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Toutain, Jules
Les cités romaines de la Tunisie: essai sur l'histoire de la colonisation romaine dans l'Afrique du Nord — Paris, 1895

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https://doi.org/10.11588/diglit.16856#0219
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LA LANGUE.

205

L'étude attentive des idiomes, dont se servaient les habitants
de l'Afrique romaine, conduit à la même conclusion que l'exa-
men détaillé de leur nomenclature et de leurs coutumes ono-
mastiques. Cette population ne se composait pas de colons
immigrés ; sans doute elle avait accepté de bonne grâce la
langue latine comme langue officielle : sans doute les hautes
classes de la société africaine s'étaient fait un devoir de
l'apprendre, de la parler, de l'écrire; sans doute même la
plupart des habitants du pays la comprenaient ; mais ce n'était
pas là l'idiome vraiment populaire, celui dont on se servait
autour des foyers modestes, entre petites gens, sur la place pu-
blique, au marché, dans la rue. Le punique et le libyque : voilà
quels étaient les deux dialectes vulgaires, les deux patois le
plus répandus dans la foule; s'ils ont résisté à l'invasion du
latin, c'est que les habitants du pays n'étaient ni des Romains
ni des Italiens, mais des indigènes; c'est qu'ils descendaient
soit des anciens colons phéniciens, soit des cavaliers numides,
soit des métis Liby-phéniciens. La langue latine s'est étendue
sur tout le pays comme un vernis peu profond; elle est entrée
dans les riches maisons ; elle a couvert les grands mausolées et
les pierres tombales ornées de bas-reliefs ; elle s'est étalée sur
les monuments publics ; mais elle n'a chassé du cœur des Afri-
cains ni le souvenir ni l'amour de leurs idiomes paternels (1).

(1) Je me suis surtout occupé dans ce chapitre de la langue parlée et
usuelle. Quant à la langue littéraire, je ne crois pas qu'il soit actuellement
possible de déterminer dans quelle mesure elle a subi l'influence des an-
ciens idiomes punique et libyque. D'abord, connaît-on suffisamment la no-
menclature, la grammaire et la syntaxe de ces deux langues pour pouvoir
affirmer que telle ou telle expression, telle ou telle tournure propres au la-
tin d'Afrique en dérivent et en proviennent? En outre, la plupart des au-
teurs dits africains ont de bonne heure quitté leur pays natal; les uns,
comme Apulée, pour y revenir après de longs voyages; les autres, comme
Aulu-Gelle (en admettant, ce qui est fort douteux, qu'il soit originaire des
provinces africaines), pour toujours. Peut-on dès lors reconnaître, au milieu
des influences multiples qui se sont exercées sur leur langue littéraire et
qui ont contribué à la former, précisément et exactement l'influence des
patois locaux ? M. P. Monceaux, dans un livre récent (Les Africains, liv. I,
ch. iv, p. 99 et suiv.), a cru pouvoir aborder cette tâche. 11 a montré que
le latin d'Afrique avait une physionomie particulière; je ne pense pas qu'il
ait réussi à prouver que cette physionomie soit due à l'action exclusive ou
prépondérante des idiomes punique et berbère (voir sur cette question l'ar-
ticle de M. G. Boissier, dans le Journal des Savants, janvier 1895).
 
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