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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 1.1875 (Teil 3)

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Musset, Paul de: La Chapelle de San Lorenzo
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https://doi.org/10.11588/diglit.16676#0168

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LA

CHAPELLE DE SAN LORENZO

l'occasion du quatrième centenaire de Michel-Ange, l'heureuse
Horence s'est mise en fête; mais, à l'ordinaire, on y vit comme en
partie de plaisir. Les vieux palais, avec leurs façades rébarbatives,
ont beau vous rappeler le temps des guerres civiles et des conspi-
rations, la gaieté des vivants ne laisse point de place aux souvenirs
lugubres. Les rues sont inondées de fleurs. On n'entend que des
rires et des bruits joyeux; on ne voit que des mines épanouies, et les
étrangers eux-mêmes, entraînés par l'exemple, semblent dire : « La
vie est courte, il faut nous divertir. »

La première fois que je visitai Florence, — il y a fort longtemps
de cela, — j'avais pour guide un artiste de mes amis. Nous étions légers d'années et d'argent ; mais
aussi riches en bonne humeur que les gens du pays. Plein de confiance dans l'intelligence et le goût
de mon compagnon, je me laissais mener docilement où il voulait aller. Un matin, nous nous étions
arrêtés à regarder le campanile de Giotto et les portes de bronze du Baptistère, illustrées par les
charmantes compositions de Ghiberti. Sans me prévenir, mon guide me conduisit à l'église San-
Lorenzo et me fit entrer dans la sombre chapelle des Médicis. Ln ce temps-là, l'invention nouvelle
des réductions n'était pas répandue comme aujourd'hui et la photographie n'existait pas encore. Je
ne connaissais donc les sculptures de cette chapelle que par les dessins et gravures toujours plus ou
moins inexacts. C'était avec préméditation que mon guide me mettait subitement en présence du
vieux Buonarroti. L'état des lieux ne favorisait guère son petit complot'. Le carrelage, en réparation,
était amoncelé dans un coin avec une brouette et des outils. Pas une dorure, pas un ornement sur
les murs, mais beaucoup de poussière. Il ne tenait qu'à nous de nous croire dans un vestibule destiné
à remiser provisoirement des objets d'art, en attendant qu'on leur etit trouvé une meilleure place.
J'éprouvai d'abord un saisissement pénible. Nous venions de contempler, en plein air, des monuments
gracieux éclairés par un soleil splendide. La chapelle des Médicis produisit sur mes yeux et mon
esprit l'effet d'un caveau étroit où le génie de Michel-Ange vivait enfermé. Le contraste était
brusque ; il me fallait le temps de m'y accoutumer. Ce ne sont pas des impressions simples que celles
causées par la vue d'une œuvre d'art où toute la science et l'habileté du maître sont au service d'un
esprit profondément mystique. La pensée qui respire dans le double monument élevé aux Médicis a
tant de grandeur et de sévérité qu'elle m'inspira d'abord une sorte de frayeur. L'admiration ne vint
qu'ensuite.

Mon compagnon jouissait de ma surprise. Après un moment de silence : — Je vois avec plaisir,
me dit-il, que vous ressentez la même impression que moi. Ici, on a fini de rire. Regardez la statue de
Laurent le Magnifique. Il pense, et nous invite à la réflexion. Les quatre figures couchées représen-
tent les quatre phases du jour, c'est-à-dire le temps dans sa marche éternelle, car Michel-Ange vous
ramène toujours à l'idée de l'infini. Ne trouvez-vous pas qu'il y a dans cette belle œuvre quelque chose
de sombre et de chagrin qui rappelle les violences et la méchanceté du siècle où vivait l'artiste? Un
proverbe populaire disait alors qu'il n'était pas prudent de manger chez un Médicis, de boire chez un
Borgia ni de dormir chez un Sforza. De ces deux princes dont voilà les images, l'un est tombé assassiné
en plein jour, l'autre n'a échappé au poignard des conspirateurs qu'en luttant contre eux avec énergie.
Au moment où Michel-Ange achevait ce travail, Florence perdait sa liberté. Charles-Quint imposait
 
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