L' art: revue hebdomadaire illustrée (1.1875 (Teil 3))

L'ALGÉRIE ET LES ARTISTES. 397

dans l'ornière de la vieille habitude. Tout ce grand poème, dédié à la gloire de notre colonie, paraît
dessiné dans cette langue, étrangement orientale, que parlent certains Turcs de Molière.

La conquête d'Alger eut au moins pour nous cet avantage de mettre fin à cette fantaisie en la
contrôlant. Des imprimeurs, des presses, des journalistes, des peintres arrivèrent avec l'armée1. Gudin,
jeune et déjà célèbre, à peine débarqué, croquait le palmier de Sidi-Ferrnch et prenait des idées dans
le vif, à coups de fusil. Les événements se précipitent : le débarquement, la bataille de Staoueli,
l'explosion du fort l'Empereur, puis la capitulation, le dey s'embarquant le soir, à la lueur des torches,

Environs de Batna.
Fac-similé d'un dessin de Ch. Gindriez.

confiant ses femmes et ses trésors à cette mer capricieuse dont les fureurs avaient si longtemps servi
les pirates avant de les trahir; tant de choses accomplies en quelques jours, avec la vitesse d'un rêve,
frappèrent profondément les esprits et se déroulèrent comme autant de tableaux merveilleux. Et ce ne
fut pas un engouement passager. Cette guerre si longue, si opiniâtre, qui dompta l'Algérie, ne lassa
jamais les artistes. Il n'est pas un arbre, pas un buisson, pas un rocher qui ne se couvre d'une rosée
sanglante quand, l'histoire à la main, on fait suer à cette terre tout le sang qu'elle a bu; eh! bien,
jamais l'agonie de résistance d'un peuple n'a été étudiée avec plus de soin dans toutes ses phases et
jusque dans ses dernières pulsations.

1. Alger naguère et maintenant, par Charles Desprez.