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DEUX MOTS... ET MOUS COMMERÇONS-

La Scie, après quelques mois d'incubation, prend
aujourd'hui sa volée.

Il est inutile d'ajouter le cliché d'usage : « ce jour-
nal sera rédigé par les écrivains les plus futés de la
petite Presse et dessiné par des crayons aussi habiles
qu'audacieux. »

Le public pourrait nous répondre : « Nous la con-
naissons celle-là, vous nous promettrez monts et
merveilles, et vous irez ramasser quelques poètes
en clèche et dénicher des rapins sans aveu. »
' Nom bon public, notre modestie égale votre épate-
ment futur.

La seule ambition que nous ayons est de prendre
une petite place, sous notre avare soleil de juin, et
de vivre en bonne intelligence avec tout le monde.

Nous ne voulons pas faire perdre un lecteur à au-
cun de nos confrères;, pas même séduire le seul
abonné du Constitutionnel.

Ceci entendu, en guise de bienvenue, le journal la
Scie offre aujourd'hui à tous ses abonnés une prime
alléchante autant qu'artistique.

Personne n'a oublié que la maison Mermet, Défore.t
et Ciè, a édité des milliers de caricatures qui ont fait
la joie et le bonheur de Paris.

Ces mêmes charges dessinées par l'étonnant Mo-
loch, par le gracieux Scherer et tant d'autres, reti-
rées et coloriées avec soin peuvent être livrées aux
abonnés qui désirent posséder ces célèbres collections
à des conditions on ne paut plus avantageuses.

Nous pouvons calmer aujourd'hui la soif des ama-
teurs ; qu'ils jugent eux-mêmes :

Voici une partie' du catalogue :

Paris dans les caves, 40 N°s, par Moloch Pom' lZ£l*m
(Scènes pittoresques du siège de Paris),
richement coloriés au carton.... 4 50 3 »

Les fils de Cerbère, par Moloch,
20 N»,

(Charges diverses sur nos aimables concierges)
20.N°S, coloriées et carton...... v3 »

LL. Exe. îes Automédons, par
Moloch, coloriées et carton, 23 N°s 3 25

Souvenirs de la Commune, par
Léon Scherer, 30 N03, avec carton 3 73

Agonie de la Commune, par le
comte de Mareilly, avec carton,
17 Nos........................ 2 »

Les Douze signes du zodiaque,
par Nérae, 12 N*s, avec carton... 1 30

Les f Silhouettes , par Moloch,
27 N"s, série sur les actualités de
4871-72, avec carton........... 3 25

2 30

1 80

2 30

30

Cent charges choisies dans les
différentes collections........... 10 »

Ajoutons que Moloch se propose de Continuer dans
la Scie la série de ses caricatures qui ont obtenues le
plus de succès et dont la publication a été interrom-
pue.

Pour se procurer ces primes il suffit de prendre un
abonnement, même de trois mois, soit au bureau de
rédaction du journal, 64, rue Neuve-des-Petits-
Champs, soit au bureau de vente, 13, rue du Crois-
sant.

Pour les abonnés de province,le-port en sus contre
envoi de mandat ou de timbre-poste.

Le Directeur,
César Mermet.

AVIS. — Nous informons le public que le journal
la Scie ne contiendra, sous aucua prétexte, la moin-
dre pièce de vers dans ses colonnes.

Un énorme chien de Terre-Neuve, du nom de
Joseph, sera lâché sur tout poète qui osera se présen-
ter dans nos bureaux.

C. M,

C'était la nuit.

On venait de lâcher Villemessa'nt.

Le. malheureux rédacteur en chef, du Figaro arrivait au bureau
de rédaction, pâle, exténué, maigri par les privations qu'il avait
endurées dans sa dure prison.

Il frappa à la porte. Personne ne répondit. Il se mit en devoir
ne trouver son passe-partout. La porte ,céda. La chambre était
vide. Oui vuidel 11 ouvrit les tiroirs des meubles ! vuides! 11 feuil-

leta les buvards, retourna les boites d'allumettes..., vuides...
vuides ! «

Plus une! s'éeria-t-il, pas de charade ! Magnard..., PréveJ,
Lafargue... à moi... du secours! »

Il s'appuya contre le mur le front baigné d'une sueur froide.

Quelques rédacteurs attirés par le bruit accoururent...

— Le Patron!... fit le chœur.

— Oui... le Patron, balbutia Villemessant... mais, dites moi...
il n'y a plus de charade ?

— Plus une! s'écria Prével... les abonnés n'envoient rien...
nous avons pourtant battu les barrières, escaladé les garnis,
arrêté les passants...! La chrétienté est vidée...

— Mais, c'est impossible, dit le Maître, que va devenir la Scie-
Hugo! Ahl je suis perdu... perdu... mais attendez... j'en tiens
une... ;

. — Ah! fit le chœur... vite à la fonte !

