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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 1.1875 (Teil 3)

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Notes de David d'Angers
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https://doi.org/10.11588/diglit.16676#0449

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4o6 L'A

On a rogné, coupé des morceaux des tableaux de nos grands
maîtres pour qu'ils pussent être de la mesure de la place qu'on
leur destinait. A d'autres on a fait rajouter de grandes bandes de
toile pour agrandir le tableau, et l'on a fait faire ces additions
par des mains étrangères et quelquefois inhabiles.

Un décret de la Chambre des députés avait placé les statues
des grands hommes sur le pont Louis XVI ; la liste civile, sans
s'occuper de l'illégalité, les a fait enlever pour décorer la cour
de Versailles.

Pour faire la statue du maréchal Jourdan, on a coupé la tête
à celle du général Valhubert et on a rapporté à la place celle de
Jourdan; c'était ce qui se pratiquait dans les mauvais jours du
bas-empire romain. Dans ce Musée, toutes les places sont réser-
vées aux militaires ; les hommes politiques de la Convention n'y
figurent pas. L'on crie bien haut que ce Musée a coûté énormé-
ment à la liste civile, c'est un mensonge. Il paraît certain que
Gavart a acheté très-cher à la liste civile le droit de graver les
ouvrages qui sont déposés dans ce Musée. De là vient qu'on a
enlevé à M11"3 Gros et à tous les artistes le droit que la loi leur
avait accordé de tout temps. C'était M. Dupin qui plaidait pour
Gavart, prête-nom de la liste civile. A aucune époque, l'on n'avait
vu un gouvernement dépouiller les artistes des droits que de tout
temps leur avait assurés leur génie.

On a fait peindre une très-grande quantité de portraits pour
la somme de trois cents francs. Un jour, le directeur de ces tra-
vaux dit à la femme d'un employé de l'Hôtel de ville : « Vos
portraits ne sont pas bien, on n'est pas content, t Cette dame
répondit qu'elle y porterait plus d'attention et que, si on voulait
lui en commander un bon nombre, elle les ferait pour cent cin-
quante francs. Cette proposition fut acceptée de suite, et elle a
couvert les murailles de ses croûtes au rabais. Certes l'on n'a
amais dépensé autant d'argent dans aucune époque pour des
travaux d'art que dans la nôtre; mais les distributions ne peuvent
être équitables. C'est toujours la médiocrité qui est intrigante,
c'est pour elle que les députés obtiennent des travaux.

Ce directeur des travaux du gouvernement qui disait que
l'on ne pouvait plus se servir de la qualification d'arts libéraux,
mais bien électoraux, disait aussi à un artiste : « Vous vous êtes
fait recommander par des députés du côté gauche, actuellement
nous avons ordre de ne donner qu'aux députés conservateurs. »

Qui n'a pas été saisi de pitié en voyant inaugurer sur la
colonne de la place Vendôme cette mauvaise figure de Napoléon
dans le costume de général? C'est la même idée mesquine qui fait
mettre le tombeau de l'Empereur aux Invalides; c'est encore
cette royale direction qui a voulu que Molière fût mis sur une
fontaine faisant partie d'une maison. La fontaine Molière ! Quelle
idée de Tartuffe et de pleutre !

Le Roi veut toujours diriger lui-même les compositions des
artistes. C'est ainsi que l'on a dit à l'auteur de la statue de
Bailly qu'il fallait le représenter ayant les mains attachées et
allant recevoir la mort; dans le tableau de Boissy d'Anglas s'in-

RT.

clinant devant la tête de Ferrea'u, un Anglais distribuant l'argent
au peuple dans la salle même de la Convention...

Tout ce qui s'est fait depuis 1830 sous le rapport des arts a
été dirigé dans un sentiment rétrograde. On cherche à ne mon-
trer à la nation que les malheurs, résultats inévitables de la lutte
révolutionnaire, tandis que tout ce qui pourrait honorer la grande
et sublime époque de la République est laissé dans l'oubli le plus
complet.

