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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 1.1875 (Teil 3)

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XXXVI.

HISTOIRE DES EVENTAILS CHEZ TOUS LES PEUPLES ET
A TOUTES LES EPOQUES, par M. S. BLONDEL. 1875. Un
vol. — Chez Renouard.

es amateurs d'art et de curiosité se souviennent
peut-être de la fameuse exposition d'éventails or-
ganisée à Londres, en 1870, sur l'initiative de la
\) Reine Victoria : c'est en lisant, par hasard, dans
un journal un article sur ce sujet qu'un jeune
érudit, M. S. Blondel, prit tout à coup la résolution d'écrire le
volume qu'il livre aujourd'hui au public.

Voilà comment naissent les bonnes idées! Ainsi il a fallu
qu'un reporter laissât négligemment tomber de sa plume une
phrase comme celle-ci : « Ce serait une histoire curieuse à
écrire que celle des éventails «, pour inspirer à un jeune écri-
vain la volonté de composer cette histoire! N'est-il pas surpre-
nant qu'on n'ait pas songé plus tôt à parler en détail de ce petit
meuble aimable et délicat, si gracieux et si perfide, qui joue un
rôle immense dans l'artillerie féminine? N'était-ce point là un
sujet attrayant pour un critique d'art? 11 y fallait sans doute une
plume exercée, une érudition sûre et souple, de l'élégance et de
la finesse; il fallait pouvoir raconter, avec le charme de Nodier,
des anecdotes piquantes, ou bien analyser avec la netteté péné-
trante d'un Balzac les mille nuances de la coquetterie, se tradui-
sant par le jeu de l'éventail; il fallait... Mais à quoi bon énu-
mérer les difficultés du sujet ? Chacun pourrait dans sa propre
pensée en imaginer de nouvelles et cela ne ferait point l'analyse

donna à la reine Louise de Lorraine, pour ses étrennes, un éven-
tail de nacre d'une valeur de plus de douze cents écus qui repré-
senteraient aujourd'hui 24,000 francs. On voit que déjà à cette
époque on recherchait le luxe pour ces sortes d'objets.

Avec le xvir siècle s'ouvre véritablement en France le règne
de l'éventail ; l'éventail devient l'emblème de la coquetterie, le
roi des salons. On raconte que, lorsque Christine de Suède vint
à la cour de Louis XIV, quelques grandes dames, pour faire
preuve d'amabilité, lui demandèrent si elles devaient adopter la
coutume de porter l'éventail en hiver comme en été. Christine
n'aimait pas les femmes, comme on sait, et s'inquiétait peu des
questions de mode; elle répliqua grossièrement : « Je ne crois
pas : vous êtes assez éventées sans cela. »

Les dames de la cour se vengèrent en mettant l'éventail en
faveur en toute saison. L'industrie s'en répandit et produisit des
artistes extrêmement habiles. On peut voir, d'après le dessin de
l'éventail qui fait partie de la belle collection de M"'e Achille
Jubinal et que nous empruntons au livre de M. Blondel, à quel
degré de perfection étaient arrivés les éventaillistes de cette
époque. « Cet objet d'art unique, dit M. Blondel, représente le
roi Louis XIII jouant au colin—maillard avec les quatre parties du
monde. La peinture, du plus grand style comme composition et
comme dessin, offre encore aujourd'hui un coloris extraordinai-
rement chaud de ton, qui révélerait peut-être la présence à
Paris d'artistes vénitiens adonnés exclusivement a la peinture
d'éventails. »

L'éventail devint le complément obligé d'une toilette fémi-
nine. Dans cette cour brillante et oisive de Louis XIV où l'on
respirait une atmosphère d'amour et de galanterie, il fut aux
mains déliées des duchesses une arme, un symbole, une machine

du livre de M. Blondel. d'État. Il eut, comme les diplomates, un langage à lui, que toute

