4
LA LUNE
— Quels crimes ces malheureux avaient-ils commis ? Je
n'en sais rien. L'un a déplu à mon oncle Mars, l'autre à mon
cousin Saturne; un troisième a chanté un refrain d'Offen-
bach à la barbe du papa Jupiter. Précipités dans les espaces,
désarçonnés de leurs comètes, ils roulent, ils roulent, ils
gravitent. L'attraction les jette vers le soleil,— la force cen-
trifuge les éloigne. — Comprends-tu ?
En ce moment, un beau gandin passa près de nous, mais
si près, qu'il faillit nouer le cordon de son pince-nez avec la
queue de Stellanarix. La comète fit une saccade à désarçonner
imshaw; une force invisible me clouait à la selle.
— Tu as de la chance, je commence à espérer que tu seras
mon époux.
C'est ainsi que nous arrivons chez Mars. Mars était à sa
brasserie : devant lui une chope, une pipe à ses lèvres. Le
tuyau de la bouffarde était gros comme les tours de Notre-
Dame, et la chope n'avait pas moins de dix fois la profondeur
du puits de Grenelle. Mars était de bonne humeur. Il avait
ménager.
— Bonjour! mon garçon, jesais le motif de ta visite. Phœbé,
assieds-toi là. Voici un petit grog avec du fer battu, un nuage
à ton intention.. Et toi, mon petit ami, avale-moi ce boclc,
bière de Mars. Tu n'as pas soif? Veux-tu tirer une botte pour
l'échauffer un peu?
Et mon oncle futur me montrait des fleurets, des masques,
tout un attirail de salle d'escrime accroché à la muraille.
— Je ne sais pas si... ,
— Si tu boutonneras ton oncle? N'es-tu pas l'élève de
Jacob, le maître d'armes du faubourg Montmartre, le digne
successeur de défunt Grisier? En garde!
Je reçus en pleine poitrine un coup droit qui me fit trébu-
cher. En tombant, je m'accroche à la queue de Stellanarix;
un crin m'entre dans l'œil, je lâche prise, et voilà que je
tombe dans l'espace. Je tombe, je tombe, ma chute dura
vingt-sept jours.
*
* *
A la lune suivante, je me retrouvais couché dans le nuage
d'or. Et Phœbé me disait :
— Tu es mon fiancé, je t'aime.
— Et Mars, ton oncle?
— Un peu brusque; mais le cœur n'y est pour rien. Tu lui
plais. Viens le voir.
— Allons-y !
Stella.
{La suite à la prochaine lune.)
CORRESPONDANCE THÉÂTRALE
Monsieur et cher confrère,
LA TERRE De la Lune, le 10 novembre.
JOURNAL FANTASTIQUE
Paraissant au fur et a atsflre
RÉDACTION
41 rue des Nuages
A DIANAPOLIS
— Comme je vous Pavais promis dans
S adresser .. , . .
pour les communications ma première lettre, je vais vous
e 2 a o heures. mettre au courant de tout ce qui
-Nota. □ n y a jamais personne. •
s'est passé de nouveau chez nous,
depuis le mois dernier.
Oh! nous marchons bien ! Je ne sais pas si sur votre boule
c'est la môme chose que chez nous, mais enfin il y a des gens
dans ce pays qui prétendent que le théâtre est le reflet de
la société. Quelle balançoire, bon Dieu, quelle balançoire,
mon Dieu !
C'est que c'est juste le contraire.
Vous allez voir ea.
©
IlyaàDianopolis une salle qui, depuis six ans, est devenue
je conservatoire officiel du Four. Le directeur a voulu chan-
ger la dostinalion de l'édifice.
C'est pourquoi on y a joué l'autre soir une pièce d'un de
nos meilleurs faiseurs, un homme qui passe pour être en re-
lations avec tous les esprits du passé, et même des vôtres.
On a donc joué la Famille Bonnet-de-coton :
Des bourgeois, le titre l'indique;
Des Prudhomme à casque à mèche, émancipés comme
il n'y en a pas, du moins dans la lune.
Peut-être s'en trouve-t-il de semblables à Paris, mais j'en
doute.
