LE RIRE AU THEATRE
Palais-Roval. — Les Deux canards. — Besançon, qui vit naître
"Victor Hugo, a aussi donné le jour à Tristan Bernard; et si le
lumineux lyreur a si magnifiquement célébré la vieille ville espa-
gnole, de son côté Pétineelant humoriste n'ajamais raté une occa-
sion d'évoquer son paielin natal; gardant comme souvenir d'en-
fance la diction nasillarde et nonchalante de ses concitadins.
Déjà l'une de ses amusantes farces s'intitulait Un négociant
de Besançon. Vue histoire locale lui fournit le thème de ces
Deux canards qui prirent leur vol l'autre semaine et ont été
aux nues. A l'époque où le jeune Paul-Tristan Bernard com-
mençait à sortir sans sa bonne, l'agitation régnait dans la
capitale du Doubs, d'ordinaire si tranquille; et les Bisontins
étaient séparés en deux camps : Les défenseurs de Ribeyrou et
les partisans de Falempin. 11 faut dire que Falempin exerçait
les fonctions de critique théâtral au Petit Comtois, cependant -
qu'à la Franche-Comté Ribeyrou se livrait aux mêmes exercices.
Or, il suffisait que l'un d'eux louangeât le ténor et éreintàt la
Dugazon, pour que la Dugazon fût couverte de fleurs et le même Brigitte-Régent < hantecler-Defrevn -
ténor abreuvé d'insultes par l'autre feuilletoniste. Le parti pris à l'Apollo.
était si évident, les polémiques prenaient un tel caractère de
mauvaise foi et de violence que la population estima nécessaire kk»*»é;JL« * 1 a • ; • , , ., ,
n r r — librettistes actuels) des sujets incohérents et vulgaires. Il nv a
donc pas à craindre que le cas de Céleste empire...
Cocorico à l'Apollo.'
Après avoir, pour l'Athénée, note avec Xavier Roux le Chant
du Cygne, Georges. Duval, sexagénaire toujours jeune, fait
entendre à l'Apollo, avec le concours de MM. Louis Ganne,
Soulié et Jailly, un nouveau chant du coq; et ce Cocorico chante
clair, sans s'égosiller en des vocalises trop élevées.
Un confrère pudibond, donc grincheux, estime le livret un peu
léger... Mais non, pas si léger que ça!... Et puis, il est si difficile
de s'entendre sur la moralité des opérettes!... Imaginez par-
exemple que des auteurs présentent les deux sujets suivants :
1° Une chaste enfant dans un accident déchire sa robe et
laisse voir à un jeune peintre des trésors de nudité. Celui-ci
prend un croquis; le montre à un camarade, et les joyeux-
drilles constatent : « Ah! le superbe point de vue!... » Voilà,
vous l'avouerez, une aventure plutôt pénible et désobligeante;
et les deux lascars qui s'en amusent sont de parfaits goujats.
2° Un roi puissant (sauf dans les pourchas d'amour) séquestre^
accapare une robuste et jolie campagnarde dont la vertu doit
lui procurer la veine; il veille à ce qu'elle conserve son... fétiche
malgré elle et malgré les invites de l'amour. Cet égoïste vieil-
lard est simplement ignoble ; et l'infortunée mérite toutes les
sympathies, tous les apitoiements...
Eh bien — austères bourgeois, estimables mères de famille
Le Gatlo entre le Phare de Cassive et la Torche de Debienue. ~ ^ fn*ces J°!ies chos,es <lui> SOUSl.es titres de Miss Helyett
et de la Mascotte vous lont pâmer d aise et esclaffer de rigo-
lade, vous et vos petites demoiselles,
à l'honneur de la presse une rencontre entre ces deux irrécon- Les aventures du Margrave de Puppenberg (dont la neutralité
ciliables adversaires... Ainsi l'on apprit l'horrible vérité : Falem- individuelle correspond à celle de sa principauté) ne sont m
pin et Ribeyrou n'étaient qu'un seul et même journaliste. raoms ni plus choquantes dans Cocorico.
Bien que Lecocq (Charles) fût tout indiqué pour la musique
d'une telle pièce, la partition est due à Louis Ganne. L'auteur de
Opéra-Comique. — Céleste. — Titre d'une ironie bien imperti- la Marche Lorraine a accompli sa tâche tambour battant; de
nente, si l'on songe au fangeux terre-à-terre de l'ouvrage. Voilà, verve, sans prétention; et il nous prouve qu'il n'est pas indis-
du coup, réhabilité le livret de Julien! Le livret est tiré, par les pensable que les valses viennent de Vienne pour être entrai-
cheveux et par M. Emile Trépard, d'un roman de Guiches. Qiï- nantes ou langoureuses.
y voit Gambetta, et sous prétexte que le père de cet Homais- A Mme Marise Fairy, menue et spirituelle, revient le succès de
Koumestan débitait à Cahorsss delà cassonade et du raisiné, la l'interprétation féminine; mais cela n'empêche pas MUe Régent
pièce est écrite en style d'épicier. (Cela s'appelle du symbole.) d'avoir (comme son nom l'indique) un diamant dans la gorge.
