COURRIER DES ÉTATS-UNIS
(Correspondance t
La réunion de tableaux qui se voie à l'Exposition de l'Etat de
l'Illinois, en ce moment ouverte à Chicago, est de beaucoup la
meilleure qui se soit jamais produite dans l'Ouest, et, sous plus
d'un rapport, une des plus belles que l'on ait jamais organisées
aux Etats-Unis. Les tableaux, qui ne montent pas à moins de huit
cent cinquante-huit, sont répartis dans six galeries construites
spécialement pour les exhibitions artistiques ; la lumière y est
parfaitement distribuée. Une particularité intéressante, c'est que
l'on a rassemblé par groupes les œuvres des artistes les plus émi-
nents ; cette disposition, qui a été réalisée avec beaucoup de
goût, permet aux visiteurs de se rendre bien mieux compte des
mérites de chaque maître que si leurs toiles étaient disséminées
dans les diverses salles.
Plus de cent soixante artistes sont représentés. Trente-huit
des quatre-vingt-dix membres de l'Académie Nationale figurent
parmi les exposants, ainsi que vingt académiciens agrégés (Associate
Academicians). New-York est représentée par soixante-quatre
artistes, Boston par dix-huit, Baltimore par cinq, tandis que
l'Ouest en compte soixante-dix-sept, la plupart fixés à Chicago
et dans ses environs.
Dans une communication laconique comme celle-ci, il ne faut
pas songer à donner une description détaillée de l'Exposition. Si
vous me demandez cependant de vous signaler les cadres qui
attirent le plus l'attention, je vous indiquerai le Soir à Medway,
par Inness ; le Lac Champlain, par R. W. Hubbard; les Collines
blanches {White Hills) en octobre, par Shattuck ; l'Eté en Cali-
fornie, par Bierstadt; le Dimanche en Devonshire, par Bellows;
un Clair de lune, par De Haas; Portrait du poète Bryant, par
Le Clear; San Giorgio à Venise, par Gifford; North Convay, par
feu Kensett ; Automne, par Mac Entée; la Croix et la Couronne.
trois peintures allégoriques par feu Thomas Cole; Vaches traver-
sant un gué, par William Hart; Epuisé! par W. H. Beard ;
quatre cadres consacrés à divers épisodes de la Pèche au saumon,
par Brackett; Catskill, par Casilear; la Veille de Noël en Italie,
par Whittredge. Je pourrais ajouter d'autres noms dignes de la
même mention, mais ces simples énumérations sont d'un médiocre
intérêt pour le lecteur.
Cette Exposition, qui est un véritable événement dans la vie
artistique de notre Ouest, doit être d'une grande influence sur
culiere de l'Art.)
Chicago (Illinois), 16 septembre 1875.
l'esprit public. C'est réellement la première d'un mérite supérieur
à laquelle le peuple de cette partie de la nation ait jamais été
convié. Des milliers de visiteurs voient pour la première fois de
bons tableaux. Il va sans dire que parmi tant d'ouvrages exposés,
il s'en trouve beaucoup de qualité inférieure ; mais on y ren-
contre des spécimens de ce qui a été produit de meilleur en
Amérique. Dans un grand centre comme le nôtre, l'influence de
ces œuvres d'élite doit se traduire en un développement de l'édu-
cation esthétique.
Il est bien connu qu'il n'existe rien en Amérique qui res-
semble à une Ecole nationale en fait d'art; on chercherait en
vain parmi nos meilleurs peintres ce lien puissant qui se recon-
naît à des similitudes d'exécution ou à une même manière d'in-
terpréter la nature. Chacun tend à son but suivant ses aspirations
personnelles ou selon que son goût a été impressionné par ses
études à l'étranger. Quelques -uns ont la passion des vastes toiles
comme Church et Bierstadt, tandis que d'autres, Gay et Arthur
Porton, par exemple, créent de tout aussi bons ouvrages eu se
confinant dans de petites dimensions. Mac Entée a la spécialité
des scènes d'hiver; Beard se recommande comme animalier;
William et James Hart conquièrent l'admiration par la nature
calme et recueillie de leurs paysages ; Hubbard et Shattuck ont
la passion des scènes puissantes, vigoureuses ou violentes de
la nature. Winslow Horner est d'un réalisme tel qu'il doit plaire
aux préraphaélites. Cropsey se complaît dans les splendeurs des
automnes américains; Kensett est le meilleur peintre de nos
côtes; la fécondité créatrice d'Inness lui fait traduire plus admi-
rablement que tout autre le sentiment intime de la nature; De
Haas brille surtout par ses marines; Bellows est idyllique et pit-
toresque, Gifford poétique avec une grande profondeur de pen-
sée, et Page, qui est absent de notre exposition, est un très-
remarquable portraitiste.
La foule attentive qui remplit quotidiennement les galeries de
notre Exposition, dont la durée est fixée à trente jours, doit être
un encouragement puissant pour tous ceux qu'intéressent les pro-
grès du goût public dans cette partie si industrieuse et si popu-
leuse des États-Unis.
H. N. Povers.
MONUMENT COMMEMORATIF
DU CENTIÈME ANNIVERSAIRE DE L'INDEPENDANCE DES ÉTATS-UNIS
M. Edouard Laboulaye, président du Comité de l'Union
franco-américaine, nous adresse la lettre et l'appel suivants, que
nous nous empressons d'insérer :
« Paris, 28 septembre.
« Monsieur le Directeur,
• Nous avons l'honneur de vous adresser ci-joint l'appel fait
par le Comité au patriotisme français.
