SAINT-ANDRÉ-DES-ARCS. 5n
même conçu quelque espoir de l'en détacher tout-à-fait en créant nn
simulacre de premier ministre dans la personne du prince Thomas de
Savoie , parent de cette princesse , ce qu'elle avoit vu avec une sorte de
complaisance. Cependant, par un retour singulier , Condé se voyoit ré-
duit à désirer le rappel de son ennemi, n'imaginant plus que ce seul moyen
de forcer Gaston a revenir à lui, et à lui rendre ainsi le parlement, la
capitale et toutes les grandes villes du royaume. Tel étoit le but d'une
foule de négociations insidieuses qu'il conduisoit à la fois à Bruyll, à
Paris, à la cour, et dont Gourville (i) étoit l'agent infatigable.
De toutes ces dispositions diverses, dont aucune n'échappoit à l'oeil pé-
nétrant de Mazarin , une seule lui causoit de sérieuses alarmes : c'étoit
le refroidissement de jour en jour plus marqué qu'il découvrait dans la
correspondance de la régente. Ces indices, toujours croissants, lui firent
enfin reconnoitre qu'il étoit perdu s'il tardoit un seul moment à rentrer
en France : aussitôt toutes les créatures qu'il avoitàlacour furent mises
en mouvement auprès de la reine pour la ramener à son ancien attache-
ment , et tandis qu'on ranimoit ainsi, sans beaucoup d'efforts, une af-
fection dont les traces étoient si profondes le cardinal se préparoit à
donner un grand éclat à son retour, en essayant d'entamer avec les Es-
pagnols des négociations pour la paix générale, et d'acheter au duc de
Lorraine la petite armée qu'il mettoit en quelque sorte à l'enchère de
toutes les puissances de l'Europe (2). N'ayant pu réussir dans ces deux
projets, il en forma un troisième , moins brillant peut-être, mais sans
doute plus utile à ses intérêts : ce fut de gagner les commandants des
places frontières et de les décider à lui fournir chacun une partie de
(1) Cet homme, également remarquable par son audace et par ses talents, qui de simple valet de
chambre étoit devenu l'ami, le confident et l'un des agents les plus nécessaires de Condé, avoit formé,
quelque temps auparavant, de concert avec son maître, le projet hardi et dangereux d'enlever Gondi,
pour soustraire Gaston à son invincible influence. 11 forma son plan , et le conduisit avec autant de pru-
dence que d'habileté Gondi devoit être saisi et entraîné hors de Paris en sortant de chez madame de
Chevreuse, qui habitait l'hôtel de Longueville , rue Sainl-Thomas-du-Louvre. Ce fut un hasard
presque miraculeux qui le sauva.
(2) Charles IV, chassé deux fois de ses États , alors envahis par les Français ; erroit dans l'Europe,
à la tête d'une aimée de dix mille hommes, seul reste de sa première grandeur, et dont il trafiquoit
avec tous les souverains, combattant tour à tour, et de la manière la plus scandaleuse, pour les partis
les plus opposés ? suivant qu'il étoit plus ou moins pavé.
même conçu quelque espoir de l'en détacher tout-à-fait en créant nn
simulacre de premier ministre dans la personne du prince Thomas de
Savoie , parent de cette princesse , ce qu'elle avoit vu avec une sorte de
complaisance. Cependant, par un retour singulier , Condé se voyoit ré-
duit à désirer le rappel de son ennemi, n'imaginant plus que ce seul moyen
de forcer Gaston a revenir à lui, et à lui rendre ainsi le parlement, la
capitale et toutes les grandes villes du royaume. Tel étoit le but d'une
foule de négociations insidieuses qu'il conduisoit à la fois à Bruyll, à
Paris, à la cour, et dont Gourville (i) étoit l'agent infatigable.
De toutes ces dispositions diverses, dont aucune n'échappoit à l'oeil pé-
nétrant de Mazarin , une seule lui causoit de sérieuses alarmes : c'étoit
le refroidissement de jour en jour plus marqué qu'il découvrait dans la
correspondance de la régente. Ces indices, toujours croissants, lui firent
enfin reconnoitre qu'il étoit perdu s'il tardoit un seul moment à rentrer
en France : aussitôt toutes les créatures qu'il avoitàlacour furent mises
en mouvement auprès de la reine pour la ramener à son ancien attache-
ment , et tandis qu'on ranimoit ainsi, sans beaucoup d'efforts, une af-
fection dont les traces étoient si profondes le cardinal se préparoit à
donner un grand éclat à son retour, en essayant d'entamer avec les Es-
pagnols des négociations pour la paix générale, et d'acheter au duc de
Lorraine la petite armée qu'il mettoit en quelque sorte à l'enchère de
toutes les puissances de l'Europe (2). N'ayant pu réussir dans ces deux
projets, il en forma un troisième , moins brillant peut-être, mais sans
doute plus utile à ses intérêts : ce fut de gagner les commandants des
places frontières et de les décider à lui fournir chacun une partie de
(1) Cet homme, également remarquable par son audace et par ses talents, qui de simple valet de
chambre étoit devenu l'ami, le confident et l'un des agents les plus nécessaires de Condé, avoit formé,
quelque temps auparavant, de concert avec son maître, le projet hardi et dangereux d'enlever Gondi,
pour soustraire Gaston à son invincible influence. 11 forma son plan , et le conduisit avec autant de pru-
dence que d'habileté Gondi devoit être saisi et entraîné hors de Paris en sortant de chez madame de
Chevreuse, qui habitait l'hôtel de Longueville , rue Sainl-Thomas-du-Louvre. Ce fut un hasard
presque miraculeux qui le sauva.
(2) Charles IV, chassé deux fois de ses États , alors envahis par les Français ; erroit dans l'Europe,
à la tête d'une aimée de dix mille hommes, seul reste de sa première grandeur, et dont il trafiquoit
avec tous les souverains, combattant tour à tour, et de la manière la plus scandaleuse, pour les partis
les plus opposés ? suivant qu'il étoit plus ou moins pavé.