LE RIRE AU THEATRE
Brasseur.
Les Merveilleuses aux Variétés.
Quiconque aurait l’impertinence de contestera Fernand Samuel
le titre de premier metteur en scène du monde et de trouver
exagérée l’épithète de Magnifique qui lui sert d’auréole, serait
traité d’individu bien peu parisien, épithète entre toutes inju-
rieuse. Et nul en effet ne sait mieux évoquer les jolis tableaux,
grouper des costumes, donner une vie réelle à de vieilles
estampes et tirer du moindre document le meilleur parti pos-
sible. Or, ce diable d’homme vient de se surpasser lui-même en
montant merveilleusement les Merveilleuses.
Sous ce même titre, aux mêmes Variétés, la pièce, de Sardou
seul, n’avait eu en 1873 qu’un succès d’estime ; ce dont le plus
roublard des dramaturges ne se montra pas autrement affecté.
Les Merveilleuses avaient alors quatre actes. Aujourd’hui, il y
a un acte de moins, et quatre auteurs de plus. Deux
conservent un modeste anonymat. Restent pour le
livret Paul Ferrier, et pour la musique M. Hugo
Félix.
Ferrier a écrit des couplets alertes et pimpants,
avec l’émotion inséparable d’un deux centième
début (car une page du Rire ne suffirait pas au
catalogue des œuvres complètes de ce jeune vieil-
lard). Quant à M. Hugo Félix, il est le plus pari-
sien des compositeurs viennois; au point que l’on
a sous-titré sa partition la Mère cle Madame Angot.
Guy et Albert Brasseur jouent avec verve et
finesse deux Javert protéiformes ; Prince est déli-
cieux; et notre pétulant, étincelant et narquois
Galipaux exerce sans compter sa bouffonnerie
inventive. Marthe Régnier chante comme ellejoue :
et la grâce de Mlle Saulier, la belle voix toujours
solide de Mlle Méaly, l’organe non moins généreux
de M. Fabert font merveille dans ces Merveilleuses.
fl
Les Cinq messieurs de
Francfort, au Gymnase.
Retenu au lit par une chute
de cheval (merci, aimable lec-
trice, ce ne sera rien), il m’a été
impossible d’assister à la « gé-
nérale » des Cinq messieurs de
Francfort ; mais mon vieux
camarade Edouard Drumont (qu’il en soit
remercié) a bien voulu m’envoyer cet impar-
tial compte rendu :
« Voici une pièce que tous les bons Fran-
çais doivent aller entendre. Œuvre de cou-
rageuse satire et d’ardent patriotisme, elle
étale avec franchise le scandaleux accapare-
ment de notre pauvre Europe par les immon-
des Youpins.
« La famille Hamschel compte cinq rejetons
(car le Juif est prolifique à l’égal du lapin et
du tatou-cabassou) et ces abjects individus
H on
Lagorille,
Prince des Merveilleuses.
ont résolu de se partager,
pour les besoins de leur
bèdit gommerse, notre
ancien continent : l’aîné
(il s’appelle Salomon,
comme Reinach) opère
à Vienne; le second, qui
se prénomme Nathan (tel
le prophète du temps de
David), exerce son indus-
trie dans les brouillards
de Londres. Le troisième,
Meyer (comme Arthur
dirige à Francfort la
banque pater-
nelle ; Charles
(le quatrième
de la portée)
habiteNaples;
et le plus jeu-
ne, Jakob, se
dissimule lâ-
chement sous
le nom de Jac-
q ues pour
s’installer à
Paris, et met-
tre en coupe
réglée la
France de saint Louis et de Jeanne d’Arc.
«Salomon, la forte tète de la famille, procure à
tous les siens des parchemins de baron, car à
notre cynique époque de décadence tout se vend,
même la noblesse : il a une fille, nommée Char-
lotte (telle l’héroïne de l’Allemand Wolfgang
Gœthe), et prétend l’unir (ces gens-là ne doutent
de rien) à un grand seigneur. Mais Charlotte dé-
daigne la couronne ducale pour épouser l’élu de
son choix. Ces beaux sentiments sont bien invrai-
semblables chez une jeune fille de sa race; mais il
faut tenir compte de la, convention théâtrale.
« La traduction de cette pièce étrangère avait
été proposée d'abord au baron-docteur Henry de Rothschild,
lequel, comme chacun sait,-se pique de littérature. Mais le
baron exigeait la totalité des droits d’auteur et cinquante pour
cent sur la recette!.... On reconnaît bien là l’outrecuidante rapa-
cité des fils d’Issachar et de Zabulon !.. »
Le baryton Gali-
paux et la cantatrice
bien connue Marthe
Regnier ont fait leurs
débuts dans la co-
médie aux Variétés.
réunit les
Au Théâtre Impérial.
La farce qui est l’attrait principal de la soirée,
noms de Henry de Forge, Louis XI et René Kerdyk.
Il suffit de lire l’Histoire, pour constater que le fils de
Charles VII et de Marie d’Anjou possédait toutes les qualités du
véritable auteur dramatique : nul ne sut comme lui nouer et
délier une intrigue, brusquer les dénouements. Ses milices à vrai
dire, étaient parfois cousues de fil blanc; et s’il abusa des
ficelles, c’est que — fétichard comme tous les
gens de théâtre — il croyait aux bons effets de
la corde de pendu.
Les deux jeunes collabos du regretté Louis XI
ne l’ont pas trahi; leur farce est souveraine-
ment amusante et fut applaudie royalement;
mise en valeur par une interprétation spiri-
tuelle et charmante.
De MUesCorciade et
Albany, laquelle a
le plus de grâce et
de talent?
Ragotin.
Morton et Sergius dans « le Clou » de The Toréador.
Illustrations de
Yves Marevéry.