Les banalités insignifiantes de la vie quotidienne y sont notées M. Defreyn porte l'uniforme de l'officier de fortune (de bonne
complaisamment (c'est le côté familier et réaliste de l'ouvrage), fortune) avec une élégance désinvolte. Frey fait songer à feu
mais parfois le librettiste veut poéter plus haut que son luth ; et Maugé et Maurice Lamy à son frère Charles; c'est dire que
il fait proférer à une vieille loqueteuse : « Je suis le soir d'une tous deux sont excellents; Maurice Lamy a, de plus, renouvelé
vie dont l'aurore était de l'amour!... » le type de la ganache classique et
L'apostrophe évocatrice prend aussi semble une caricature plaisante du
part à la petite fête, et l'un des personnages grand Frédéric. Philippon fait quel-
s'écrie: «Gœthe! Gœthe! peintre cynique que chose d'une pitoyable panne,
de la désespérance humaine, que me , Costumes joliment anachroniques ;
conseillerais-tu?... »;— « De faire une corps de ballet composé de jeunes per-
partition et un poème dans le genre de sonnes dont quelques-unes portent
Werther! » murmura à côté de moi un maillot, et d'autres dansent les jambes
spectateur caustique... nues. Pourquoi? H y a beau jour que
Notre insuffisance musicale ne nous la suppression du maillot est décrétée
permet pas de parler de la partition; mais d'utilité publique au nom de l'art dans
des gens qui compétent assurent sa par- les théâtres et music-halls; et les per-
faite unité avec le dialogue... Tant sonnes qui ne se conforment pas à
pis!.,. '' - cette mode.écossaise passent aux yeux
"Bien que "la mansuétude du contribua- du grand public et de leurs petites
ble français en général, et du spectateur camarades pour être gonagres ou va-
parisien en particulier défie toute con- riqueuses.
currence, le chant du Trépard n'est pas Ragotin.
un hymne de victoire; et le public a déjà e^
Parais Royal." soupé (pour parier le langage cher aux Illustrations de Y. Marevéry. roi du « Rire » à l'Apolïo.
Germain
roi du « Rire » au
Palais-Roval. — Les Deux canards. — Besançon, qui vit naître
"Victor Hugo, a aussi donné le jour à Tristan Bernard; et si le
lumineux lyreur a si magnifiquement célébré la vieille ville espa-
gnole, de son côté Pétineelant humoriste n'ajamais raté une occa-
sion d'évoquer son paielin natal; gardant comme souvenir d'en-
fance la diction nasillarde et nonchalante de ses concitadins.
Déjà l'une de ses amusantes farces s'intitulait Un négociant
de Besançon. Vue histoire locale lui fournit le thème de ces
Deux canards qui prirent leur vol l'autre semaine et ont été
aux nues. A l'époque où le jeune Paul-Tristan Bernard com-
mençait à sortir sans sa bonne, l'agitation régnait dans la
capitale du Doubs, d'ordinaire si tranquille; et les Bisontins
étaient séparés en deux camps : Les défenseurs de Ribeyrou et
les partisans de Falempin. 11 faut dire que Falempin exerçait
les fonctions de critique théâtral au Petit Comtois, cependant -
qu'à la Franche-Comté Ribeyrou se livrait aux mêmes exercices.
Or, il suffisait que l'un d'eux louangeât le ténor et éreintàt la
Dugazon, pour que la Dugazon fût couverte de fleurs et le même Brigitte-Régent < hantecler-Defrevn -
ténor abreuvé d'insultes par l'autre feuilletoniste. Le parti pris à l'Apollo.
était si évident, les polémiques prenaient un tel caractère de
mauvaise foi et de violence que la population estima nécessaire kk»*»é;JL« * 1 a • ; • , , ., ,
n r r — librettistes actuels) des sujets incohérents et vulgaires. Il nv a
donc pas à craindre que le cas de Céleste empire...
Cocorico à l'Apollo.'
Après avoir, pour l'Athénée, note avec Xavier Roux le Chant
du Cygne, Georges. Duval, sexagénaire toujours jeune, fait
entendre à l'Apollo, avec le concours de MM. Louis Ganne,
Soulié et Jailly, un nouveau chant du coq; et ce Cocorico chante
clair, sans s'égosiller en des vocalises trop élevées.
Un confrère pudibond, donc grincheux, estime le livret un peu
léger... Mais non, pas si léger que ça!... Et puis, il est si difficile
de s'entendre sur la moralité des opérettes!... Imaginez par-
exemple que des auteurs présentent les deux sujets suivants :
1° Une chaste enfant dans un accident déchire sa robe et
laisse voir à un jeune peintre des trésors de nudité. Celui-ci
prend un croquis; le montre à un camarade, et les joyeux-
drilles constatent : « Ah! le superbe point de vue!... » Voilà,
vous l'avouerez, une aventure plutôt pénible et désobligeante;
et les deux lascars qui s'en amusent sont de parfaits goujats.
