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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 1.1875 (Teil 3)

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Ballu, Roger: Le Colysée
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https://doi.org/10.11588/diglit.16676#0388

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LE COLYSÉE

l y a trois siècles environ, par une nuit d'hiver claire et rayonnante, on
trouva au milieu des ruines du Colysée couvertes de neige un homme
déjà vieux qui semblait anéanti dans l'extase.

Cet homme était Michel-Ange : il travaillait alors à la coupole de
Saint-Pierre. Chargé par le pape Paul III de couronner l'œuvre de Bra-
mante et de Raphaël, il était venu devant cet incomparable témoin de la
puissance antique, imprégner son esprit de grandeur, et donner à son
imagination un essor plus large et un vol plus haut.

Que dire d'une ruine capable de remuer l'àme de Michel-Ange?
Avant de décrire l'architecture de l'édifice, il convient de faire un effort
pour reproduire l'impression imposée... Le soleil brille, Rome est magnifiquement inondée de trans-
parence. La place du Forum reçoit une lumière si éclatante qu'elle paraît toute blanche. Les
ruines qui l'entourent se détachent sur le ciel d'un ton chaud et projettent sur le sol des ombres vigou-
reuses. Oh! les belles ombres!... Cependant'on met le pied sur la voie sacrée : voilà le sol antique;
les sandales romaines se sont usées sur ces dalles polygonales. L'on songe au Colysée que l'on va voir.
L'arc de Titus ranchi, il va apparaître tout entier. Les photographies, les descriptions abondent,
elles sont connues de tous. On s'efforce de deviner, on se monte l'imagination pour ne pas être
surpris... Mais voilà qu'on lève la tête et on s'arrête court.

Il y a de l'accablement dans l'impression première. Cette immensité d'une couleur jaunâtre est
formidable; jamais monument au monde n'a donné une pareille sensation du grand. C'est un colosse,
— Colosseo — le nom dit vrai. Le regard circule sur ces hauteurs, car il lui est impossible d'embrasser
d'un seul coup l'ensemble. Dans la partie supérieure s'ouvrent de grands trous symétriques à travers
lesquels l'on aperçoit des carrés d'azur : cette note bleue paraît exquise. La pureté de l'atmosphère
est telle que les lignes ont une netteté puissante; aucune vapeur ne vient amollir leurs contours. Les
formes bizarres, les pans de murs déchiquetés, les dentelures dessinées çà et là par de petits, éboule-
ments se découpent sur le ciel et s'enlèvent en clartés lumineuses. Il faut voir comme au milieu de
cette limpidité étincelante le Colysée monte superbement dans le soleil!

Ce n'est pas seulement au ciel de Rome que ce monument doit son aspect grandiose, c'est
encore à la simplicité de son architecture. Point d'ornements inutiles : ici, un mépris évident de cette
décoration qui sacrifie au joli du détail la beauté de l'ensemble. Mieux que tous les artistes du monde,
les Romains savaient que la première condition de la vraie grandeur est la simplicité, et jusqu'au
jour de la décadence, ils ont conservé ce principe dans leur art, comme dans leurs lois, leur morale
et leur politique. Ce courage d'être simple est commun à Cincinnatus et à l'architecture du Colysée. La
façade extérieure est enveloppée de trois rangées d'arcades superposées et formant trois étages
séparés les uns des autres par des colonnes engagées. Au-dessus, s'élève un mur plein au grand
attique orné de pilastres corinthiens et percé de fenêtres à des intervalles réguliers. Le premier ordre
est dorique, le second ionique, le troisième et le quatrième corinthiens. Les arcades du rez-de-chaussée
servaient toutes de portes d'entrée qui, au moyen d'escaliers intérieurs, conduisaient aux portiques
supérieurs et aux gradins de l'amphithéâtre. Le Colysée a été presque en entier construit avec des
blocs de travertin, pierre jaunâtre et percée comme le tuf. Chaque étage comprend quatre-vingts
arcades et autant de demi-colonnes. La circonférence totale est de mille six cent quarante et un pieds,
la hauteur de cent cinquante - six pieds un pouce un tiers... Mais à quoi bon donner des
chiffres? Ici, ils n'ont pas d'éloquence. 11 est de ces grandeurs qui ne s'évaluent pas et je plaindrais
 
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