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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 1.1875 (Teil 3)

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XL.

LA MUSIQUE ANTIQUE. Histoire et théorie de la musique
de l'antiquité, par Fr. Aug. Gevaert, Ier volume. Gand,
187J, typographie C. Annoot-Braeckman.

lercs»- l manque aux anciens, dit Taine, d'être commentés par
k^ùO ^es art'stes; jusqu'à présent ils ne l'ont été que par des
KsaS érudits de cabinet1. »

Ni les artistes ni les érudits n'ont fait défaut à la musique
antique. C'est plutôt la musique antique qui a fait défaut aux uns
et aux autres, car ce qui nous en reste est bien peu de chose. Ce
sujet difficile, fugace, presque insaisissable a passionné depuis
trois siècles un grand nombre d'hommes distingués, éminents ;
mais le plus souvent c'étaient ou bien des érudits de profession,
amateurs de musique, ou bien des musiciens amateurs d'érudi-
tion, alors que les questions délicates et mystérieuses qui se rat-
tachent à la musique de l'antiquité exigent impérieusement un
mélange de spécialités presque inimaginable, une connaissance
approfondie de la technique, de la pratique et de l'histoire de la
musique depuis la disparition de l'art ancien, et une érudition
réelle, une initiation philologique complète, sans parler d'un peu
de cette divination sans laquelle on ne refait pas l'histoire du
passé, l'histoire de l'art, moins que tout autre. Môme après tant
de remarquables travaux qui ont paru depuis quelques années et
qui, sous l'influence des nouvelles méthodes de critique scienti-
fique, ont fait faire d'incontestables progrès à l'étude de cette
branche de l'histoire de la musique, même après les géniales
recherches dont la métrique et la rhythmique des compositions
lyriques et tragiques de l'ancienne Grèce ont fait l'objet, surtout
en Allemagne, il y avait place pour un travail d'ensemble sur
l'histoire et la théorie de la musique de l'antiquité. Cette lacune
est maintenant à demi comblée ; elle le sera bientôt tout à fait. Ce
travail existe. Nous en possédons la première partie, la plus
importante, celle du moins qui semblait offrir le plus de diffi-
cultés. Il se peut que ce ne soit pas encore une œuvre définitive,
car l'esprit humain ne s'arrête pas ; la science ne connaît point de
nec plus ultra ; l'histoire se réforme et se transforme sans cesse.
Mais c'est du moins un immense progrès accompli; c'est non-
seulement une coordination méthodique de toutes les données
acquises, de tous les faits prouvés, mais encore une critique
judicieuse de tous les éléments incertains du problème, et une
révélation rationnelle de quantité de faits nouveaux et insoup-
çonnés. A ce point de vue, le livre dont nous nous occupons est
particulièrement intéressant. L'auteur est allé bien au delà des
espérances qu'on avait mises en lui, et sur le terrain parcouru
par ses devanciers il a fait une telle enjambée que . d'ici à long-
temps il est tout à fait improbable qu'on le distance et même
qu'on le rattrape.

Le savant directeur du Conservatoire de Bruxelles, M. Ge-
vaert, à qui nous devons ce bel ouvrage, était mieux que personne
à même d'entreprendre et de mener à bonne fin une tâche aussi
complexe. A peine est-il besoin de dire qu'il est musicien, non-
seulement croyant, mais encore pratiquant, c'est-à-dire à la fois
théoricien et compositeur. Si ses compositions n'ont que de loin-
tains rapports avec les odes de Pindare ou les drames lyriques
d'Euripide, elles n'en sont pas moins d'un artiste de valeur ayant
l'amour et le respect de son art. Il aurait le droit de dire, en
s'appropriant avec une légère variante le mot célèbre de Térence :
Musicus sum} mhil musici a me alienum puto. Rien de ce qui

