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LA PEINTURE D’AUTELS ET DE RETABLES EN POLOGNE

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personnage capital de ce temps est le bernardin François de Sieradz1, dont l’activité s’étend
de la Grande-Pologne sur la Petite2. Il dut sa notoriété surtout à ses fresques. Néanmoins,
une note assez claire sur les travaux de ce peintre dans son couvent de Warta permet de lui
attribuer le grand retable de VAssomption de la Vierge, dont la partie centrale s’est conservée
jusqu’aujourd’hui3 (XXVII).
L’ensemble de la composition montre une structure puissamment volontaire : cinq groupes
de figures indépendants et concentriques s’y incrustent à la manière de grandes roses de
pierres précieuses. La ligne brisée de l’horizon coupe le tableau en deux et sépare le groupe
central de l’Assomption de la zone inférieure. Cette division n’est pas sans analogies dans la
peinture allemande, notamment dans le tableau du maître de la Glorification de la Vierge4.
C’est la même façon, à la fois mystique et réaliste, de rattacher les deux mondes l’un à
l’autre, le même souci de rendre sensible le mécanisme surnaturel de la scène, la même manière
de couvrir avec des auréoles dorées les surfaces de l’arrière-plan. Pourtant, la caractérisation
des figures est différente. Ce qui frappe ici, ce sont les visages aux grands nez, aux pommettes
saillantes et aux orbites fortement soulignés. Ce dernier détail vient de la peinture cracovienne
(le tableau du Musée de l’Université à Cracovie, le retable de la Trinité, le triptyque de Wie-
clawice) et nous le retrouvons ailleurs encore en dehors de Cracovie (la Dormition de la Vierge
de Wloclawek).
Mais, avant tout, le tableau de Warta révèle des analogies frappantes avec l’art de Jean
Polak, comme le prouve le rapprochement de sa partie inférieure avec le Magicien Simon de
Polak, qui est à Munich. Les analogies apparaissent nombreuses dans le rythme agité des
gestes, dans le caractère sauvage des visages et dans la construction même de la scène, dont
les lignes fuyantes rappellent les recherches perspectives contemporaines. Le tableau de Warta
constitue, nous l’avons déjà dit, un pont entre le vieil art de Cracovie et la peinture de la
Grande-Pologne. Il représente les tendances réalistes de la peinture de Cracovie filtrées par
l’esprit d’un moine auquel les courants mystiques affluant des couvents rhénans — en rela-
tions régulières avec ceux des Cisterciens de Pologne — n’étaient pas étrangers5.
3. — Le triptyque dit de Blizanow (région de Kalisz) provient de l’église détruite de Zer-
niki (XXVIII). Il nous introduit dans un nouveau domaine6. Il date sans doute des années
1480. L’ordonnance reste classique : la Crucifixion, au centre, est encadrée des figures de saint

1. Kronika Jana z Komorowa. Monum. Pol. Hist.,
V, 241.
2. Cf. T. Dobrowolski, Studja nad sredniowiecznym
malarstwem sciennem w Polsce. Poznan, 1927. 57.
3. M. Walicki, Domniemane dzielo Franciszka z Sie-
radza. Comptes-rendus de l’Académie de Cracovie, 1932.
4. H. Reiners, Die Kôlner Malerschule. Gladbach,
1925, t. XXXII.
5. Le tableau de Warta retrouvé, la discussion sur les
sources de l’art en Pologne peut se fonder sur des bases
plus solides. Tandis qu’en 1908 la question de la natio-
nalité polonaise de ce peintre, posée par Voll d’abord et
par Glaser et par Beth ensuite, était abordée d’une ma¬

nière plutôt négligente, elle peut aujourd’hui, à la
lumière de ce vestige, être considérée comme résolue.
L’agitation propre à Jean Polak se retrouve pleinement
ici et constitue peut-être le trait principal de ce milieu
polonais. L’influence de l’art de Polak sur l’art autri-
chien, observé par O. Benesch (Jahrbuch der Kunst hist.
Samml. in Wien. N. F., II), revêt un sens particulier
pour l’histoire du gothique tardif en Pologne. La re-
construction de l’œuvre de cet artiste devient une né-
cessité non plus dans le sens purement local, mais uni-
versel.
6. M. Walicki, Polska sztuka gotycka. Varsovie, 1935,
n° 161.
 
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