Après un! soupir Villemessant s'écria: — Tenez... Écrivez...
Mon Premier est un petit animal qui a des dispositions pour faire
des chemisss...
Les plumes grincèrent, le maître s'évanouit... ■

(La suite plus loin.)

LETTRES QE SGUN&RELLE

v- , ,■ ï

Monsieur le Directeur,

Le petit crasseux que jo v .s ai envoyé la semaine der-
nière, est. mon homme d'afu.ires; il n'est certes pas appé-
tissant avec son emplâtre sur l'œil et son nez trognonant,
mais il est vif, intelligent et canaille.

Il vous a expliqué, d'une voix avinée, que je consenti-
rais à déposer quelque prose, dans votre estimable journal,
à.deux conditions; la première, c'est que vous en couvrirez
chaque ligne de talents et de sesterces; la seconde, est un
silence absolu sur mon individu.

Ceci entendu, je suis comme, ce boa Solitaire de la
Chaussée d'Antin qui a si bien turlupiné nos ancêtres,
« j'entends tout, je sais tout, je fourre mon nez partout. »
Musique de Caraffa-

Vous voyez d'ici le truc; en répandant sur, mon incom-
parable copie un doux mystère, les chefs-d'œuvre que je
vous enverrai pourront être attribués tantôt à M. Guizot,
tantôt à Hippolyte Castillo, parfois à Commerson. Je par-
sèmerai là dedans, en guise do fourniture, un peu d'érudi-
tion, car j'ai tout lu, depuis la Bible jusqu'aux œuvres
complètes de Paul Mahalin.

Ce n'est pas tout. Afin d'entourer ce petit trafic d'une
ombre plus épaisse, le petit crasseux viendra chaque
semaine ■ déposer mon manuscrit sous le troisième pavé à
gauche à l'entrée delà rue Saint-Honoré, près de l'égout.
C'est là que vous viendrez le cueillir, la nuit.

Enfin, vous avez bien voulu sceller de votre imposante
signature ce traité redoutable, vous avez jeté mon homme
d'affaires dans la rue, en le prenant avec des pincettes;
mais pourquoi diable ! lui avez-vous lâché votre chien
dans ses jambes grêles? Il ne s'attendait pas à tant de
politesse.

* *

Ce factotum est revenu chez moi dans un état piteux.
Jean, mon domestique, lui a prêté un de ses mollets, et il
a fallu deux jours pour brosser, tant il était couvert de
boue. Le fait est qu'il pleuvait singulièrement ce jour là,
saint Médard avait lâché tous ses réservoirs. Je m3 trompe,
saint Médard, n'est plus pour rien dans cette seconde édi-
tion du déluge.

., Il y a longtemps que les dieux sont partis, voilà main-
tenant les saints'qui fichent le. camp. C'est une vrai déban>
dade. Les apôtres n'opèrent plus, les miracles ne rendent
pas, les saints bafouillent.

Voyez saint Médard, quelle décrépitude ! Il faut l'envoyer
à l'hospice des incurables. Les Pères de l'Église se mo-
quaient autrefois de nos divinités du bon vieux temps, ils
faisaient des gorges chaudes avec tout le Panthéon divin,
depuis le Jupiter Olympien jusqu'au dieu crepitum.

Que penser aujourd'hui de toute la kyrieiledes calendriers.

On invoquait, plus tard, saint Acaire pour guérir les per-
sonnes accarîâtres, saint Agappet pour les coliques ven-
taires, saint Aignan contre la teigne, saint Cloua! pour les
boutons à la peau, saint Paterne contre la stérilité, fonc-
tions que ce dernier partageait avec saint Guignolet et Saint
Greluehon. Nous avons, dans notre siècle sceptique, rem-
placé ces médecins des pauvres par le biberon Barbeau et
la douce Revalescière.

Qu'est devenue l'époque où saint Patrice chassait les
démons, déguisés en chauves-souris, en frappant sur des
cymbales, où Sixte-Quint exorcisait l'obélisque de Borne,
où Marie Magdeleine possédait sept démons, et saint For-
tunat faisait la chasse à six mille six cent soixante-dix
diables qui s'étaient logés dans le corps d'un malheureux
pécheur ?

Où allons-nous? disent les marguillers. Serions-nous
disposés, comme Aristophane, à donner sur iâ scène des
'coups d'étrivières à Baçchus et à déguiser Hercule en mar-
miton? Hier encore, les Napolitains flanquaient une pile à
saint Janvier, parce qu'il avait eu l'impudence de ne pas
arrêter les flots embrasés du Vésuve. Avec cela, plus un
miracle, pas une céleste apparition. Saint Médard qui perd
la tramontaine ! ô Belcastel, frottez-moi donc les oreilles à
votre vieux patron.