Oh ! ils vont bien les petits... et les petites, et les grands !
©
Là-dessus toute la bourgeoisie de Dianapolis est en ébuî-
lition.
— C'est une photographie, disent les uns, et ils vont voir
la pièce.
— C'est une horreur, disent les autres, et ils vont voir la
pièce.
Comme on ne parle que do cela dans toute les familles, les
bonnes petites mœurs qu'on veut châtier ridendo s'introdui-
sent tout doucement là où l'on ne les connaissait pas.
Un mari, toujours bourgeois, a voulu interdire sa maison
à un cousin trop aimable, mais beaucoup trop aimable pour
sa femme.
Savez-vous ce que madame, la fille d'un honnêle chocola-
tier de la rue des Milanais, a répondu?
— Tu t'en ferais mourir'.
De là, procès en séparation.
Il y a de belles histoires, allez ! Un futur a conjuré l'an Ire
jour la vierge de ses rêves de ne pas porler de fer à cheval à
la ceinture. "
— fa serait pas. à faire! a riposté la petite pensionnaire
sortie, il y a un mois, du couvent le mieux réputé, un cou-
vent aux oiseaux, quoi!
f 'a serait pas à faire !
Mariage rompu !
Les hommes forts font leurs affaires en ce moment.
Seulement il ne faut pas qu'ils soient des hommes fort en-
nuyeux.
Il en est passé trois l'autre jour le long des quais.
Ils avaient l'air embêté, mais ils étaient encore plus em-
bêtants.
Justement, la grande porte du théâtre que l'on trouve par
là.était ouvert©; ils y sont entrés de front.
Depuis ce temps le public n'y met plus les pieds.
Je vous ai parlé de la fameuse armoire de l'autre côté des
mers, dans laquelle on ne voyait rien, parce qu'il n'y avait
pas de lumière.
Elle est partie avee le» malins qui avaient voulu mettre
notre public dedans.
Il en est resté une bonne charge qu'on a jouée avec beau-
coup de succès. On s'y moque agréablement de ces braves
médiums, qui ont manqué le coche de vingt ans.
Le monsieur qui rate le train d'une minute, est un type
bien fréquent, surtout le dimanche soir au retour de la cam-
pagne.
On en a fait une pièce dont le troisième acte seul vaut
mieux que les deux autres réunis.
Que voulez-vous, les actes se suivent et ne se ressemblent
pas toujours.
Les étoiles ne sont pas rares dans nos parages.
II faut cependan* que je vous dise un mot de celle qui a
paru avec grand succès à notre Opéra. Chose inouie : elle
sort du Conservatoire et a eu un premier prix. Elle s'appelle
Rosine Bloch.
Une autre Bloch a fait un début heureux au Gymnase dans
une nouvelle pièce qui a un bien singulier titre. Elle s'ap-
pelle : le Passé de la vieillesse de M. Jouanne, ainsi que la Jeu-
nesse d'un bohème n'a qu'un temps.
C'esl long.
Moi qui aime être court, je ne parle qu'en bloc des deux
Bloch, xaa réservant de m'étendre une autre fois sur ces
deux débuts.
©
Depuis vingt ans,deux associés faisaient ensemble dans
notre ville l'ornement du commerce et le commerce d'orne-
ments d'église. Ils se sont divisés à cause de la Famille Bon-
net-de-coton.
L'un y a amené sa famille.
L'autre l'en a blâmé.
Le premier a trouvé un excellent mot pour justifier sa
conduite.
— Vous me la laites à l'oseille !
L'acte de dissolution de société a paru hier dans le Moni-
l< ne lunatique.
©
Et voilà comme le théâtre fait les mœurs, tandis que ce
devrait être le contraire.
L'auteur s'en moque, c'est un homme fort.
AsTARTANAMAUTIS ,
Rédacteur en chef Je la Terre.
APRES LA PIECE
Je connaissais un jeune homme doux et modeste. Il s'ap-
pelait Sirven, pas Alfred, oh! non; ses goûts étaient simples,
et chastes étaient ses mœurs; il n'écrivait pas de méchants
petits livres et gagnait sa vie à la sueur de... ses pieds: il
était trotteur.
