Le rire: journal humoristique: Le rire: journal humoristique (2.1895-1896 (Nr. 53-104))

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Les Lutteurs

Par VA LLOTON et JULES RENARD

Ne vous en allez pas, messieurs et dames! on va commencer II quatre sous, merci, le chiffre est officiel,... mais ça pèse tout de
ne manque que dix sous sur le tapis. Vous êtes plus de cent per- même, et chacune d'elles vaut un bœuf. Plus que trois sous ! un
sonnes dans cette troupe assemblée et vous ne trouveriez point petit etïort. Vous rentrerez chez vous à pied. On refuse les timbres-
une pauvre misère de dix sous dans vos poches. Ce serait une poste. Plus que deux sous ! le prix d'une boîte d'allumettes. Vous
honte 1 Eh! l'armée française, approche un peu' Les militaires lirez votre journal à l'électrique. Merci, plus qu'un sou, un sou,
paient moitié place. On les rembourse quand ils reviennent de c est tout. On trouve un sou dans une poubelle. Oh! le jeune père
Madagascar. Un sou à vous deux, c'est-il trop cher pour voir le de là-bas, regarde sous ton pied; il doit y avoir un sou. Justement,
beau travail de monsieur Polydor9 Merci, messieurs et dames. Nous ne voulons pas vous faire poser.

Entrez donc au salon, madame ! Polydor ne mord personne. Il Nous ne sommes pas des accapareurs. Monsieur Polydor est un

n'avale que sa langue, les jours de soif. Merci, madame! plus que artiste et moi aussi, de conscience ! et si vous nous jetez encore

huit sous. Du courage. Admirez-le !... En s'asseyant dessus il casse cinq sous, seulement cinq sous, pas un louis de plus, pour nos

les bicyclettes. Il tuerait un tigre à seule fin de s'y tailler un caleçon petits bénéfices !... Non, c'est trop. Vous canez, vous détalez. Je

neuf. Merci, encore sept sous ! du courage! Il va porter à bras tendu savais bien. Je voulais vous faire peur. Vite à vos places, messieurs

les petits poids que voilà. N'en faudrait guère de pareils pour mettre et dames, ouvrez l'œil et gardez votre argent. Monsieur Polydor va

autour d'un pigeon. Plus que six sous. Vous prendrez l'impériale commencer, il commence, pour rien, pour l'honneur!
de l'omnibus. Tàtez-moi ces boules de fonte. C'est dur comme les
cuisses de M. Polydor C'est moins lourd que le budget,... plus que

Jules Renard.

Le Rire entre aujourd'hui dans sa deuxième année. Il a tenu à remercier le public â cette occasion en lui offrant ce numéro exceptionnel où se
trouvent réunis les noms de la plupart de sès meilleurs collaborateurs, et particulièrement les deux nouveaux venus, Forain et Caran d'Ache, à qui
les anciens ont fait fête, et qui vont continuer régulièrement ieurs brillantes séries.

Deux noms qui nous sont des plus chers et qui sont aussi des plus aimés du public manquent â ce numéro d'anniversaire : Gyp et Willette, tous
djux achevant de se guérir de longues et douloureuses maladies. Mais tous deux vont bientôt reprendre leur place parmi nous d'ici peu, et Le Rire
continuera à mériter son succès, car- il est à présent LE SEUL JOURNAL FRANÇAIS ayant la collaboration régulière de Forain, Caran d'Ache'
Willette, Gyp, LéanJro, Jeanmot. Métivet, etc., et qui soit ouvert à tous les maîtres en l'art du rire