LA CARICATURE ANGLAISE
CONTEMPORAINE
LE PUNCH.
LA SATIRE POLITIQUE.
(fin i.)
n faisant son apparition sur la scène du monde, le Punch avait indiqué
ainsi sa ligne politique : « Punch n'a pas de préjugés de parti ; il sera
conservateur dans son opposition avix fantoccini et aux marionnettes
politiques ; mais, désirant des réformes sagement progressives, il sera
whig avant tout. » Ces engagements ont été tenus, et, quoique la nuance
démocratique du journal, très-tranchée, très-accentuée à l'origine, se soit
par la suite et en de certains moments sensiblement adoucie, on peut
dire que le Punch ou le Charivari de Londres, comme lui-même s'appelle,
a constamment défendu la cause libérale.
Ennemi des partis extrêmes, il les combat tour à tour par le crayon
et l'épigramme; frondeur par nature, il se moque à peu près de tout le monde, mais sa malicieuse
gaieté éclate surtout devant le spectacle des ambitieux qui changent à chaque instant d'opinion.
Ceux-ci, qu'ils soient ministres ou membres du Parlement, sont représentés en danseurs de corde,
en saltimbanques, etc. M. Disraeli, par exemple, qui, en sa qualité de tory, n'a pas l'avantage de jouir
des bonnes grâce du Punch, apparaît tantôt sous la forme d'un caméléon, tantôt en clown ou en
Léotard qui fait semblant de tomber et se redresse prestement sur ses pieds, ou bien en acteur chan-
geant sans cesse de costume et de masque.
Dès le début la feuille satirique montra que son indépendance irait jusqu'aux dernières limites
permises. Robert Peel étant arrivé au pouvoir avait exigé que la Reine congédiât tous les officiers de la
couronne ainsi que ses serviteurs. Si fortes étaient les défiances du nouveau ministre pour les influences
de la cour, si vives ses appréhensions contre l'entourage royal opposé à son autorité, qu'il demanda
même le renvoi des dames d'honneur de la reine Victoria. Ces prétentions semblèrent exorbitantes au
Punch qui s'en amusa d'une piquante façon, et s'étonna que, pour gouverner l'Etat, Robert Peel eût
besoin d'exercer son pouvoir jusque dans la chambre à coucher de la Reine. « Qui sait, disait-il, quel
sinistre avis, par une ingénieuse disposition des épingles Royales, peut être donné à la pelote Royale ?
Quel ministre peut répondre du repos de la Royauté, s'il ne lui est pas permis de faire le lit de la
Royauté ? Comment peut-il être assuré que la Royauté aura un extérieur convenable, s'il ne peut, de
ses mains déléguées, garnir de dentelles le corset de la Royauté ? S'il n'a la clef de la chambre à cou-
cher, notre ami Peel pourra-t-il être rendu responsable de la santé de la Princesse ? » La gravure repré-
sentait Robert Peel en Hercule, arrachant John Russell (Thésée) de son rocher, le banc ministériel.
Peu de temps après, dans un moment de famine, le duc de Wellington ayant dit qu'en Angleterre
« un pauvre homme sobre et industrieux est certain d'acquérir de l'aisance », le Punch réplique
vertement : « Si les haillons et la faim adressaient leur prière au ministre, quelle serait la réponse du
duc de Wellington ? — Vous êtes des buveurs et des paresseux ! — Le duc ne connaît pas plus l'Angle-
terre qu'un Irlandais dans son traîneau, si telle est sa manière de penser; et s'il n'a fait entendre
i. Voir tome I, page 293, tome II, page 300, et tome III, page 277.
CONTEMPORAINE
LE PUNCH.
LA SATIRE POLITIQUE.
(fin i.)
n faisant son apparition sur la scène du monde, le Punch avait indiqué
ainsi sa ligne politique : « Punch n'a pas de préjugés de parti ; il sera
conservateur dans son opposition avix fantoccini et aux marionnettes
politiques ; mais, désirant des réformes sagement progressives, il sera
whig avant tout. » Ces engagements ont été tenus, et, quoique la nuance
démocratique du journal, très-tranchée, très-accentuée à l'origine, se soit
par la suite et en de certains moments sensiblement adoucie, on peut
dire que le Punch ou le Charivari de Londres, comme lui-même s'appelle,
a constamment défendu la cause libérale.
Ennemi des partis extrêmes, il les combat tour à tour par le crayon
et l'épigramme; frondeur par nature, il se moque à peu près de tout le monde, mais sa malicieuse
gaieté éclate surtout devant le spectacle des ambitieux qui changent à chaque instant d'opinion.
Ceux-ci, qu'ils soient ministres ou membres du Parlement, sont représentés en danseurs de corde,
en saltimbanques, etc. M. Disraeli, par exemple, qui, en sa qualité de tory, n'a pas l'avantage de jouir
des bonnes grâce du Punch, apparaît tantôt sous la forme d'un caméléon, tantôt en clown ou en
Léotard qui fait semblant de tomber et se redresse prestement sur ses pieds, ou bien en acteur chan-
geant sans cesse de costume et de masque.
Dès le début la feuille satirique montra que son indépendance irait jusqu'aux dernières limites
permises. Robert Peel étant arrivé au pouvoir avait exigé que la Reine congédiât tous les officiers de la
couronne ainsi que ses serviteurs. Si fortes étaient les défiances du nouveau ministre pour les influences
de la cour, si vives ses appréhensions contre l'entourage royal opposé à son autorité, qu'il demanda
même le renvoi des dames d'honneur de la reine Victoria. Ces prétentions semblèrent exorbitantes au
Punch qui s'en amusa d'une piquante façon, et s'étonna que, pour gouverner l'Etat, Robert Peel eût
besoin d'exercer son pouvoir jusque dans la chambre à coucher de la Reine. « Qui sait, disait-il, quel
sinistre avis, par une ingénieuse disposition des épingles Royales, peut être donné à la pelote Royale ?
Quel ministre peut répondre du repos de la Royauté, s'il ne lui est pas permis de faire le lit de la
Royauté ? Comment peut-il être assuré que la Royauté aura un extérieur convenable, s'il ne peut, de
ses mains déléguées, garnir de dentelles le corset de la Royauté ? S'il n'a la clef de la chambre à cou-
cher, notre ami Peel pourra-t-il être rendu responsable de la santé de la Princesse ? » La gravure repré-
sentait Robert Peel en Hercule, arrachant John Russell (Thésée) de son rocher, le banc ministériel.
Peu de temps après, dans un moment de famine, le duc de Wellington ayant dit qu'en Angleterre
« un pauvre homme sobre et industrieux est certain d'acquérir de l'aisance », le Punch réplique
vertement : « Si les haillons et la faim adressaient leur prière au ministre, quelle serait la réponse du
duc de Wellington ? — Vous êtes des buveurs et des paresseux ! — Le duc ne connaît pas plus l'Angle-
terre qu'un Irlandais dans son traîneau, si telle est sa manière de penser; et s'il n'a fait entendre
i. Voir tome I, page 293, tome II, page 300, et tome III, page 277.