L'éventail est un de ces objets auxquels les savants consa- ; femme dut apprendre pour pénétrer dans un salon; il sut rendre

crent cette phrase connue : 1 II remonte à la plus haute anti- ; toutes ies nuances de la passion. Il fut un appui, une espérance,

quité. » Il n'est pas prouvé, en effet, que le premier soin de j m conseil, une promesse, un refus, une menace, un pardon. Il

notre mère Ève, en naissant à la vie, ne fut pas d'étendre la main fut propre à tout : a la paix, à la guerre, à la tendresse, à l'en-

pour détacher d'une plante voisine quelque feuille large et odo- jouement, à la malice, à la grimace. Que de choses sut exprimer

riférante dont elle se fit un éventail. Les Indiens, les Égyptiens, : l'éventail dans les mains gracieuses et intelligentes d'une M™* de

les Chinois et tous les peuples d'antique origine, qui eurent à se ! Sévigné, d'une duchesse de Chevreuse, d'une M™ de Longue-

défendre de la chaleur, ont fait des éventails, d'abord avec des
feuilles de lotus ou de palmier, puis avec des plumes de paon, des
bois de senteur, des matières précieuses. Aujourd'hui encore ce sont
les Chinois et les Japonais qui fabriquent les plus riches objets
de ce genre. Il y en a de toutes les formes. Notre collaborateur,
M. Ph. Burty, excellent connaisseur des arts orientaux, possède
un éventail japonais de fer ciselé, qui paraît dater de la fin du
xviu'' siècle et qui est de la plus grande beauté. C'est du Japon
aussi que nous sont venus les éventails plissés ; ceux qu'on
faisait avant étaient carrés ou demi-circulaires, demi-elliptiques
ou bien de la forme des queues de faisan.

Les dames grecques se servirent surtout d'éventails de plume;
à Rome, le meuble-bijou fut un objet de grand luxe. Il y avait
des esclaves chargés de l'agiter doucement dans les festins der-
rière les convives. En France, les éventails furent connus de

ville ou d'une Montespan

Sur les yeux, ce rempart fragile
A la pudeur semble ouvrir un asile,

Et sert la curiosité.
En glissant un regard entre ses intervalles,
D'un coup d'oeil juste 011 peut, en sûreté,
Observer un amant, critiquer des rivales;
On peut par son secours, en jouant la pudeur,

Tout examiner, tout entendre,

Rire de tout sans alarmer l'honneur.
Son bruit sait exprimer le dépit, la fureur ;
Son mouvement léger un sentiment plus tendre.
L'éventail sert souvent de signal à l'amour,

Met un beau bras dans tout son jour...

Qu'en se représente une grande salle du palais de Versailles,

bonne heure et les dames de haute noblesse en possédèrent de dans ce temps de fêtes^ de luxe, d'amour et d'intrigue. Voyez

fort riches au moyen âge ; on leur donnait le nom à'esmouchoir. cet essaim de femmes charmantes et coquettes dont les éventails

Ce fut surtout Catherine de Médicis qui mit à la mode « le | en s'agitant doucement font une sorte d'accompagnement musical

bijou, léger ». L'éventail qu'elle apporta d'Italie se pliait comme j à leur conversation. L'une s'exprime avec douceur et politesse;

les éventails de nos jours. Henri III en fit usage. Pierre de mais son éventail, qui se balance nonchalamment, traduit l'ironie

l'Estoile nous raconte qu' a on mettait, à la main droite du roy, j et le sarcasme. Celle-ci repousse avec hauteur les tendres hom-

un instrument qui s'estendoit et se replioit en y donnant seule- j mages d'un respectueux cavalier; mais son éventail donne un

ment un coup de doigt... Il estoit d'un velin aussi délicatement rendez-vous. Celle-là caresse sa poitrine entr'ouverte; cette autre

découpé qu'il estoit possible, avec de la dentelle à l'entour de ' frappe nerveusement son genou. L'éventail serpente, se ploie,

pareille étoffe ». La reine Marguerite, quelques années plus tard, j se déploie, s'agite, se renverse, s'abaisse; il loue, il encourage.
 
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