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Le rire: journal humoristique — 25.1919

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https://doi.org/10.11588/diglit.28149#0806
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DiLÊMNK

théâtre


— Voici, j’augmente votre fromage et supprime vos appointements ou
bien je supprime la vedette et vous laisse vos 150 francs mensuels. Vous
hésitez ?

— ... entre la poire et le fromage. Dessin de' George-Edward.

chance, je ne crois pas en Dieu. Vous voyez comme la situation
est terrible. Nous sommes perdusI

Son ton dramatique et sa pâleur nous firent éclater de rire.

— Comment, perdus?

— Vous ne voyez donc pas que la mer est d’un calme affreux?
Pas un souffle de vent. Le canot est immobile. Immobile comme
s’il était ancré. Notre seule chance de salut serait qu’une tem-
pête s’élevât et nous jetât à la côte. Par malheur, nous sommes
au large de Deauville, et je me suis laissé dire que M. Cor-
nuché a trouvé un moyen de rendre la mer immuablement
calme pendant la belle saison pour que le bruit des vagues ne
trouble pas la conversation de ses clients à la Potinière.

— Mais justement, — fis-je, — nous sommes au large de Deau-
ville. Nous voyons à la lorgnette les détails de toilette de ces
dames. 11 nous suffira d’agiter notre mouchoir pour qu’on
vienne à notre secours.

Le capitaine secoua tristement
la tête.

— Hélas ! monsieur, vous
voyez les promeneurs de Deau-
ville, mais les promeneurs de
Deauville né vous voient pas.

Vous savez bien qu’à Deauville
personne ne regarde jamais la
mer. Nous pourrions demeurer
quinze jours ici, et plus, sans
qu’on s’aperçoive de notre pré-
sence. Nous sommes, à quelques
kilomètres de ce rivage très
habité, — trop habité, — aussi
perdus qu'au centre de l’Océan
Pacifique. Et peut-être même
davantage.

Le capitaine parla ainsi, et il
avait raison. Nous nous mîmes
à agiter nos bras prolongés d’une
ombrelle, d’un chapeau ou d’un
mouchoir, pendant une bonne
heure, sans que rien s’émût là-
bas. Nous voyions à la lorgnette
que, tandis que nous nous érein-
tions en signaux de détresse,

AOAPRS DÉMOCRATIQUES

— Ça ne va pas, citoyen candidat?

— J’crois que je vais avoir une indigestion ! Dessin de Nob.

des gens se rencontraient, se saluaient, bavardaient, se baisaient
la main! Et tous, tous nous tournaient le dos! Nos bras n’en
pouvaient plus de se secouer. Nous déridâmes alors de ménager
nos forces et de nous relayer par quart d’heure.

Mais le désespoir nous envahissait. Quelque bateau passerait
bien au moins, qui nous recueillerait! Des bateaux passaient,
en effet, et ils nous voyaient. Mais ils ne erogaient pas à un

accident. Ils ne pensaient pas
rien ne sert de courir... qu on pût être naufragé au large

de Deauville. Et les passagers
répondaient par une agitation
joyeuse de leur mouchoir à l’agi-
tation désespérée des nôtres.

La nuit tomba. Je vous fais
grâce de nos malédictions. Le
pis est que nous commençâmes
à avoir faim. Nous n’avions,
bien entendu, aucune provision.
Et nous dormîmes fort mal car,
en plus de notre naturel éner-
vement, le bruit des jazz-band
de Deauville nous parvenait très
distinctement, assez pour nous
gêner.

Le lendemain nous trouva à
la même place. Plus grincheux,
cependant. La faim commençait
à devenir insupportable. Nous
reprochâmes, avec une grande
injustice, au capitaine de n’avoir
pas dans ses cales pour trois
mois de vivres. 11 n’y avait à
bord que de l’huile, une tablette
de chocolat, une poêle à frire et
un croûton de pain qui avait
glissé sous un banc. Et là-bas,
sur la plage élégante, nous
voyions les dandys et les belles
grignoter des gâteaux, boire le
thé, aspirer des citronnades.
Dérision! Cruauté! Nous orga-
nisâmes un charivari en tapant
sur la poêle à frire, en cognant
sur nos chapeaux de paille.

— Pardon, avez-vous de la monnaie?

Dessin de Pierre Falké.
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