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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 1.1875 (Teil 3)

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Claretie, Jules: Diaz
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https://doi.org/10.11588/diglit.16676#0224

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DIAZ

l faut aimer en art ceux qui aiment la vie, et ceux qui, l'aimant, la traduisent d'une
façon personnelle sans recourir au pastiche, à l'imitation, sans se traîner dans la
routine à la remorque des prédécesseurs. Les Corot, les Th. Rousseau, les Jules
Dupré, les Paul Huet, qui renouvelèrent le paysage, qui allèrent droit, il y a qua-
rante ans, à la nature, naturel naturans, disait Th. Thoré, seront toujours nos
maîtres préférés. Etre original est à coup sur la première qualité d'un artiste,
et parmi les peintres de ce temps, nul, à coup sûr, n'est plus original que Diaz et
n'a eu une palette plus à lui. Son verre est assez grand, il est fort joliment ciselé et Diaz boit dans son
verre. On a pu dire de lui qu'il ne devait rien aux maîtres qui l'avaient précédé et qu'il enseignerait
peu de chose à ceux qui le suivront. En effet, un tel créateur n'enseigne pas les secrets de son
tempérament et de ses bonnes fortunes. Il est né tel qu'il est, ne demandant rien à la tradition, fuyant
l'Académie, aimant la nature, certes, mais la voyant à travers sa lorgnette, comparable tantôt à
Chardin et tantôt à Tiepolo, possesseur d'un rayon du soleil de Claude Lorrain et de la légèreté de
Watteau; en un mot obéissant à sa fantaisie, artiste jusqu'aux ongles et artiste indépendant, prime-
sautier, capricieux, coloriste comme personne, et, bref, pour tout dire, magistral.

L'Art publiait naguère une reproduction par l'eau-forte de ce tableau de Diaz, Chevaux dans la
prairie, qui, gravée, donne l'impression saisissante et mélancolique d'un steppe et dont la couleur est
vive au contraire, ardente et joyeuse. Rien de j>lus clair et de plus lumineux que cette mare où
viennent s'abreuver les chevaux. Les lignes fermes de ce vaste paysage, cette solitude qu'on dirait
emplie du hennissement des cavales et des souffles du vent, tout vous retient à la fois et vous charme.
On comprendrait peu que le peintre habituel des nymphes, des amours et des Vénus, eût sur sa palette
de semblables paysages, si l'on ne savait que, pour Diaz comme pour certains tempéraments féconds et
prodigues, il n'y a pas de spécialité, point de coin où l'artiste parque étroitement son talent comme
une chèvre au poteau. Tout au contraire, Diaz laisse librement courir sa verve au gré de son caprice.
Il peint, avec le même amour, tantôt un hêtre du Bas-Brëau, tout illuminé de soleil, tantôt une
Diane au bain, séduisante et étrange comme une apparition, tantôt des chiens sous bois, tantôt encore
une Odalisque qui semblerait sortie du harem de Delacroix. J'aime cette variété dans le pinceau d'un
artiste. Il semble que le talent soit deux fois admirable lorsqu'il a l'élan, la grâce facile et l'inspi-
ration multiple. « Une forêt, nous disait un jour M. Victor Hugo, ne fait pas pousser d'abord un
chêne, puis un tremble, puis un orme, elle fait tout pousser à la fois, comme d'un seul jet puissant, et
c'est pour cela qu'elle est une forêt. »

Diaz, dont le talent semble, malgré la prodigalité du peintre, rajeuni et plus vigoureux chaque jour,
a cependant dépassé depuis plusieurs années la soixantaine. Il a bien près de soixante-huit ans aujotir-
d'hui; mais, sec, intrépide et solide, il n'interrompt point son labeur et, avec une verve égale à celle de
sa jeunesse, il évoque sur la toile, en les peuplant parfois de visions corrégiennes, les paysages puissants
de la forêt de Fontainebleau. A voir les toiles dernières du peintre, ces dessous de bois aux feuilles
dorées par le soleil ou pourries par l'automne, ces étangs immobiles, ces allées profondes et vertes, ces
troncs noueux et couverts de mousse, morceaux pleins de vigueur et de couleur, qui croirait que Nar-
cisse Virgilio Diaz est né le 20 août 1808 et qu'il marche, à peu d'années près, avec le siècle qui
décline?

M. Diaz a vu cependant le jour, à cette date, à Bordeaux, où son père Thomas Diaz de la Pena,
bourgeois de Salamanque, s'était réfugié après avoir été chassé d'Espagne par le roi Joseph contre
lequel il conspirait. Thomas Diaz devait bientôt quitter la France, passer en Norwége, puis en Angle-
terre, et mourir à Londres, loin des siens, laissant sa veuve Maria Belasco à Bordeaux, toute prête à
 
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