Mary Massart.
Brasseur.
Les Merveilleuses aux Variétés.
Quiconque aurait l’impertinence de contestera Fernand Samuel
le titre de premier metteur en scène du monde et de trouver
exagérée l’épithète de Magnifique qui lui sert d’auréole, serait
traité d’individu bien peu parisien, épithète entre toutes inju-
rieuse. Et nul en effet ne sait mieux évoquer les jolis tableaux,
grouper des costumes, donner une vie réelle à de vieilles
estampes et tirer du moindre document le meilleur parti pos-
sible. Or, ce diable d’homme vient de se surpasser lui-même en
montant merveilleusement les Merveilleuses.
Sous ce même titre, aux mêmes Variétés, la pièce, de Sardou
seul, n’avait eu en 1873 qu’un succès d’estime ; ce dont le plus
roublard des dramaturges ne se montra pas autrement affecté.
Les Merveilleuses avaient alors quatre actes. Aujourd’hui, il y
a un acte de moins, et quatre auteurs de plus. Deux
conservent un modeste anonymat. Restent pour le
livret Paul Ferrier, et pour la musique M. Hugo
Félix.
Ferrier a écrit des couplets alertes et pimpants,
avec l’émotion inséparable d’un deux centième
début (car une page du Rire ne suffirait pas au
catalogue des œuvres complètes de ce jeune vieil-
lard). Quant à M. Hugo Félix, il est le plus pari-
sien des compositeurs viennois; au point que l’on
a sous-titré sa partition la Mère cle Madame Angot.
Guy et Albert Brasseur jouent avec verve et
finesse deux Javert protéiformes ; Prince est déli-
cieux; et notre pétulant, étincelant et narquois
Galipaux exerce sans compter sa bouffonnerie
inventive. Marthe Régnier chante comme ellejoue :
et la grâce de Mlle Saulier, la belle voix toujours
solide de Mlle Méaly, l’organe non moins généreux
de M. Fabert font merveille dans ces Merveilleuses.
fl
Les Cinq messieurs de
Francfort, au Gymnase.
Retenu au lit par une chute
de cheval (merci, aimable lec-
trice, ce ne sera rien), il m’a été
impossible d’assister à la « gé-
nérale » des Cinq messieurs de
Francfort ; mais mon vieux
camarade Edouard Drumont (qu’il en soit
remercié) a bien voulu m’envoyer cet impar-
tial compte rendu :
« Voici une pièce que tous les bons Fran-
çais doivent aller entendre. Œuvre de cou-
rageuse satire et d’ardent patriotisme, elle
étale avec franchise le scandaleux accapare-
ment de notre pauvre Europe par les immon-
des Youpins.
« La famille Hamschel compte cinq rejetons
(car le Juif est prolifique à l’égal du lapin et
du tatou-cabassou) et ces abjects individus
H on
Lagorille,
Prince des Merveilleuses.
ont résolu de se partager,
pour les besoins de leur
bèdit gommerse, notre
ancien continent : l’aîné
(il s’appelle Salomon,
comme Reinach) opère
à Vienne; le second, qui
se prénomme Nathan (tel
le prophète du temps de
David), exerce son indus-
trie dans les brouillards
de Londres. Le troisième,
Meyer (comme Arthur
dirige à Francfort la
banque pater-
nelle ; Charles
(le quatrième
de la portée)
habiteNaples;
et le plus jeu-
ne, Jakob, se
dissimule lâ-
chement sous
le nom de Jac-
q ues pour
s’installer à
Paris, et met-
tre en coupe
réglée la
France de saint Louis et de Jeanne d’Arc.
«Salomon, la forte tète de la famille, procure à
tous les siens des parchemins de baron, car à
notre cynique époque de décadence tout se vend,
même la noblesse : il a une fille, nommée Char-
lotte (telle l’héroïne de l’Allemand Wolfgang
Gœthe), et prétend l’unir (ces gens-là ne doutent
de rien) à un grand seigneur. Mais Charlotte dé-
daigne la couronne ducale pour épouser l’élu de
son choix. Ces beaux sentiments sont bien invrai-
semblables chez une jeune fille de sa race; mais il
faut tenir compte de la, convention théâtrale.
« La traduction de cette pièce étrangère avait
été proposée d'abord au baron-docteur Henry de Rothschild,
lequel, comme chacun sait,-se pique de littérature. Mais le
baron exigeait la totalité des droits d’auteur et cinquante pour
cent sur la recette!.... On reconnaît bien là l’outrecuidante rapa-
cité des fils d’Issachar et de Zabulon !.. »
Le baryton Gali-
paux et la cantatrice
bien connue Marthe
Regnier ont fait leurs
débuts dans la co-
médie aux Variétés.
réunit les
Au Théâtre Impérial.
La farce qui est l’attrait principal de la soirée,
noms de Henry de Forge, Louis XI et René Kerdyk.
Il suffit de lire l’Histoire, pour constater que le fils de
Charles VII et de Marie d’Anjou possédait toutes les qualités du
véritable auteur dramatique : nul ne sut comme lui nouer et
délier une intrigue, brusquer les dénouements. Ses milices à vrai
dire, étaient parfois cousues de fil blanc; et s’il abusa des
ficelles, c’est que — fétichard comme tous les
gens de théâtre — il croyait aux bons effets de
la corde de pendu.
Les deux jeunes collabos du regretté Louis XI
ne l’ont pas trahi; leur farce est souveraine-
ment amusante et fut applaudie royalement;
mise en valeur par une interprétation spiri-
tuelle et charmante.
De MUesCorciade et
Albany, laquelle a
le plus de grâce et
de talent?
Ragotin.
Morton et Sergius dans « le Clou » de The Toréador.
Illustrations de
Yves Marevéry.
Mary Massart.