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Le rire: journal humoristique — N.S. 1908 (Nr. 257-308)

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https://doi.org/10.11588/diglit.25440#0201
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NOTES D’UN BLAGUEUR

LES BADAUDS

Quels éternels badauds nous sommes!
Pour un rien nous nous arrêtons.

On voit des femmes et des hommes,
Des modistes, des marmitons,

Des mendigots, même des riches,

Des nourrices et leurs bambins,

Des rentiers, de simples caniches,

Et des bourgeois ou des larbins,

En un mot ce qui constitue
Dans Paris tout le flot humain,

On voit, uis-je, cette cohue
S’arrêter net en son chemin,

Pour la raison la plus futile :

Un ballon du Louvre lâché,

Une panne d’automobile,

Un camelot mal embouché,

Un cheval tombé qu’on rudoie,

Un pan de mur qu’on démolit,

Un trou qu’on creuse sur la voie
Ou bien un autre qu’on remplit;

Une grosse dame en syncope
Qui sur un banc se trouve mal,
Pendant qu’un bicycliste écope
Pour sa plaque un procès-verbal;

Tout est bon pour l’être en balade
Pourvu qu’il suspende un instant
Sa course ou bien sa promenade
Pendant sans doute qu’on l’attend;
Pourvu surtout qu'il se faufile
Parmi des badauds comme lui,
Donnant un conseil inutile,

PETIT COURS d’astronomie PRATIQUE
Collision de planète : Vénus entre dans sa turne! Dessin de Labordk.

Offrant aux agents son appui.

Et son bonheur est sans limite
Quand-on lui demande son nom
Afin de servir dans la suite
Comme témoin ou caution.

Comment voulez-vous qu’on s’esclaffe,
Après ce constat, du succès
Qu’obtient le cinématographe
Aux yeux de nos badauds français?
N’eut-il pas un trait de génie
Celui qui sur un transparent
Sut donner à la flânerie
Un si merveilleux aliment?

C’est à ce point qu’un incendie,

Une femme écrasée... ou deux,

Auprès de cette comédie
Font à peine lever les yeux ;

Et le flâneur joyeux se pâme
A des scènes de pugilat
Finissant par une réclame
De moutarde ou de chocolat.

Eh! bien, vous le croirez à peine,

Ce spectacle délicieux
Pâlit devant une autre scène
Qui se déroula sous mes yeux;

J’ai vu cette folle mégère
Qu’on nomme la foule criant
Autour d’une femme-cochère
En quête d’un vague client ;

Les cochers à leur concurrente
Faisaient escorte au petit pas,

Les agents devant la tourmente
Sans piper se croisaient les bras,
Pendant qu’un gamin pâle et bète,

En la prenant comme un jouet,

Lui criait : « C’que t’en fais un’ tête,
Prends garde à la maladi’d’fouet ! »

Et la pauvre était toute blanche,

Seule contre tous ces badauds,

Elle fuyait sous l’avalanche
Baissant le front, courbant le dos :

Elle sentait que cette douche
La privait de son gagne-pain,

Car le client qu’on effarouche
N’ose monter dans son sapin;

Et ce public lâche et stupide
Ne songeait pas que cet assaut
Ferait rentrer la poche vide
Une maman prés d’un berceau.

ENVOI

Ma Ninon, pour être cochère
Tes brevets sont très bien gagnés,
Puisque tu me conduis, ma chère,

Tous les jours par le bout du nez.

Jacques Redelsperger.
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