2° Un roi puissant (sauf dans les pourchas d'amour) séquestre^
accapare une robuste et jolie campagnarde dont la vertu doit
lui procurer la veine; il veille à ce qu'elle conserve son... fétiche
malgré elle et malgré les invites de l'amour. Cet égoïste vieil-
lard est simplement ignoble ; et l'infortunée mérite toutes les
sympathies, tous les apitoiements...
Eh bien — austères bourgeois, estimables mères de famille
Le Gatlo entre le Phare de Cassive et la Torche de Debienue. ~ ^ fn*ces J°!ies chos,es <lui> SOUSl.es titres de Miss Helyett
et de la Mascotte vous lont pâmer d aise et esclaffer de rigo-
lade, vous et vos petites demoiselles,
à l'honneur de la presse une rencontre entre ces deux irrécon- Les aventures du Margrave de Puppenberg (dont la neutralité
ciliables adversaires... Ainsi l'on apprit l'horrible vérité : Falem- individuelle correspond à celle de sa principauté) ne sont m
pin et Ribeyrou n'étaient qu'un seul et même journaliste. raoms ni plus choquantes dans Cocorico.
Bien que Lecocq (Charles) fût tout indiqué pour la musique
d'une telle pièce, la partition est due à Louis Ganne. L'auteur de
Opéra-Comique. — Céleste. — Titre d'une ironie bien imperti- la Marche Lorraine a accompli sa tâche tambour battant; de
nente, si l'on songe au fangeux terre-à-terre de l'ouvrage. Voilà, verve, sans prétention; et il nous prouve qu'il n'est pas indis-
du coup, réhabilité le livret de Julien! Le livret est tiré, par les pensable que les valses viennent de Vienne pour être entrai-
cheveux et par M. Emile Trépard, d'un roman de Guiches. Qiï- nantes ou langoureuses.
y voit Gambetta, et sous prétexte que le père de cet Homais- A Mme Marise Fairy, menue et spirituelle, revient le succès de
Koumestan débitait à Cahorsss delà cassonade et du raisiné, la l'interprétation féminine; mais cela n'empêche pas MUe Régent
pièce est écrite en style d'épicier. (Cela s'appelle du symbole.) d'avoir (comme son nom l'indique) un diamant dans la gorge.
Les banalités insignifiantes de la vie quotidienne y sont notées M. Defreyn porte l'uniforme de l'officier de fortune (de bonne
complaisamment (c'est le côté familier et réaliste de l'ouvrage), fortune) avec une élégance désinvolte. Frey fait songer à feu
mais parfois le librettiste veut poéter plus haut que son luth ; et Maugé et Maurice Lamy à son frère Charles; c'est dire que
il fait proférer à une vieille loqueteuse : « Je suis le soir d'une tous deux sont excellents; Maurice Lamy a, de plus, renouvelé
vie dont l'aurore était de l'amour!... » le type de la ganache classique et
L'apostrophe évocatrice prend aussi semble une caricature plaisante du
part à la petite fête, et l'un des personnages grand Frédéric. Philippon fait quel-
s'écrie: «Gœthe! Gœthe! peintre cynique que chose d'une pitoyable panne,
de la désespérance humaine, que me , Costumes joliment anachroniques ;
conseillerais-tu?... »;— « De faire une corps de ballet composé de jeunes per-
partition et un poème dans le genre de sonnes dont quelques-unes portent
Werther! » murmura à côté de moi un maillot, et d'autres dansent les jambes
spectateur caustique... nues. Pourquoi? H y a beau jour que
Notre insuffisance musicale ne nous la suppression du maillot est décrétée
permet pas de parler de la partition; mais d'utilité publique au nom de l'art dans
des gens qui compétent assurent sa par- les théâtres et music-halls; et les per-
faite unité avec le dialogue... Tant sonnes qui ne se conforment pas à
pis!.,. '' - cette mode.écossaise passent aux yeux
"Bien que "la mansuétude du contribua- du grand public et de leurs petites
ble français en général, et du spectateur camarades pour être gonagres ou va-
parisien en particulier défie toute con- riqueuses.
currence, le chant du Trépard n'est pas Ragotin.
un hymne de victoire; et le public a déjà e^
Parais Royal." soupé (pour parier le langage cher aux Illustrations de Y. Marevéry. roi du « Rire » à l'Apolïo.
Germain
roi du « Rire » au
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
Le rire au théâtre
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
Le rire: journal humoristique
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
G 3555 Folio RES
Objektbeschreibung
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsdatum
um 1913
Entstehungsdatum (normiert)
1908 - 1918
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
In Copyright (InC) / Urheberrechtsschutz
Creditline
Le rire, N.S. 1913, No. 567 (13 Décembre 1913), S. 10
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg