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Le rire: journal humoristique — N.S. 1909 (Nr. 309-360)

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https://doi.org/10.11588/diglit.23996#0823
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importante entreprise, avec capitaux, conseil d'administration «f
sans doute excellents dividendes. Ces sortes d’affaires prospè-
rent merveilleusement... Tout de même, si M. Cochery cherche
des expédients pour boucler son budget, que ne va-t-il, en tout
bien, tout honneur, frapper à la porte de ces établissements?
L’argent n’a fichtre pas d’odeur, surtout par le temps qui court.

*

* *

On ne peut imaginer la liberté d’allures et de mœurs qui régne
de plus en plus dans des milieux qui naguère encore s’obli-
geaient à un certain décorum.

Un mien ami — tout ceci est authentique — fonda naguère un
Thé très élégant, aux environs de la Madeleine. Vous savez que
la mode lance et abandonne « les maisons de thé » avec la plus
capricieuse fantaisie. Avant-hier, on five-o clochait au R...; hier,
c’était au C... ; maintenant, c’est chez mon ami... Cela durera
quelques mois, puis ce sera le tour d’un autre établissement.

Je rencontre cet ami et lui demande des nouvelles de son
entreprise.

— Cela va, me répond-il... cela va...

— Mieux que tu l’espérais?

— Autrement...

— Que veux-tu dire?

— Voici : quand j’ai lancé ma boîte, je comptais sur la clien-
tèle des demi mondaines, cabotines, danseuses, etc. Eh bien,
elles ne sont pas venues. Je ne « fais » que la bourgeoise, la vraie
mondaine...

— Tje n’est pas la même chose!

— En tout cas, cela y ressemble singulièrement. Tu n’as pas
idée de ce monde-là... Ces femmes honnêtes viennent prendre le
thé dans mon établissement pour se faire « lever », telles de sim-
ples grues, et c’est à peine si elles y mettent plus de formes.
Voici le scénario de ces romans-express. Elles viennent toujours
à deux. Installées devant leur théière et leurs toasts, elles s’orien-
tent, lorgnent à droite et à gauche, jusqu’à ce qu’elles aient dé-
couvert un monsieur convenable,— en apparence, bien entendu.
Le monsieur s’aperçoit de l’intérêt qu’il suscite; parfois, il a pris
les devants... Télégraphie sans fil, sourires, etc. Le lendemain,
les deux dames reviennent à la même heure, s’installent à la
même table; le monsieur aussi. Petits signes, messages portés
par les serveuses, etc. Au troisième jour, c’est réglé, les dames
et le monsieur prennent le thé ensemble. Que se passe-t-il en-

I.A VENTE DU MOBILIER DE lT.WPASSE MENTERIE
On a dispersé des bois sculptés et autres, un lit à bateau (celui de la
Tante Lit-Lit), des ficelles à peloter, des vessies-lanternes, de la parfu-
merie, et, annonçait le catalogue, des costumes de modèle et des ouvrages

de dame.

— La moutarde leur monte au nez, alors voyez pruneaux, marrons,
compote et marmelade.», cornichons !... Dessins de métivet.

suite? Le monsieur choisit-il, ou bien?... je l’ignore. Mais l’aven-
ture aboutit toujours, et rapidement; je l’ai observé des centai-
nes de fois... Le plus drôle, c’est que les dimanches, ces
flirteuses à la vapeur et même à l’électricité reviennent chez
moi prendre le thé, mais, cette fois, avec leur mari et souvent
leurs enfants.

— En somme, lui dis-je, ta maison est un...

— N’achève pas, je devine. Tu as raison, mais cela n’empêche
que ma clientèle est tout ce qu’il y a de plus chic à Paris. Je
pourrais te citer des noms, mais je suis lié par le secret profes-
sionnel...

*

* *

Il y a aussi les théâtres subventionnés qui, aux yeux du dé-
puté Chastenet, ne valent pas mieux que les galantes maisons
de thé.

Et cet honorable demande que les subventions soient sérieu-
sement diminuées...

Jadis, c’était le père Michon qui, à chaque discussion du bud-
get, montait à la tribune de la Chambre, pour réclamer la sup-
pression du corps de ballet. 11 est bien certain que, pour un sé-
vère moraliste, l’Opéra ne peut passer pour un temple de la vertu.
Quoi qu’en dise Mme Régina Badet, la danseuse — et même la
chanteuse et l’actrice — est quelquefois une « courtisane »,
comme l’afhrment les Desgenais de province.

Une ballerine de nos théâtres subventionnés gagne deux
cents francs par mois avec ses jambes et cent mille francs par
an... avec ses jambes aussi. Même, sur les scènes que nous
envie l’univers, il arrive que certaines de ces dames et de ces
demoiselles soient des Lais et des Phrynés plus ou moins
athéniennes, mais fort complaisantes pour nos Périclés plus ou
moins démocrates.

Souvenez-vous de cette belle comédienne qui gagnait 220 francs
par mois à la Comédie-Française et qui mourut à vingt-huit ou
trente ans en laissant pour plus de deux millions de bijoux.

Les moralistes ont d’ailleurs tort et M. Chastenet se met le
doigt dans l’œil... Pourquoi la République n’aurait-elle pas ses
galantes maisons officielles et subventionnées? Ne faut-il pas
que les monarques, nos hôtes, puissent y trouver de protocolai-
res amuseuses et nos ministres y pourvoir à leurs menus plai-
sirs?

Le corps de ballet, c’est l’Académie de l’amour; aussi bien, on y
voit des immortelles presque aussi jeunes que M. Lavisse et
bien aussi chauves que M. Rostand.

Pick-me-Up.
 
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