Un seul artiste, M. Delaroche, n'a pas voulu se soumettre à
la royale censure; certes ce n'est pas par patriotisme, mais bien
par orgueil, enfin il n'a pas voulu terminer un tableau dont
l'auguste volonté voulait diriger la composition.

Quelques séides du pouvoir actuel proclament bien haut que
le gouvernement honore les arts comme aucun gouvernement ne
Ta fait jusqu'alors. Sous Napoléon, et même sous la Restauration,
les croix se distribuaient solennellement par le souverain, dans
le Salon, devant l'ouvrage de l'artiste, tandis qu'actuellement les
croix et les médailles se donnent en cachette. Souvent, quand on
veut décorer un artiste, on envoie la croix au député, afin, dit
la lettre ministérielle, qu'il la remette à son protégé; et si les
journaux font mention de ces récompenses, c'est que l'artiste a
lui-même porté son article au journal.

Le Roi a, dit-on, décidé que les artistes ne pourraient pas
obtenir plus que la croix d'officier et qu'ils ne feraient jamais
partie des membres de la Chambre des pairs. Sous Napoléon, le
peintre Vien fut nommé sénateur.

Sous la Restauration, le duc d'Orléans faisait faire beaucoup
de petits tableaux représentant des scènes militaires avec des
cocardes tricolores. La petite dimension de ces ouvrages faisait
que l'on pouvait en faire exécuter beaucoup sans dépenser de
grandes sommes, par conséquent alimenter un certain nombre
d'artistes. Le même calcul semble s'être perpétué actuellement.
Je suis sûr que l'on regrette bien de ne pas pouvoir mettre des
statuettes dans nos monuments, il y aurait une plus grande quan-
tité de soupes économiques.

Il y a dans le Louvre et à l'Ecole des Beaux-Arts un ma-
gasin de plâtres antiques qui se vendent au profit de l'adminis-
tration du Musée, et par conséquent de la liste civile. Il est juste
de dire que cet ordre de choses existait également sous la Res-
tauration.

Si l'on a fait un monument à Cuvier sur une fontaine au coin
de la rue Cuvier, si de même on a fait la fontaine Molière, si
enfin l'on va mettre sur la fontaine que l'on construit sur la place
Saint-Sulpice les statues de Bossuet, Fénelon, Massillon et, je
crois, Bourdaloue *, c'est qu'une volonté gouvernementale ne
veut pas que les places publiques soient consacrées aux grands
hommes, et qu'elles soient réservées exclusivement aux rois.
Sous l'Empire on n'en était pas encore venu à ce point d'absur-
dité, car la place des Victoires devait être consacrée à la statue
colossale de Desaix et les statues des grands généraux devaient
figurer sur les ponts de la Concorde et d'Iéna.

NOTRE BIBLIOTHEQUE

XLVI.

LE DRAME MUSICAL, par Edouard Schuré. 2 vol. in-8\
Paris, 1875, Sandoz et Fischbacher, éditeurs, 33, rue de Seine
et rue des Saints-Pères. Tome I : la Musique et la poésie dans
leur développement historique; tome II : Richard Wagner, son
œuvre et son idée.

« C'est icy un livre de bonne foy, » comme dirait Mon-
taigne, et surtout un acte de foi. M. Edouard Schuré est un

apôtre, un évangéliste du vagnérisme. Son livre est moins une
étude critique qu'un panégyrique enthousiaste, un dithyrambe
passionné. Dans le premier volume, l'histoire de la poésie et de
la musique depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours
n'est que le vestibule de Bayreuth, et les plus grands génies qui
aient illustré les siècles ne sont plus en quelque sorte que des
matériaux qui servent à construire les propylées d'une Acropole,
au sommet de laquelle s'élève le temple de la Minerve du drame
lyrique, sortie tout armée du cerveau de Jupiter Wagner.

1. C'est Fléchier qui fut définitivement choisi pour compléter cette décoration.
 
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