9o QUARTIER
« Je suis charmé , leur dit-il en les abordant d'un air ironique , d'avoir
« enfin suivi les bons conseils qu'on m'a donnés, et de m'être déterminé,
« à votre sollicitation, à révoquer le dernier édit que j'avois fait en
« faveur des protestants. J'avoue que j'ai eu de la peine à m'y résoudre ;
« non pas que j'aie moins de zèle qu'un autre pour les intérêts de la reli-
<> gion , mais parceque l'expérience du passé m'avoit appris que j'allois
« faire une entreprise où je trouverais des obstacles que je ne croyois pas
« surmontables ; mais puisqu'enfin le sort en est jeté, j'espère qu'assisté
« des secours et des conseils de tant de braves gens, je pourrai terminer
« heureusement une guerre si considérable.
« Pour l'entreprendre et la finir avec honneur, j'ai besoin de trois
« armées. L'une restera auprès de moi, j'enverrai l'autre en Guienne ,
« et la troisième je la destine à marcher sur la frontière , pour empêcher
« les Allemands d'entrer en France : car , quoi qu'on puisse dire au
« contraire, il est certain qu'ils se disposent k venir nous voir. J'ai tou-
« jours cru qu'il étoit dangereux de révoquer le dernier édit, et depuis
« que la guerre est résolue , j'y vois encore plus de difficultés , et c'est à
« quoi il faut pourvoir de bonne heure ; car il ne sera plus temps d'y
« penser quand l'ennemi sera k vos portes , et que de vos fenêtres vous
« verrez brûler vos métairies et vos moulins, comme il est déjà arrivé
« autrefois. C'est contre mon avis que j'ai entrepris cette guerre ; mais
« n'importe, je suis résolu à n'y épargner ni soin ni dépense pour qu'elle
« réussisse ; et puisque vous n'avez pas voulu me croire lorsque je vous ai
« conseillé de ne point penser à rompre la paix , il est juste du moins que
« vous m'aidiez à faire la guerre. Comme ce n'est que par vos conseils que
« que je l'ai entreprise, je ne prétends pas être le seul à en porter tout
« le faix. »
Puis se tournant vers M. de Harlai : « M. le premier président, lui
« dit-il, je loue fort votre zèle et celui de vos collègues, qui ont aussi
« approuvé la révocation de l'édit, et m'ont exhorté si vivement à prendre
« en main la défense de la religion ; mais aussi je veux bien qu'ils sachent
« que la guerre ne se fait pas sans argent, et que, tant que celle-ci durera,
« c'est en vain qu'ils viendront me rompre la tête au sujet de la suppres-
« sion de leurs gages. Pour vous , ajouta-t-il, M. le prévôt des marchands,
« vous devez être persuadé que je n'en ferai pas moins à l'égard des rentes
« Je suis charmé , leur dit-il en les abordant d'un air ironique , d'avoir
« enfin suivi les bons conseils qu'on m'a donnés, et de m'être déterminé,
« à votre sollicitation, à révoquer le dernier édit que j'avois fait en
« faveur des protestants. J'avoue que j'ai eu de la peine à m'y résoudre ;
« non pas que j'aie moins de zèle qu'un autre pour les intérêts de la reli-
<> gion , mais parceque l'expérience du passé m'avoit appris que j'allois
« faire une entreprise où je trouverais des obstacles que je ne croyois pas
« surmontables ; mais puisqu'enfin le sort en est jeté, j'espère qu'assisté
« des secours et des conseils de tant de braves gens, je pourrai terminer
« heureusement une guerre si considérable.
« Pour l'entreprendre et la finir avec honneur, j'ai besoin de trois
« armées. L'une restera auprès de moi, j'enverrai l'autre en Guienne ,
« et la troisième je la destine à marcher sur la frontière , pour empêcher
« les Allemands d'entrer en France : car , quoi qu'on puisse dire au
« contraire, il est certain qu'ils se disposent k venir nous voir. J'ai tou-
« jours cru qu'il étoit dangereux de révoquer le dernier édit, et depuis
« que la guerre est résolue , j'y vois encore plus de difficultés , et c'est à
« quoi il faut pourvoir de bonne heure ; car il ne sera plus temps d'y
« penser quand l'ennemi sera k vos portes , et que de vos fenêtres vous
« verrez brûler vos métairies et vos moulins, comme il est déjà arrivé
« autrefois. C'est contre mon avis que j'ai entrepris cette guerre ; mais
« n'importe, je suis résolu à n'y épargner ni soin ni dépense pour qu'elle
« réussisse ; et puisque vous n'avez pas voulu me croire lorsque je vous ai
« conseillé de ne point penser à rompre la paix , il est juste du moins que
« vous m'aidiez à faire la guerre. Comme ce n'est que par vos conseils que
« que je l'ai entreprise, je ne prétends pas être le seul à en porter tout
« le faix. »
Puis se tournant vers M. de Harlai : « M. le premier président, lui
« dit-il, je loue fort votre zèle et celui de vos collègues, qui ont aussi
« approuvé la révocation de l'édit, et m'ont exhorté si vivement à prendre
« en main la défense de la religion ; mais aussi je veux bien qu'ils sachent
« que la guerre ne se fait pas sans argent, et que, tant que celle-ci durera,
« c'est en vain qu'ils viendront me rompre la tête au sujet de la suppres-
« sion de leurs gages. Pour vous , ajouta-t-il, M. le prévôt des marchands,
« vous devez être persuadé que je n'en ferai pas moins à l'égard des rentes