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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 1.1875 (Teil 3)

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Gindriez, Ch.: L' Algérie et les artistes
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https://doi.org/10.11588/diglit.16676#0439
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L'ALGÉRIE ET LES ARTISTES

AUTREFOIS.

n ne peut nier qu'une séve jeune et vigoureuse n'ait circulé parmi les
traditions naturellement épuisées que notre siècle avait reçues des
précédents; mais elle s'est divisée dans ses ramifications infinies en
mille petits canaux imperceptibles. En effet, s'il est une chose carac-
téristique de notre époque, c'est le soin avec lequel chacun s'isole des
autres, et creuse à part le filon particulier qu'il compte exploiter un
jour à son profit. Comment se reconnaître dans cette Babel de la litté-
rature et de l'art? L'œil sollicité par tant d'individualités brillantes
n'aperçoit pas au premier abord cette masse imposante de tout un
peuple taillant sa route à plein bloc, dans la même carrière.
Cet éparpillement de l'art et cette individualité des artistes embarrasseront certainement un jour
les critiques qui voudront définir notre époque par une de ces courtes synthèses qui résument si bien
les âges passés. On peut dire cependant que le nôtre a été poussé vers l'Ox-ient, sinon par une puis-
sance irrésistible, du moins par une aspiration vague, par ce charme secret et pénétrant qui sort tou-
jours pour l'homme des profondeurs de l'inconnu. L'Orient est encore à la mode, et sans doute son
règne commencé avec ce siècle ne finira qu'avec lui. Ce n'est pas sans raison qu'on a classé par siècles
l'histoire intellectuelle des peuples. Un siècle paraît être la durée nécessaire des grandes évolutions
de l'esprit humain, et c'est dans ce cercle qu'on les voit parcourir toutes les phases de leur existence,
naître, grandir, — puis péricliter et mourir.

L'Orient a toujours été pour les peuples de l'Europe le pays des trésors et des merveilles ; n'est-il
pas pour eux la patrie de l'aurore et le berceau du soleil? Longtemps fermé aux Français par son
éloignement, il s'ouvrait alors tout entier à leur imagination. Le dernier siècle l'entrevit un instant
dans cette grande échappée lumineuse de l'expédition d'Egypte; puis, satisfait d'avoir montré la route
à son successeur, il la referma brusquement et s'éteignit sur cette espérance et sur ce présage. Mais
l'élan était donné. Les voyages de Chateaubriand et les vers de Byron rouvrirent cette route. La guerre
de Grèce et la prise d'Alger furent les deux trouées par où la France se précipita dans cette Terre
promise de la pensée. L'art inquiet, meurtri dans son vieux moule, cherchait à tâtons des voies nou-
velles. Les canons du général Bourmont lui montrèrent à coups d'éclairs des profondeurs inexplorées.
Ces conquêtes inauguraient donc merveilleusement, en lui taillant des horizons, ce grand mouvement
d'idées qu'on a appelé l'École de 1830.

Déjà dans une ces désastreuses expéditions que la Renaissance accumula contre les États barba-
resques, Ponce de Balagner, dans un défi héroïque, était venu en face des Maures, sous les créneaux
meurtriers, planter son poignard dans les portes d'Alger1. N'y a-t-il pas dans l'histoire de curieuses
coïncidences? Ce templier sublime frappait, au nom de la France, à ces portes qui ne devaient s'ouvrir
que trois cents ans plus tard devant les boulets français.

On put enfin voir l'Orient et le toucher. Mais les poètes et les peintres n'avaient pas attendu ce
moment pour escompter les palmiers, les agaves, les chameaux, les minarets « avec l'horizon rouge
et le ciel assorti ». Rien de plus curieux sous ce rapport que de feuilleter l'Algérie pittoresque de
M. Berbrugger. Les illustrations faites sur place et d'après nature par Morel Fatio, Théodore Frère,
Rafîet, Victor Adam, trahissent partout encore le « faire » conventionnel, la main rétive qui se cabre

l. h'Algérie pittoresque, par Berbrugger.
 
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