AMURAT II.
SIXIEME EMPEREUR DES TURCS.
1421-1451.
f i f. commencement de ce regne fut trouble par deux rebellions, que l’Empereur grec avoit en
secret encouragees, ce qui indigna tellement Amurat qu’il assiegea Constantinople, d’ou il fut
oblige de se retirer avec honte, la solidite des remparts ayant resiste a tous les efforts des Turcs.
La ville de Thessalonique devint alors l’objet malheureux de sa vengeance. Elle etoit defendue
avec la valeur la plus opiniatre, et l’artillerie du Sultan ne fit pendant longtems que trespeu d’effet
sur les remparts; mais ses soldats, excites par l’espoir de s’enrichir avec les depouilles d’une ville si
magnifique, renouvelloient leurs attaques avec une impetuositea Jaquelle il etoit impossible de resister
plus longtems. Tous les exces eurent lieu que l’avarice et les passions d’une soldatesque feroce
peuvent inspirer, et les cruels ministres de la vengeance eurent bientot detruit cette ville, un des
plus grands ornemens de la Grece.
Amurat avoit toujours regarde avec jalousie la conduite des braves Hongrois; et profitant de
quelques dissensions qui s’etoient elevees parmi eux, il entra dans le royaume a la tete d’une armee
nombreuse, et assiegea la ville de Belgrade, qui, cependant, repoussa les efforts des Turcs. Le roi
de Pologne avoit ete eleve depuis peu au trone de la Hongrie, et se trouvant embarrasse par les
factions excitees par les amis de la reine, il vouloit cultiver l’amitie d’Amurat; mais toutes ses demarches
pacifiques et conciliatrices furent traitees avec mepris, etant regardees comme un effet de foiblesse.
Les attaques sur Belgrade furent renouvellees, mais le Sultan fut enfin oblige d’abandonner l’en-
treprise apres y avoir sacrihe quinze mille homines. Des que le roi de Pologne eut retabli la tran-
quillite en Hongrie il rassembla un corps fort pour mettre la Transilvanie a l’abri des incursions
des Turcs, et nomma Jean Huniades son vice-roi dans ce royaume. Ce heros etoit natif de la
Yallachie, et par son habilete, son courage, sa prudence, et son activite il etoit presque sans egal.
Ce seroit beaucoup exceder nos limites que de raconter toutes ses actions brillantes, et toutes les
victoires qu’il remportoit sur les generaux d’Amurat. En tres peu de terns, il avoit battu toutes les
armees qu’on avoit envoyees contre lui; et sonnom inspiroit enfin une telle terreur aux Turcs, qu’ils
prenoient la fuite a son approche. Les grandes qualites et les talens militaires d’Amurat etoient
non seulement obscurcis par cet homme, mais il s’eleva, des mines de sa patrie, un autre heros, qui
fut destine a reprimer, encore plus efhcacement, 1’ambition de la maison ottomane.
Amurat, apres qu’il eut ajoute la conquete d’Epire a ses autres exploits, regut les quatre fils du
prince hereditaire comme otages pour la hdelite de leur pere. Trois d’entre eux semblent avoir ete peu
connus; mais le quatrieme frere, George Castriot, connu depuis sous le nom Scanderherg, jouissoit
au plus haut degre de la faveur d’Amurat, qui Pavangoit aux dignites les plus elevees de l’empire. Il
avoit medite des longtems la deliverance de sa patrie; mais on doit reprocher a sa memoire, qu’il
ne l’ait accomplie que par une perhdie, en laissant la victoire a l’ennemi de son bienfaiteur. Avec
trois mille soldats d Epire qui lui etoient devoues il se proclama le vengeur de sa patrie ; les etats
d’Epire le reconnurent pour leur defenseur, et l’independance de sa patrie s’accomplit.
Amurat ayant essuye plusieurs defaites par les talens superieurs de Huniades et de Scanderberg,
en fut decourage, il fit faire au Roi de Hongrie des propositions de paix; et par la mediation du
prince exile de Servie une traite fut conclue, et confirmee par les sermens solennels des deux
parties. Le Sultan commengoit a vieiller, les fatigues qu’il avoit essuyees avoient altere sa sante,
et son esprit meme se ressentit de la foiblesse de son corps; dans un acces de melancholie il resigna
le gouvernement en faveur de Mahomet son his, qui n’avoit alors que quinze ans.
Les princes chretiens paroissent avoir encourage les Hongrois a violer le traite en consequence
SIXIEME EMPEREUR DES TURCS.