Une seule fois la pluie a fait relâche, c'était le jour de5
courses. Pour cette solennité saint Médard a souri. Le Prl-
de Paris, avait attiré le dessus et même le dessous du
panier de la perfide Albion, car j'ai lu dans les feuilles d«j
plus grand sérieux, que l'Angleterre était représentée sur Ie
turf par les noms les plus aristocratiques et par les.pi°k'
pokets de la dernière perfection.

Enfin, j'ai appris que le pays auquel nous devons n°s
jockeys, a gagné le prix de cent mille francs!

Comme on dit dans le négoce, c'est tout bénéf.. ■ L-e*
Anglais et les gentlemen-riders font de la dépensC
chez nous, c'est incontestable. Ils boivent notre meilleur
vin, et charment nos plus aimables et nos plus coûteuse»
pécheresses. Tout cela fait sortir pas mal de banknotes de
leurs rouges porte-monnaie. Mais voyez bien le caleu"
tout ce qu'ils dépensent dans nos cabarets dorés sur. trau*
ches,'et sur le turf, ils le rechipent dans nos poches, ;l
l'aide de ces adroits pick-pokets que l'Europe leur envie-
Ce n'est pas tout ; ils nous lèvent une somme de cent miMe
francs fournie par la Ville hospitalière, mais dont les cou-
des sont percés. C'est une jeune pouliche candide et pm*e
qui se charge de ce soin. Enfin, ils nous plument a"V'cC
leurs voleurs et leurs bêtes.

John Bull, tu es beau; laisse-moi te presser sur ton be"
don britannique.

Vous croyez peut-être que c'est fini ! Le soir, après bon'e>
ils viennent nous distribuer une volée dans les bosqae'5
cythéréens de Mabile, Pour le coup, je me révolte, je de-
mande à haute voix qu'on prépare un camp à Boulogne-
Les journaux, d'un énorme sérieux dont je parlais tout il
l'heure, constatent qu'une bataille entre ies Centaures an-
glais et français a. eu lieu au milieu des palmiers en zin°
qui ont si souvent abrité Arsène-Alcibiade Haussaye. Uûe
Grâce, le duc d'Hamilton lui-même a eu son chapeau en-
foncé jusqu'aux yeux. Pauvre Grâce!

Ce dernier incident à lui seul me soulage un peu Ie
cœur. ■

* .*

Qu'importe, il me faut une revanche, car je deviens de
plus en plus humilié de ma qualité de Français. Ce qul
me console de tant d'affronts, c'est de voir que l'ob-
vier de la paix a été planté dans des camps autrefois
divisés.

A l'occasion de la centième Ruy-Blas,. Victor Hugo a
payé un repas chez Brébant, gargotier des lettres. Les som-
mités de l'art et la critique (saluez !) sont venus dévore1,
un menu à faire venir des litres d'eau à la bouche. Heu-
reux exemple de l'apaisement public ! On ne songeait pluS
à se dévorer entre soi.

Le lendemain de cette petite fête, les représentants des
feuilles honnête^, en digérant ce Balthazar, en se passau'
un cure-dents dans leurs bouches, ne songeaient plus a
insulter le jacobin Hugo. C'était la reconnaissance de l'es*
tomac.

En remontant dans l'histoire, on se souvenit du temps
ou Hugo se targuait assez volontiers de son origine patri-
cienne et de ses grands oncles prélats.

Un des.repus de l'autre jour rappelait que la famille de
l'auteur de la Légende des siècles devait son origine à ufl
Georges Hugo annobli en 15337 par le duc de Lorraine;
son blason était d'azur au chef d'argent chargé de deux
mollettes de sable.

— Je me souviens de cette époque, répondit un autre
gavé, c'était celle où Alexandre Dumas père racontait yt"%
et orbi qu'il était marquis de la Pailletterie, et que ses ar-
moiries étaient, avec une étoile argentée sur fonds de
gueules, ce qui faisait dire à son fils : « C'est bien cela»
papa, beaucoup de gueule et peu d'argent. »

SGANARELLE.
'Pour copie conforme,

G. CABL.

Villemessant était revenu de sa syncope, grâce à l'odeur de
musc qui s'exhalait des vêtements de ses rédacteurs...

On lui prit la tête...

~ Votre second, s'écria le chœur.

—Ah ! oui... où suis-je ?... je rêve, murmurait le martyr..., ah '
ces chaînes me font bien mal... je comprends... vous voulez m°n
second, le voilà... je le tiens... Mon second est un accessoii'1'
d'âne qui donnerait des leçons â mon premier...

Ce dernier effort avait épuisé les forces du Sylvio Pellico de 1*
rue. Rossini... ,

Prével se détacha pour aller'chercher un notaire... le concierge
courut quérir un confesseur...

[La suite plus loin.)

PARTIE JUDICIAIRE

Cour d'assises de Monaco.

Affaire ïioncîïfflmïel

Empoisonnement d'une famille entière à l'aide
de timbres-poste.

Tout le monde a entendu parler de la fameuse affaire des
timbres-poste qui se déroule en ce moment devant la Cour
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