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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 1.1875 (Teil 3)

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Hamerton, Philip Gilbert: Thomas Seddon, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.16676#0303
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274 L'ART.

Dieu disait doucement : « Si je le veux bien. » Cet état mental est ordinaire chez les saints et Seddon
aspirait ardemment à la sainteté selon l'idéal d'un protestant et d'un anglican, bien entendu. Que nous
sommes loin ici de l'esprit caustique, railleur, incrédule qui règne dans les ateliers de Paris! Nous pouvons
comprendre maintenant la passion de Seddon pour la terre sainte et ses larmes retenues si difficilement
à la première vue de Jérusalem. Sans son mariage et sa mort prématurée, il aurait pu très-bien dévouer
les meilleures années de sa vie à l'illustration des lieux saints déjà courageusement commencée dans la
vallée de Josaphat. Combien restait encore à faire! Il ne connaissait que la route de Jaffa à Jérusalem,
le voisinage immédiat de la ville et Hébron. Il ne connaissait pas les délicieux environs de Nazareth,
le paradis de la Palestine. 11 n'avaitjpas encore vu les eaux bleues et limpides qui reposent dans le bassin de
Tibériade où vécurent ces pauvres pêcheurs, les amis et disciples de Jésus, et où Jésus lui-même passa
ses meilleurs jours. Il n'avairpas suivi le cours du Jourdain, scène indubitable des baptêmes de Jean.
La terrible désolation de la mer Morte l'attirait aussi, mais il n'eut pas le temps d'y aller. Enfin, il a fait
un bon commencement d'une très-grande entreprise où l'ardeur de sa foi religieuse aurait été d'une
utilité incalculable pour le soutenir dans l'exil et la solitude, et pour maintenir son courage en face
d'un travail particulièrement pénible, qui soumet la patience d'un artiste aux plus rudes épreuves.

Il me reste maintenant à considérer le travail de Thomas Seddon au point de vue de la critique
artistique. Sa sensibilité du coté des jouissances des yeux est certainement plus vivement impressionnée
par les beautés de la nature que par l'art proprement dit. Il admire la grande peinture, il aime la
nature avec passion. Les ennemis de la petite secte préraphaélite, à laquelle il appartenait, ont trouvé
qu'il était de bonne guerre d'attribuer aux sectateurs un mépris absolu de la peinture des grandes
écoles. Ceci est très-injuste. Véronèse et le Titien étaient les artistes que Seddon admirait le plus,
surtout le dernier, qui lui semblait fait pour désespérerles artistes à venir. Il ne fut donc pas insensible
à la peinture, mais il y eut en lui très-peu de l'esprit du connaisseur, de l'amateur de tableaux. Il est
plus heureux en présence de belles scènes naturelles comme celles des environs de JafFa, par exemple,
que clans le salon carré du Louvre. Pendant tout son séjour en Orient, il ne parle jamais dans ses lettres
(du moins dans celles qui ontété publiées) des paysagistes éminents, et je crois vraiment qu'il n'y pensait
pas. Son esthétique était si bornée, que l'on peut se demander si vraiment il avait conscience de ce
qu'est l'art; on dirait que son esprit s'est arrêté à l'idée primitive, celle de l'imitation, sans aller au
delà. Il est du plus haut intérêt de l'entendre expliquer pourquoi la photographie ne tuera pas la
peinture. Selon lui c'est « parce que dans la photographie il y a beaucoup de fausseté, les verts et
les jaunes deviennent presque aussi noirs que les ombres, de manière à vous empêcher très-souvent
de savoir si un ton foncé représente de l'ombre ou du gazon. » Tout cela est très-vrai sans doute, mais
on s'étonne un peu qu'un peintre n'ait pas su mieux défendre la majesté de l'art. Il y avait autre chose
à dire. La peinture appartient aux beaux-arts, non pas en raison de sa tonalité plus juste que celle de
la photographie, mais parce que la peinture étant entièrement soumise au génie de l'homme, ce
que la photographie ne sera jamais, un artiste doué d'une imagination grandiose ou charmante peut
l'exprimer librement sur la toile. C'est tout simplement parce que la peinture est un moyen commode
pour l'expression du génie humain qu'elle a sa place dans les arts entra la poésie et la musique, et
c'est précisément ce côté humain de la peinture qui semble avoir échappé à l'intelligence de Seddon.
Il s'efforçait, du moins dans ses derniers paysages, de supprimer l'imagination au profit de la vérité
topographique. Certainement il n'entendait pas supprimer tous les sentiments de l'homme au point de
devenir une lentille photographique perfectionnée, qui pouvait rendre la couleur, car il prisait au moins
l'affection de l'artiste pour l'endroit qu'il voulait peindre, ce qui est déjà quelque chose. Cependant il
faut bien avouer que cette recherche passionnée de la vérité topographique peut tuer l'imagination et
le goût, ou bien les affaiblir à tel point qu'ils ne rendent plus aucun service artistique. Seddon a réussi
dans le genre de peinture qu'il s'est proposé de faire, et peu de personnes se doutent combien l'entre-
prise fut hardie et originale. Il est certainement le premier paysagiste qui ait fait le portrait d'un endroit
avec une fidélité à peu près absolue. Nous savons bien comment procède le paysagiste ordinaire. Il se
met en face de la nature, non pas pour rendre scrupuleusement la scène qui est devant lui, mais pour
prendre quelques notes ou pour recevoir l'impression d'un effet qui durera peut-être cinq minutes.
Cela fait, il rentre chez lui avec des croquis ou une pochade et se met à peindre son impression, lar-
 
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