Oui, frotleur, Auvergnat et frotleur. J'enviais son sort, et
souvent, quand je le contemplais dans l'exercice de ses fonc-
tions peu nobles, si vous voulez, mais honnêtes, je m'écriais :
— Heureux, trois fois heureux fils des monts où fleurit le
charabia! Tu no connaîtras jamais les souffrances de la va-
nité blessée ; tu n'auras d'autre ambition que d'épouser une
petite femme venue exprès du pays; avec ses mains sales,
son nez camus et ses jambes courtes, lu la trouveras plus
belle que le jour et le lui prouveras en lui faisant beaucoup
d'enfants que lu enverras, à mesure qu'ils grandiront, dans
les maisons bourgeoises, scier du bois et porter de l'eau. A
la fin, n'ayant connu ni les enivrements ni les dégoûts de la
vie, lu rendras au créateur universel ton âme dans un der-
nier foucktra !
Hélas ! comme on se trompe et à quel fil tiennent les des-
tinées humaines !
* *
Il y a huit jours, cet humble jeune homme; après avoir,
d'une brosse mollasse, frotté comme par pitié les planches
de mon appartement, me demanda :
— Monsieur voudrait-il me faire l'honneur de m'accorder
quelques instants d'entrelien?
A cette question, faite d'un ton qui sentait d'une lieue et
demie sa Comédie française, je flairai immédiatement quel-
que mystère.
— Parlez, monsieur Sirven, répondis-je gracieusement, je
vous écoute.
Il rougit un peu, regarda le bout de ses pieds, puis, tout à
coup chassant une dernière honte, il se campa fièrement une
main sur le gilet à la place du cœur, l'autre sur la coulure
du pantalon, et les pieds en équerre, dans l'alliludc pleine de
grâce et de distinction qu'affectionnent les jeunes premiers
qui jouent lerôlede Richelieu dans les théâtres forains.
— Monsieur, dit-il vivement, voilà ce que c'est; monsieur
pourra me chercher un remplaçant; je ne suis plus frol-
teur.
— Ah ! et quelle nouvelle profession avez-vous choisie?
— Je n'ai pas encore le droit de le dire à monsieur; mais
ce n'est pas une vulgaire profession, c'est un art.
Je n'en pus tirer aucune autre explication ; il partit en me
jetant cet adieu étrange :
— Avant que le bourdon de l'église Sainl-Marc ait sonné
la douzième heure, avant que les gondolîers aient cessé de
chanter sur la lagune, vous entendrez parler de moi.
Je le crus fou. — On va voir si mes craintes étaient fon-
dées.
* ■
* *
Pendant plusieurs jours je n'eus plus de nouvelles de ce
pauvre diable ; mais son sort m'inquiétait, j'allai aux infor-
mations, et j'appris l'histoire lamentable qu'on va lire, his-
toire qui m'affecta d'autant plus vivement que j'y jouais \
mon insu un rôle fatal.
Un jour, voulant récompenser Sirven, pas Alfrc!, je lui
avais donné un billet de théâtre; de là, tous ses malheurs et
tous mes remords.
L'infortuné alla au théâtre des Variétés : il y vit Ham-
burger.
Hamburger, vous savez, madame, Hamburger, dont la
noble tête et la tenue régence vous ont tant fait rêver, Ham-
burger, en qui l'on ne sait ce qu'il faut le plus admirer, de
son esprit ôu de sa beauté !
Il vit donc Hamburger, et grisé par le triomphe de cet ar-
tiste prédestiné, il conçut l'ambition de le suivre jusque dans
les sphères élevées, où il piano ; il ne comprit pas que cha-
cun a son rôle à jouer en ce monde, rôle obscur pour les uns,
glorieux pour les autres ; que les hérissons et les Sirven, pas
Alfred, vivent et mettront ignorés dans leur trou, tandis que
LA LUNE
— Quels crimes ces malheureux avaient-ils commis ? Je
n'en sais rien. L'un a déplu à mon oncle Mars, l'autre à mon
cousin Saturne; un troisième a chanté un refrain d'Offen-
bach à la barbe du papa Jupiter. Précipités dans les espaces,
désarçonnés de leurs comètes, ils roulent, ils roulent, ils
gravitent. L'attraction les jette vers le soleil,— la force cen-
trifuge les éloigne. — Comprends-tu ?
