suivante que nous publions sans commen-
taires :
« Je, soussignée, Ernestine Vaut, concierge, 347, rue Pigalle,
certifie que le récit de M. Arthur Sapin, paru ce matin dans un
grand journal, est parfaitement exact.
« On a, en effet, ouvert le ventre, la nuit dernière, vers les
trois heures, au fils du locataire du troisième étage, le jeune
— Madame, je vous la souhaite comme moi. Rûbinot
— Comment, comme vous? „ .', , , . ,. ^ . XT
— Eh, oui : bonne et heureuse! Dessin de Haye. « On 1 a opère de 1 appendicite. Ernestine Vaut. »
Maurice Prax.
L'homme, dont le rictus satanique élargis-___
sait la bouche, se pencha sur le corps raidi du
pauvre martyr et% pendant quelques instants,
resta immobile.
Son complice lui apporta une grande cu-
vette et alluma deux nouveaux flambeaux qui
jetèrent sur cette scène de cauchemar une
lueur blafarde et mortuaire...
Alors, d'un seul coup de couteau, ainsi qu'un
boucher découpe de la viande, l'homme qui
portait le tablier blanc ouvrit le ventre du
pauvre adolescent étendu....
Le sang gicla par la blessure béante. Insen-
sible, l'assassin plongea ses mains dans les en-
trailles de sa victime et parut goûter, à l'ac-
complissement de son effroyable forfait, une
ivresse indicible.
Horrible, terrifiant spectacle qui, désormais,
obsédera toujours ma mémoire quand bien
même je vivrais mille ans!
Que faire? La rue était déserte. Le pauvre
enfant que j'avais vu martyriser sous mes yeux,
à quinze mètres en face de moi, avait certai-
nement expiré sous les coups de son meur-
trier.
Ce qu'il fallait, désormais, c'était venger le
mort et faire emprisonner les coupables!
Je courus en hâte jusqu'au commissariat de
police voisin, et deux agents — nos lecteurs
savent qu'aucune arrestation ne peut être opé-
rée entre le coucher et le lever du soleil —
vinrent garder les issues de la maison san-
glante.
A l'heure où nous écrivons ces lignes, les
ignobles assassins sont certainement entre les
mains de la justice.
N'est-il point étonnant, tout de même, qu'un
crime aussi effroyable ait pu être ainsi perpé-
tré en plein cœur de Paris, clans une maison
bourgeoise? Personne n'a rien vu... personne
n'a rien entendu... Et un pauvre jeune homme,
pourtant, cloué sur une table de torture, a été
brutalement éventré par des vieillards sadi-
ques et assoiffés de sang...
Vraiment, cela nous déconcerte.
J'y a-t-il plus de police â Paris, et les jour- _ Nous ne donnons pas!... D'ailleurs, nous avons été constipés toute l'année!...
istes à qui incombent déjà tant de tâches Dessin de Grandjouan.
les bureaux de poste, découvrir les forçats innocents et faire de
la littérature, devront-ils maintenant passer leurs nuits aux
fenêtres pour sauvegarder... les agents qui dorment?
Arthur Sapin.
L'enquête du Rire.
Dès que nous avons eu connaissance de ces révélations sensa-
tionnelles, nous nous sommes fait conduire, en voiture électri-
que, 347, rue Pigalle.
Il était neuf heures du matin... Quatorze mille personnes en-
combraient la rue et tâchaient d'apercevoir les fenêtres du troi-
sième étage de la maison sanglante. Un service d'ordre avait été
organisé en hâte, et M. Lépine lui-même avait tenu à en prendre
la direction.
Après des difficultés inouïes, nous avons pu, enfin, pénétrer
dans la maison du crime. C'est un immeuble vaste et bien entre-
tenu. Les escaliers sont cirés. Il n'y a pas d'ascenseur.
Nous avons pu causer une minute avec la concierge. C'est une
femme d'un certain âge et d'une exceptionnelle aménité.
Nous lui avons demandé si le récit de M. Arthur Sapin,publié
le matin même, était bien exact, et s'il était vrai qu'un crime
abominable avait été commis chez les locataires du troisième.
Pour répondre à nos questions, l'aimable femme a bien voulu
rédiger la petite note suivante que nous publions sans commen-
taires :
« Je, soussignée, Ernestine Vaut, concierge, 347, rue Pigalle,
certifie que le récit de M. Arthur Sapin, paru ce matin dans un
grand journal, est parfaitement exact.
« On a, en effet, ouvert le ventre, la nuit dernière, vers les
trois heures, au fils du locataire du troisième étage, le jeune
— Madame, je vous la souhaite comme moi. Rûbinot
— Comment, comme vous? „ .', , , . ,. ^ . XT
— Eh, oui : bonne et heureuse! Dessin de Haye. « On 1 a opère de 1 appendicite. Ernestine Vaut. »
Maurice Prax.
L'homme, dont le rictus satanique élargis-___
sait la bouche, se pencha sur le corps raidi du
pauvre martyr et% pendant quelques instants,
resta immobile.
Son complice lui apporta une grande cu-
vette et alluma deux nouveaux flambeaux qui
jetèrent sur cette scène de cauchemar une
lueur blafarde et mortuaire...
Alors, d'un seul coup de couteau, ainsi qu'un
boucher découpe de la viande, l'homme qui
portait le tablier blanc ouvrit le ventre du
pauvre adolescent étendu....
Le sang gicla par la blessure béante. Insen-
sible, l'assassin plongea ses mains dans les en-
trailles de sa victime et parut goûter, à l'ac-
complissement de son effroyable forfait, une
ivresse indicible.
Horrible, terrifiant spectacle qui, désormais,
obsédera toujours ma mémoire quand bien
même je vivrais mille ans!
Que faire? La rue était déserte. Le pauvre
enfant que j'avais vu martyriser sous mes yeux,
à quinze mètres en face de moi, avait certai-
nement expiré sous les coups de son meur-
trier.
Ce qu'il fallait, désormais, c'était venger le
mort et faire emprisonner les coupables!
Je courus en hâte jusqu'au commissariat de
police voisin, et deux agents — nos lecteurs
savent qu'aucune arrestation ne peut être opé-
rée entre le coucher et le lever du soleil —
vinrent garder les issues de la maison san-
glante.
A l'heure où nous écrivons ces lignes, les
ignobles assassins sont certainement entre les
mains de la justice.
N'est-il point étonnant, tout de même, qu'un
crime aussi effroyable ait pu être ainsi perpé-
tré en plein cœur de Paris, clans une maison
bourgeoise? Personne n'a rien vu... personne
n'a rien entendu... Et un pauvre jeune homme,
pourtant, cloué sur une table de torture, a été
brutalement éventré par des vieillards sadi-
ques et assoiffés de sang...
Vraiment, cela nous déconcerte.
J'y a-t-il plus de police â Paris, et les jour- _ Nous ne donnons pas!... D'ailleurs, nous avons été constipés toute l'année!...
istes à qui incombent déjà tant de tâches Dessin de Grandjouan.