MAHOMET I.
CINQUIEME EMPEREUR DES TURCS.
1405--1421.
T iA captivite de Bajazet et la defaite de son armee par Tamerlan sembloient menacer la monarchic
ottomane de sa dissolution totale ; l’Asie mineure etoit inondee de troupes tartares, tout etoit soumis
a la discretion et a la caprice d’une soldatesque effrenee. Cinqdes fils de Bajazet avoient survecu
a la grande battaille. Le cadet mourut bientot apres a Constantinople, apres avoir embrasse, ainsi
que Fatime sa soeur, la religion chretienne. Soliman, Isa, Musa, et Mahomet s’enfuirent de cotes dif-
ferens, pour echapper aux Tartares, dans les endroits les plus difficiles d’acces pour leurs ennemis.
Soliman, 1’aine, se sauva en Europe avec le tresor royal ; et il fut regu a Adrianople comme le suc-
cesseur de son pere. Isa et Musa semblent avoir cede d’abord aux difficultes qui les entouroient.
Mahomet seul congut l’idee de delivrer sa patrie, ou de perir dans l’entreprise. II n’avoit que
quinze ans quand son pere fut vaincu par Tamerlan. Les talens qu’il avoit fait paroitre, meme a
cet age, l’avoient fait nommer Gouverneur de l’Armenie, et de la Cappadocie ; mais ces deux
provinces etoient tellement maltraitees par les soldats, que plusieurs des habitans les abandonnoient,
en se condamnant a un exil volontaire. Mahomet s’en alia avec quelques amis, qui s etoient decides
de partager sa fortune. II fut attaque en chemin par une troupe, sous le commandement d’un parent
du prince de Castamona; il s’en suivit un combat des plus vifs, et la troupe du Prince fut repoussee,
avec une perte considerable. C’etoit le premier exploit de Mahomet; l’habilete et le courage qu’il
y avoit montres, furent cause que le nombre de ses adherens s’augmentoit a vue d’oeil.
En reflechissant qu’il etoit impossible que Tamerlan restat longtems avec une armee nombreuse
dans un pays si depourvu de subsistances, et se croyant assez fort par les renforts qu’il avoit regus,
il se decidade retourner dans son gouvernement d’Armenie, pour encourager ses sujets par sa pre-
sence. Tamerlan avoit donne les possessions de Mahomet a un de ses chefs, qui se trouvoit deja
en route avec vingt mille hommes, pour prendre possession de son territoire.
Mahomet fut instruit par les emissaires, qu’il avoit envoyes pour reconnoitre la force et la situation
de l’ennemi, que l’armee tartare avoit fait halte dans une ville de la Galatie, et que se croyant
eloignes de tout danger, les soldats s’etoient disperses, par l’ordre du general, pour piller le pays, et
qu’a peine la moitie de l’armee se trouvoit au quartier general. LesTurcs, qui etoient constamment
aux aguets pour s’avancer ou se retirer, selon les circonstances, se mirent sur le champ en mouve-
ment, et par des marches forcees, ils attrapperent les Tartares, les attaquerent a l’improviste, et rem-
porterent une victoire decisive. Mahomet devoit ses succes a la rapidite de ses mouvemens. Son
armee etoit peu nombreuse, mais chaque soldat etoit anime du meme esprit que son general, ils etoient
tous convaincus qu il n’exposeroit pas leur vie sans necessite; pendant que les Tartares, se fiant a
leur nombre, negligeoient, ou meprisoient ces precautions, qui leur auroient assure la victoire.
L armee de Mahomet avoit regu maintenant une telle augmentation de force, qu’il osa se montrer en
pleine campagne, et bien qu il fut encore tres inferieur en nombre a l’ennemi, cependant la maniere
firme et serree de combattre que les Turcs avoient adoptee, l’emportoit sur la temerite des hordes
tartares.
La nouvelle de ces victoires parvint bientot a la connoissance de Tamerlan; il admiroit les talens et
le courage de Mahomet, et il s’appergut qu’il avoit en lui un ennemi qui bravoit sa puissance. Meme
le vainqueur de la Perse, et de l’Hindostan, avoit la lachete de se servir d’artifice ; et Mahomet,
attire par l’esperance d’obtenir la main de la fille de Tamerlan, etoit deja en marche pour aller a son
camp. Mais ayant ete attaque par plusieurs des hordes tartares, sans doute d’apres les ordres de
leur Souverain, et voyant ses forces diminuer de plus en plus par ces combats reiteres, il renonga a
son projet, et retourna chez lui, au grand depit du Tartare, qui avoit eu l’intention de le sacrifier a
sa vengeance.