En ce moment, un beau gandin passa près de nous, mais
si près, qu'il faillit nouer le cordon de son pince-nez avec la
queue de Stellanarix. La comète fit une saccade à désarçonner
imshaw; une force invisible me clouait à la selle.
— Tu as de la chance, je commence à espérer que tu seras
mon époux.
C'est ainsi que nous arrivons chez Mars. Mars était à sa
brasserie : devant lui une chope, une pipe à ses lèvres. Le
tuyau de la bouffarde était gros comme les tours de Notre-
Dame, et la chope n'avait pas moins de dix fois la profondeur
du puits de Grenelle. Mars était de bonne humeur. Il avait
ménager.
— Bonjour! mon garçon, jesais le motif de ta visite. Phœbé,
assieds-toi là. Voici un petit grog avec du fer battu, un nuage
à ton intention.. Et toi, mon petit ami, avale-moi ce boclc,
bière de Mars. Tu n'as pas soif? Veux-tu tirer une botte pour
l'échauffer un peu?
Et mon oncle futur me montrait des fleurets, des masques,
tout un attirail de salle d'escrime accroché à la muraille.
— Je ne sais pas si... ,
— Si tu boutonneras ton oncle? N'es-tu pas l'élève de
Jacob, le maître d'armes du faubourg Montmartre, le digne
successeur de défunt Grisier? En garde!
Je reçus en pleine poitrine un coup droit qui me fit trébu-
cher. En tombant, je m'accroche à la queue de Stellanarix;
un crin m'entre dans l'œil, je lâche prise, et voilà que je
tombe dans l'espace. Je tombe, je tombe, ma chute dura
vingt-sept jours.
*
* *
A la lune suivante, je me retrouvais couché dans le nuage
d'or. Et Phœbé me disait :
— Tu es mon fiancé, je t'aime.
— Et Mars, ton oncle?
— Un peu brusque; mais le cœur n'y est pour rien. Tu lui
plais. Viens le voir.
— Allons-y !
Stella.
{La suite à la prochaine lune.)
CORRESPONDANCE THÉÂTRALE
Monsieur et cher confrère,
LA TERRE De la Lune, le 10 novembre.
JOURNAL FANTASTIQUE
Paraissant au fur et a atsflre
RÉDACTION
41 rue des Nuages
A DIANAPOLIS
— Comme je vous Pavais promis dans
S adresser .. , . .
pour les communications ma première lettre, je vais vous
e 2 a o heures. mettre au courant de tout ce qui
-Nota. □ n y a jamais personne. •
s'est passé de nouveau chez nous,
depuis le mois dernier.
Oh! nous marchons bien ! Je ne sais pas si sur votre boule
c'est la môme chose que chez nous, mais enfin il y a des gens
dans ce pays qui prétendent que le théâtre est le reflet de
la société. Quelle balançoire, bon Dieu, quelle balançoire,
mon Dieu !
C'est que c'est juste le contraire.
Vous allez voir ea.
©
IlyaàDianopolis une salle qui, depuis six ans, est devenue
je conservatoire officiel du Four. Le directeur a voulu chan-
ger la dostinalion de l'édifice.
C'est pourquoi on y a joué l'autre soir une pièce d'un de
nos meilleurs faiseurs, un homme qui passe pour être en re-
lations avec tous les esprits du passé, et même des vôtres.
On a donc joué la Famille Bonnet-de-coton :
Des bourgeois, le titre l'indique;
Des Prudhomme à casque à mèche, émancipés comme
il n'y en a pas, du moins dans la lune.
Peut-être s'en trouve-t-il de semblables à Paris, mais j'en
doute.
Oh ! ils vont bien les petits... et les petites, et les grands !
©
Là-dessus toute la bourgeoisie de Dianapolis est en ébuî-
lition.