1421-1451.
f i f. commencement de ce regne fut trouble par deux rebellions, que l’Empereur grec avoit en
secret encouragees, ce qui indigna tellement Amurat qu’il assiegea Constantinople, d’ou il fut
oblige de se retirer avec honte, la solidite des remparts ayant resiste a tous les efforts des Turcs.
La ville de Thessalonique devint alors l’objet malheureux de sa vengeance. Elle etoit defendue
avec la valeur la plus opiniatre, et l’artillerie du Sultan ne fit pendant longtems que trespeu d’effet
sur les remparts; mais ses soldats, excites par l’espoir de s’enrichir avec les depouilles d’une ville si
magnifique, renouvelloient leurs attaques avec une impetuositea Jaquelle il etoit impossible de resister
plus longtems. Tous les exces eurent lieu que l’avarice et les passions d’une soldatesque feroce
peuvent inspirer, et les cruels ministres de la vengeance eurent bientot detruit cette ville, un des
plus grands ornemens de la Grece.
Amurat avoit toujours regarde avec jalousie la conduite des braves Hongrois; et profitant de
quelques dissensions qui s’etoient elevees parmi eux, il entra dans le royaume a la tete d’une armee
nombreuse, et assiegea la ville de Belgrade, qui, cependant, repoussa les efforts des Turcs. Le roi
de Pologne avoit ete eleve depuis peu au trone de la Hongrie, et se trouvant embarrasse par les
factions excitees par les amis de la reine, il vouloit cultiver l’amitie d’Amurat; mais toutes ses demarches
pacifiques et conciliatrices furent traitees avec mepris, etant regardees comme un effet de foiblesse.
Les attaques sur Belgrade furent renouvellees, mais le Sultan fut enfin oblige d’abandonner l’en-
treprise apres y avoir sacrihe quinze mille homines. Des que le roi de Pologne eut retabli la tran-
quillite en Hongrie il rassembla un corps fort pour mettre la Transilvanie a l’abri des incursions
des Turcs, et nomma Jean Huniades son vice-roi dans ce royaume. Ce heros etoit natif de la
Yallachie, et par son habilete, son courage, sa prudence, et son activite il etoit presque sans egal.
Ce seroit beaucoup exceder nos limites que de raconter toutes ses actions brillantes, et toutes les
victoires qu’il remportoit sur les generaux d’Amurat. En tres peu de terns, il avoit battu toutes les
armees qu’on avoit envoyees contre lui; et sonnom inspiroit enfin une telle terreur aux Turcs, qu’ils
prenoient la fuite a son approche. Les grandes qualites et les talens militaires d’Amurat etoient
non seulement obscurcis par cet homme, mais il s’eleva, des mines de sa patrie, un autre heros, qui
fut destine a reprimer, encore plus efhcacement, 1’ambition de la maison ottomane.
Amurat, apres qu’il eut ajoute la conquete d’Epire a ses autres exploits, regut les quatre fils du
prince hereditaire comme otages pour la hdelite de leur pere. Trois d’entre eux semblent avoir ete peu
connus; mais le quatrieme frere, George Castriot, connu depuis sous le nom Scanderherg, jouissoit
au plus haut degre de la faveur d’Amurat, qui Pavangoit aux dignites les plus elevees de l’empire. Il
avoit medite des longtems la deliverance de sa patrie; mais on doit reprocher a sa memoire, qu’il
ne l’ait accomplie que par une perhdie, en laissant la victoire a l’ennemi de son bienfaiteur. Avec
trois mille soldats d Epire qui lui etoient devoues il se proclama le vengeur de sa patrie ; les etats
d’Epire le reconnurent pour leur defenseur, et l’independance de sa patrie s’accomplit.
Amurat ayant essuye plusieurs defaites par les talens superieurs de Huniades et de Scanderberg,
en fut decourage, il fit faire au Roi de Hongrie des propositions de paix; et par la mediation du
prince exile de Servie une traite fut conclue, et confirmee par les sermens solennels des deux
parties. Le Sultan commengoit a vieiller, les fatigues qu’il avoit essuyees avoient altere sa sante,
et son esprit meme se ressentit de la foiblesse de son corps; dans un acces de melancholie il resigna
le gouvernement en faveur de Mahomet son his, qui n’avoit alors que quinze ans.
Les princes chretiens paroissent avoir encourage les Hongrois a violer le traite en consequence