CINQUIEME EMPEREUR DES TURCS.
1405--1421.
T iA captivite de Bajazet et la defaite de son armee par Tamerlan sembloient menacer la monarchic
ottomane de sa dissolution totale ; l’Asie mineure etoit inondee de troupes tartares, tout etoit soumis
a la discretion et a la caprice d’une soldatesque effrenee. Cinqdes fils de Bajazet avoient survecu
a la grande battaille. Le cadet mourut bientot apres a Constantinople, apres avoir embrasse, ainsi
que Fatime sa soeur, la religion chretienne. Soliman, Isa, Musa, et Mahomet s’enfuirent de cotes dif-
ferens, pour echapper aux Tartares, dans les endroits les plus difficiles d’acces pour leurs ennemis.
Soliman, 1’aine, se sauva en Europe avec le tresor royal ; et il fut regu a Adrianople comme le suc-
cesseur de son pere. Isa et Musa semblent avoir cede d’abord aux difficultes qui les entouroient.
Mahomet seul congut l’idee de delivrer sa patrie, ou de perir dans l’entreprise. II n’avoit que
quinze ans quand son pere fut vaincu par Tamerlan. Les talens qu’il avoit fait paroitre, meme a
cet age, l’avoient fait nommer Gouverneur de l’Armenie, et de la Cappadocie ; mais ces deux
provinces etoient tellement maltraitees par les soldats, que plusieurs des habitans les abandonnoient,
en se condamnant a un exil volontaire. Mahomet s’en alia avec quelques amis, qui s etoient decides
de partager sa fortune. II fut attaque en chemin par une troupe, sous le commandement d’un parent
du prince de Castamona; il s’en suivit un combat des plus vifs, et la troupe du Prince fut repoussee,
avec une perte considerable. C’etoit le premier exploit de Mahomet; l’habilete et le courage qu’il
y avoit montres, furent cause que le nombre de ses adherens s’augmentoit a vue d’oeil.
En reflechissant qu’il etoit impossible que Tamerlan restat longtems avec une armee nombreuse
dans un pays si depourvu de subsistances, et se croyant assez fort par les renforts qu’il avoit regus,
il se decidade retourner dans son gouvernement d’Armenie, pour encourager ses sujets par sa pre-
sence. Tamerlan avoit donne les possessions de Mahomet a un de ses chefs, qui se trouvoit deja
en route avec vingt mille hommes, pour prendre possession de son territoire.
Mahomet fut instruit par les emissaires, qu’il avoit envoyes pour reconnoitre la force et la situation
de l’ennemi, que l’armee tartare avoit fait halte dans une ville de la Galatie, et que se croyant
eloignes de tout danger, les soldats s’etoient disperses, par l’ordre du general, pour piller le pays, et
qu’a peine la moitie de l’armee se trouvoit au quartier general. LesTurcs, qui etoient constamment
aux aguets pour s’avancer ou se retirer, selon les circonstances, se mirent sur le champ en mouve-
ment, et par des marches forcees, ils attrapperent les Tartares, les attaquerent a l’improviste, et rem-
porterent une victoire decisive. Mahomet devoit ses succes a la rapidite de ses mouvemens. Son
armee etoit peu nombreuse, mais chaque soldat etoit anime du meme esprit que son general, ils etoient
tous convaincus qu il n’exposeroit pas leur vie sans necessite; pendant que les Tartares, se fiant a
leur nombre, negligeoient, ou meprisoient ces precautions, qui leur auroient assure la victoire.
L armee de Mahomet avoit regu maintenant une telle augmentation de force, qu’il osa se montrer en
pleine campagne, et bien qu il fut encore tres inferieur en nombre a l’ennemi, cependant la maniere
firme et serree de combattre que les Turcs avoient adoptee, l’emportoit sur la temerite des hordes
tartares.
La nouvelle de ces victoires parvint bientot a la connoissance de Tamerlan; il admiroit les talens et
le courage de Mahomet, et il s’appergut qu’il avoit en lui un ennemi qui bravoit sa puissance. Meme
le vainqueur de la Perse, et de l’Hindostan, avoit la lachete de se servir d’artifice ; et Mahomet,
attire par l’esperance d’obtenir la main de la fille de Tamerlan, etoit deja en marche pour aller a son
camp. Mais ayant ete attaque par plusieurs des hordes tartares, sans doute d’apres les ordres de
leur Souverain, et voyant ses forces diminuer de plus en plus par ces combats reiteres, il renonga a
son projet, et retourna chez lui, au grand depit du Tartare, qui avoit eu l’intention de le sacrifier a
sa vengeance.