— C'est une photographie, disent les uns, et ils vont voir
la pièce.
— C'est une horreur, disent les autres, et ils vont voir la
pièce.
Comme on ne parle que do cela dans toute les familles, les
bonnes petites mœurs qu'on veut châtier ridendo s'introdui-
sent tout doucement là où l'on ne les connaissait pas.
Un mari, toujours bourgeois, a voulu interdire sa maison
à un cousin trop aimable, mais beaucoup trop aimable pour
sa femme.
Savez-vous ce que madame, la fille d'un honnêle chocola-
tier de la rue des Milanais, a répondu?
— Tu t'en ferais mourir'.
De là, procès en séparation.
Il y a de belles histoires, allez ! Un futur a conjuré l'an Ire
jour la vierge de ses rêves de ne pas porler de fer à cheval à
la ceinture. "
— fa serait pas. à faire! a riposté la petite pensionnaire
sortie, il y a un mois, du couvent le mieux réputé, un cou-
vent aux oiseaux, quoi!
f 'a serait pas à faire !
Mariage rompu !
Les hommes forts font leurs affaires en ce moment.
Seulement il ne faut pas qu'ils soient des hommes fort en-
nuyeux.
Il en est passé trois l'autre jour le long des quais.
Ils avaient l'air embêté, mais ils étaient encore plus em-
bêtants.
Justement, la grande porte du théâtre que l'on trouve par
là.était ouvert©; ils y sont entrés de front.
Depuis ce temps le public n'y met plus les pieds.
Je vous ai parlé de la fameuse armoire de l'autre côté des
mers, dans laquelle on ne voyait rien, parce qu'il n'y avait
pas de lumière.
Elle est partie avee le» malins qui avaient voulu mettre
notre public dedans.
Il en est resté une bonne charge qu'on a jouée avec beau-
coup de succès. On s'y moque agréablement de ces braves
médiums, qui ont manqué le coche de vingt ans.
Le monsieur qui rate le train d'une minute, est un type
bien fréquent, surtout le dimanche soir au retour de la cam-
pagne.
On en a fait une pièce dont le troisième acte seul vaut
mieux que les deux autres réunis.
Que voulez-vous, les actes se suivent et ne se ressemblent
pas toujours.
Les étoiles ne sont pas rares dans nos parages.
II faut cependan* que je vous dise un mot de celle qui a
paru avec grand succès à notre Opéra. Chose inouie : elle
sort du Conservatoire et a eu un premier prix. Elle s'appelle
Rosine Bloch.
Une autre Bloch a fait un début heureux au Gymnase dans
une nouvelle pièce qui a un bien singulier titre. Elle s'ap-
pelle : le Passé de la vieillesse de M. Jouanne, ainsi que la Jeu-
nesse d'un bohème n'a qu'un temps.
C'esl long.
Moi qui aime être court, je ne parle qu'en bloc des deux
Bloch, xaa réservant de m'étendre une autre fois sur ces
deux débuts.
©
Depuis vingt ans,deux associés faisaient ensemble dans
notre ville l'ornement du commerce et le commerce d'orne-
ments d'église. Ils se sont divisés à cause de la Famille Bon-
net-de-coton.
L'un y a amené sa famille.
L'autre l'en a blâmé.
Le premier a trouvé un excellent mot pour justifier sa
conduite.
— Vous me la laites à l'oseille !
L'acte de dissolution de société a paru hier dans le Moni-
l< ne lunatique.
©
Et voilà comme le théâtre fait les mœurs, tandis que ce
devrait être le contraire.
L'auteur s'en moque, c'est un homme fort.
AsTARTANAMAUTIS ,
Rédacteur en chef Je la Terre.
APRES LA PIECE
Je connaissais un jeune homme doux et modeste. Il s'ap-
pelait Sirven, pas Alfred, oh! non; ses goûts étaient simples,
et chastes étaient ses mœurs; il n'écrivait pas de méchants
petits livres et gagnait sa vie à la sueur de... ses pieds: il
était trotteur.