1. Voyage en Italie, a" édition, Paris, 1874. Hachette. Tome I", page 131.

est musique ou de ce qui touche à la musique ne lui est étranger.
Connaître à fond les mystères de l'harmonie, de la fugue, du
contre-point et de l'instrumentation, cela n'est rien encore, bien
que ce ne soit pas le fait de tout le monde, même en ce siècle
où l'on prétend que la musique savante court les rues tandis que
le pont-neuf se fait rare. Ce n'est là que l'a, b} c, des connais-
sances de M. Gevaert qui, avant le livre qu'il vient de publier,
avait travaillé en érudit et en artiste l'histoire de son art, et en
avait tiré d'intéressantes et curieuses découvertes. Rappelons
notamment ses travaux sur le plain-chant, sur les anciennes
écoles italiennes, et les ingénieuses recherches qui l'ont amené à
signaler dans des compositions antérieures à Monteverde les
inventions harmoniques qui passaient pour être, un beau jour et
sans préparation, sorties de la cervelle de ce maître, tout armées
de dissonances, comme Minerve du crâne de Jupiter, et qui lui
avaient valu la réputation de fondateur inconscient de l'harmonie
moderne et de la musique dramatique. Les discussions qui
s'élevèrent à ce sujet ne sont pas sans analogie avec les polémiques
ardentes auxquelles a donné lieu la question de savoir si les Grecs
ont connu, deviné ou ignoré l'harmonie simultanée des sons. Et,
pour le dire en passant, cette question si passionnément débattue
depuis trois siècles, M. Gevaert, qui la considère comme résolue
et qui a ses raisons, ne se donne pas la peine de la discuter à
nouveau; il fait mieux, il montre l'harmonie des Grecs telle
qu'elle était, ou du moins telle qu'elle devait être. C'est une
oeuvre de restitution, de reconstruction. Tel est du reste le
caractère du livre tout entier. M. Gevaert est le Champollion des
hiéroglyphes de la musique antique, le Cuvier de ses fossiles.
Aidé des travaux de ses prédécesseurs, auxquels il rend loyale-
ment hommage, et qu'il complète en les éclairant des lumières de
l'art, il refait l'histoire et la théorie de la musique antique.
Interrogeant les restes de cet art, tirant surtout un merveilleux
parti des chants liturgiques des premières églises chrétiennes, où
cet art se réfugie et se conserve, il s'en faut de peu qu'il ne
ressuscite la musique grecque de l'époque classique, et ne récrive
les chants dont les tragiques et les lyriques ornaient leur poésie,
cette poésie qui, selon l'expression de l'auteur, est déjà de la
musique.

Le passage suivant de la préface donne une idée générale du
plan de l'ouvrage et de l'esprit qui Fa dicté, et en fait ressortir
tout l'intérêt :

« L'origine de ce livre remonte à 1865, époque où l'admirable
ouvrage de Westphal sur la métrique grecque parvint à ma
connaissance. La musique des anciens, que j'avais considérée
jusque-là comme un sujet absolument dénué d'intérêt, m'apparut
tout à coup sous un jour nouveau : j'y vis un objet d'étude atta-
chant et digne de toute l'attention du musicien. Avec une ardeur
égale à mon indifférence première, je me mis promptement au
courant des travaux modernes consacrés à cette partie de l'éru-
dition musicale. Bientôt me vint l'idée de communiquer le résultat
de mes lectures à mes confrères parisiens, ce que je fis dans
quelques entretiens qui eurent lieu chez M. Aug. Wolff. Plus
tard, je m'engageai à rédiger un résumé de ces conversations
familières, sous forme d'un précis de la théorie musicale de l'an-
tiquité; mais, dès que j'eus mis la main à l'œuvre, je m'aperçus
qu un abrégé aussi incomplet serait insuffisant à dissiper des pré-
jugés qui avaient été si longtemps les miens. Dès lors, la pensée
d'entreprendre un travail d'ensemble sur la musique grecque
devint chez moi un projet arrêté. Les loisirs forcés que me créè-
rent les terribles événements de 1870, en me ramenant au pays
natal, me permirent de pousser à fond l'étude des sources origi-
 
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