DE LA PLACE MAUBERT. 91
« de l'Hôtel-de-Ville. Ainsi assemblez ce matin les bourgeois de ma
« bonne ville de Paris , et leur déclarez que , puisque la révocation de
« l'édit leur a fait tant de plaisir, j'espère qu'ils ne seront pas fâchés de
« me fournir deux cent mille écus d'or dont j'ai besoin pour cette guerre;
« car, de compte fait, je trouve que la dépense montera à quatre cent
« mille écus par mois. »
Ensuite s'adressant au cardinal de Guise : « Vous voyez, monsieur,
« lui dit-il d'un air irrité, que je m'arrange , et que de mes revenus,
" joints à ce que je tirerai des particuliers , je puis espérer fournir, pen-
« dant le premier mois , à l'entretien de cette guerre : c'est à vous
« d'avoir soin que le clergé fasse le reste, car je ne prétends pas être le
« seul chargé de ce fardeau, ni me ruiner pour cela; et ne vous imaginez
« pas que j'attende le consentement du pape ; car, comme il s'agit d'une
« guerre de religion, je suis très persuadé que je puis en conscience, et
« que je dois même me servir des revenus de l'église , et que je ne m'en
« ferai aucun scrupule. C'est sur-tout à la sollicitation du clergé que je
« suis chargé de cette entreprise : c'est une guerre sainte , ainsi c'est au
« clergé à la soutenir. »
Tous vouloient répliquer et faire des remontrances, mais le roi les in-
terrompit brusquement : « Il falloit donc m'en croire , leur dit-il d'un ton
« altéré , et conserver la paix plutôt que de se mêler de décider la guerre
« dans une boutique ou dans un chœur ; j'appréhende fort que , pensant
« détruire le prêche, nous ne mettions la messe en grand danger. Au
« reste il est question d'effets et non de paroles. » Après ces mots il se
retira , laissant confus et en désordre , dit Davila, tous ceux à la bourse
desquels il venoit de déclarer la guerre.
« Cette harangue , selon la remarque de l'historien de Thou , n'aboutit
qu'à faire connoitre les sentiments secrets de Henri. Il en devint plus
odieux aux catholiques zélés qui vouloient la guerre , et plus méprisable
aux princes lorrains qui étoient l'ame de l'entreprise. « Quand ils eurent
« une fois compris que ce prince étoit assez foible pour souffrir impuné-
« ment qu'on fit violence à son autorité , il n'y eut rien qu'ils n'osassent
« dans la suite (i). ,,
( 1 ) Esprit de la Ligue.
« de l'Hôtel-de-Ville. Ainsi assemblez ce matin les bourgeois de ma
« bonne ville de Paris , et leur déclarez que , puisque la révocation de
« l'édit leur a fait tant de plaisir, j'espère qu'ils ne seront pas fâchés de
« me fournir deux cent mille écus d'or dont j'ai besoin pour cette guerre;
« car, de compte fait, je trouve que la dépense montera à quatre cent
« mille écus par mois. »
Ensuite s'adressant au cardinal de Guise : « Vous voyez, monsieur,
« lui dit-il d'un air irrité, que je m'arrange , et que de mes revenus,
" joints à ce que je tirerai des particuliers , je puis espérer fournir, pen-
« dant le premier mois , à l'entretien de cette guerre : c'est à vous
« d'avoir soin que le clergé fasse le reste, car je ne prétends pas être le
« seul chargé de ce fardeau, ni me ruiner pour cela; et ne vous imaginez
« pas que j'attende le consentement du pape ; car, comme il s'agit d'une
« guerre de religion, je suis très persuadé que je puis en conscience, et
« que je dois même me servir des revenus de l'église , et que je ne m'en
« ferai aucun scrupule. C'est sur-tout à la sollicitation du clergé que je
« suis chargé de cette entreprise : c'est une guerre sainte , ainsi c'est au
« clergé à la soutenir. »
Tous vouloient répliquer et faire des remontrances, mais le roi les in-
terrompit brusquement : « Il falloit donc m'en croire , leur dit-il d'un ton
« altéré , et conserver la paix plutôt que de se mêler de décider la guerre
« dans une boutique ou dans un chœur ; j'appréhende fort que , pensant
« détruire le prêche, nous ne mettions la messe en grand danger. Au
« reste il est question d'effets et non de paroles. » Après ces mots il se
retira , laissant confus et en désordre , dit Davila, tous ceux à la bourse
desquels il venoit de déclarer la guerre.
« Cette harangue , selon la remarque de l'historien de Thou , n'aboutit
qu'à faire connoitre les sentiments secrets de Henri. Il en devint plus
odieux aux catholiques zélés qui vouloient la guerre , et plus méprisable
aux princes lorrains qui étoient l'ame de l'entreprise. « Quand ils eurent
« une fois compris que ce prince étoit assez foible pour souffrir impuné-
« ment qu'on fit violence à son autorité , il n'y eut rien qu'ils n'osassent
« dans la suite (i). ,,
( 1 ) Esprit de la Ligue.