Oui, frotleur, Auvergnat et frotleur. J'enviais son sort, et
souvent, quand je le contemplais dans l'exercice de ses fonc-
tions peu nobles, si vous voulez, mais honnêtes, je m'écriais :
— Heureux, trois fois heureux fils des monts où fleurit le
charabia! Tu no connaîtras jamais les souffrances de la va-
nité blessée ; tu n'auras d'autre ambition que d'épouser une
petite femme venue exprès du pays; avec ses mains sales,
son nez camus et ses jambes courtes, lu la trouveras plus
belle que le jour et le lui prouveras en lui faisant beaucoup
d'enfants que lu enverras, à mesure qu'ils grandiront, dans
les maisons bourgeoises, scier du bois et porter de l'eau. A
la fin, n'ayant connu ni les enivrements ni les dégoûts de la
vie, lu rendras au créateur universel ton âme dans un der-
nier foucktra !
Hélas ! comme on se trompe et à quel fil tiennent les des-
tinées humaines !
* *
Il y a huit jours, cet humble jeune homme; après avoir,
d'une brosse mollasse, frotté comme par pitié les planches
de mon appartement, me demanda :
— Monsieur voudrait-il me faire l'honneur de m'accorder
quelques instants d'entrelien?
A cette question, faite d'un ton qui sentait d'une lieue et
demie sa Comédie française, je flairai immédiatement quel-
que mystère.
— Parlez, monsieur Sirven, répondis-je gracieusement, je
vous écoute.
Il rougit un peu, regarda le bout de ses pieds, puis, tout à
coup chassant une dernière honte, il se campa fièrement une
main sur le gilet à la place du cœur, l'autre sur la coulure
du pantalon, et les pieds en équerre, dans l'alliludc pleine de
grâce et de distinction qu'affectionnent les jeunes premiers
qui jouent lerôlede Richelieu dans les théâtres forains.
— Monsieur, dit-il vivement, voilà ce que c'est; monsieur
pourra me chercher un remplaçant; je ne suis plus frol-
teur.
— Ah ! et quelle nouvelle profession avez-vous choisie?
— Je n'ai pas encore le droit de le dire à monsieur; mais
ce n'est pas une vulgaire profession, c'est un art.
Je n'en pus tirer aucune autre explication ; il partit en me
jetant cet adieu étrange :
— Avant que le bourdon de l'église Sainl-Marc ait sonné
la douzième heure, avant que les gondolîers aient cessé de
chanter sur la lagune, vous entendrez parler de moi.
Je le crus fou. — On va voir si mes craintes étaient fon-
dées.
* ■
* *
Pendant plusieurs jours je n'eus plus de nouvelles de ce
pauvre diable ; mais son sort m'inquiétait, j'allai aux infor-
mations, et j'appris l'histoire lamentable qu'on va lire, his-
toire qui m'affecta d'autant plus vivement que j'y jouais \
mon insu un rôle fatal.
Un jour, voulant récompenser Sirven, pas Alfrc!, je lui
avais donné un billet de théâtre; de là, tous ses malheurs et
tous mes remords.
L'infortuné alla au théâtre des Variétés : il y vit Ham-
burger.
Hamburger, vous savez, madame, Hamburger, dont la
noble tête et la tenue régence vous ont tant fait rêver, Ham-
burger, en qui l'on ne sait ce qu'il faut le plus admirer, de
son esprit ôu de sa beauté !
Il vit donc Hamburger, et grisé par le triomphe de cet ar-
tiste prédestiné, il conçut l'ambition de le suivre jusque dans
les sphères élevées, où il piano ; il ne comprit pas que cha-
cun a son rôle à jouer en ce monde, rôle obscur pour les uns,
glorieux pour les autres ; que les hérissons et les Sirven, pas
Alfred, vivent et mettront ignorés dans leur trou, tandis que
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
Correspondance théatrale; Après la pièce
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
La Lune
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
S 25/T 14
Objektbeschreibung
Objektbeschreibung
Bildbeschriftung: "L'entracte"
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Entstehungsdatum
um 1865
Entstehungsdatum (normiert)
1860 - 1870
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
Public Domain Mark 1.0
Creditline
La Lune, 1.1865, Nr. 2, S. 2_4
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg