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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 1.1875 (Teil 3)

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Véron, Eugène: La troisième invasion
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https://doi.org/10.11588/diglit.16676#0318

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LA TROISIÈME INVASION

INTRODUCTION1.

n sait comment se font d'ordinaire les tableaux de batailles. Il ne
s'agit pas d'être vrai; on ne s'inquiète pas de fournir à l'histoire
des documents sérieux et authentiques ; il n'est même pas nécessaire
que le peintre ait assisté aux combats qu'il décrit. Le but est de
glorifier le vainqueur, et, pour cela, on le campe sur un cheval fou-
gueux, au beau milieu du tableau et de la mêlée, bravant les obus
et les balles et marchant d'un air fier et tranquille au-devant de la
mort qui ne doit pas venir. C'est la bataille officielle, académique,
telle qu'on peut la voir s'épanouir sur une étendue de plusieurs kilo-
mètres, à Versailles.

Dans la réalité ce n'est pas tout à fait la même chose. Un général, fut-il roi ou empereur, qui,
ayant la responsabilité d'une armée, s'en irait ainsi de gaieté de cœur s'exposer à tous les dangers,
serait simplement un fou ou un bravache digne de tous les mépris. Il peut se présenter acciden-
tellement telle circonstance où il faille qu'un chef d'armée donne à des troupes hésitantes l'exemple
du courage et les enlève par un coup d'audace. Mais c'est là une exception bien l'are. Le rôle de celui
qui commande est de choisir, à l'abri des boulets et des balles, vme place d'où il puisse tout voir et
tout diriger, car son premier devoir est de ne pas se faire tuer, pour gagner la bataille.

Mais ce n'est pas ainsi que l'entendent les peintres à panaches, non plus que ceux qui aiment à
se faire portraiturer dans leur fonction de général. Il ferait beau voir un Frédéric II, un Napoléon
dissimulés derrière un bouquet d'arbres, là-bas, au loin, ayant pour toute arme une lorgnette à la main,
tandis que, contrairement aux lois élémentaires de l'étiquette, des officiers subalternes ou même
des simples soldats occuperaient insolemment la place d'honneur au centre de la toile !

Ce serait d'ailleurs tout aussi inconciliable avec les prescriptions de l'esthétique officielle qu'avec
celles de l'étiquette elle-même.

Le résultat de cette manière d'entendre la peinture de bataille est d'en faire un genre complè-
tement faux, déclamatoire comme un panégyrique de cour, et d'en dégoûter quiconque a le juste
sentiment du rôle de la réalité dans l'art. Mais la mode en est si générale qu'il est à peu près

i. Les pages suivantes sont celles qui servent d'introduction à la Troisième invision, que vont publier M. Ballue (librairie de l'Art)
3, chaussée d'Antin, et M. Charles Delagrave, 58, rue des Ecoles. Les fac-similé que nous donnons ici ont été faits sur les croquis pri-
mitifs d'après lesquels sont établies les eaux-fortes qui servent à illustrer le volume.

Tome III. 37
 
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