« Vous apprécierez certainement l'esprit de cette œuvre, l'op-
portunité de notre manifestation, l'importance qu'il y a, pour nos
relations avec le peuple américain, à lui prouver combien la
patrie de Lafayette est restée fidèle à ses anciennes traditions.
1 C'est une œuvre patriotique qui a pour but d'honorer la
glorieuse mémoire de nos pères et de resserrer les liens qui nous
unissent à une nation amie ; elle appelle l'intérêt de tous ceux
qui veulent que la France tienne le premier rang dans les souve-
nirs et l'affection des Etats-Unis.
« Nous espérons que la presse, toujours d'accord quand il
s'agit de patriotisme, sera unanime pour nous soutenir.
« Permettez-nous de compter sur votre puissant patronage.
Nous vous prions d'annoncer notre œuvre et de l'appuyer de
façon à a'ssurer son succès.
n Veuillez agréer, etc.
« Pour le Comité de l'Union franco-américaine :
« Le Président,
« Ed. Laboulaye. »
Voici le texte de l'appel adressé au patriotisme français par
le Comité de l'Union franco-américaine :
« L'Amérique va célébrer prochainement le centième anni-
versaire de son indépendance. Cette date marque une époque
dans l'histoire de l'humanité : au nouveau monde, elle rappelle
son œuvre, la fondation de la république; à la France, une des
pages qui font le plus d'honneur à son histoire.
(Correspondance t
La réunion de tableaux qui se voie à l'Exposition de l'Etat de
l'Illinois, en ce moment ouverte à Chicago, est de beaucoup la
meilleure qui se soit jamais produite dans l'Ouest, et, sous plus
d'un rapport, une des plus belles que l'on ait jamais organisées
aux Etats-Unis. Les tableaux, qui ne montent pas à moins de huit
cent cinquante-huit, sont répartis dans six galeries construites
spécialement pour les exhibitions artistiques ; la lumière y est
parfaitement distribuée. Une particularité intéressante, c'est que
l'on a rassemblé par groupes les œuvres des artistes les plus émi-
nents ; cette disposition, qui a été réalisée avec beaucoup de
goût, permet aux visiteurs de se rendre bien mieux compte des
mérites de chaque maître que si leurs toiles étaient disséminées
dans les diverses salles.
Plus de cent soixante artistes sont représentés. Trente-huit
des quatre-vingt-dix membres de l'Académie Nationale figurent
parmi les exposants, ainsi que vingt académiciens agrégés (Associate
Academicians). New-York est représentée par soixante-quatre
artistes, Boston par dix-huit, Baltimore par cinq, tandis que
l'Ouest en compte soixante-dix-sept, la plupart fixés à Chicago
et dans ses environs.
Dans une communication laconique comme celle-ci, il ne faut
pas songer à donner une description détaillée de l'Exposition. Si
vous me demandez cependant de vous signaler les cadres qui
attirent le plus l'attention, je vous indiquerai le Soir à Medway,
par Inness ; le Lac Champlain, par R. W. Hubbard; les Collines
blanches {White Hills) en octobre, par Shattuck ; l'Eté en Cali-
fornie, par Bierstadt; le Dimanche en Devonshire, par Bellows;
un Clair de lune, par De Haas; Portrait du poète Bryant, par
Le Clear; San Giorgio à Venise, par Gifford; North Convay, par
feu Kensett ; Automne, par Mac Entée; la Croix et la Couronne.
trois peintures allégoriques par feu Thomas Cole; Vaches traver-
sant un gué, par William Hart; Epuisé! par W. H. Beard ;
quatre cadres consacrés à divers épisodes de la Pèche au saumon,
par Brackett; Catskill, par Casilear; la Veille de Noël en Italie,
par Whittredge. Je pourrais ajouter d'autres noms dignes de la
même mention, mais ces simples énumérations sont d'un médiocre
intérêt pour le lecteur.
Cette Exposition, qui est un véritable événement dans la vie
artistique de notre Ouest, doit être d'une grande influence sur
culiere de l'Art.)
Chicago (Illinois), 16 septembre 1875.
l'esprit public. C'est réellement la première d'un mérite supérieur
à laquelle le peuple de cette partie de la nation ait jamais été
convié. Des milliers de visiteurs voient pour la première fois de
bons tableaux. Il va sans dire que parmi tant d'ouvrages exposés,
il s'en trouve beaucoup de qualité inférieure ; mais on y ren-
contre des spécimens de ce qui a été produit de meilleur en
Amérique. Dans un grand centre comme le nôtre, l'influence de
ces œuvres d'élite doit se traduire en un développement de l'édu-
cation esthétique.
Il est bien connu qu'il n'existe rien en Amérique qui res-
semble à une Ecole nationale en fait d'art; on chercherait en
vain parmi nos meilleurs peintres ce lien puissant qui se recon-
naît à des similitudes d'exécution ou à une même manière d'in-
terpréter la nature. Chacun tend à son but suivant ses aspirations
personnelles ou selon que son goût a été impressionné par ses
études à l'étranger. Quelques -uns ont la passion des vastes toiles
comme Church et Bierstadt, tandis que d'autres, Gay et Arthur
Porton, par exemple, créent de tout aussi bons ouvrages eu se
confinant dans de petites dimensions. Mac Entée a la spécialité
des scènes d'hiver; Beard se recommande comme animalier;
William et James Hart conquièrent l'admiration par la nature
calme et recueillie de leurs paysages ; Hubbard et Shattuck ont
la passion des scènes puissantes, vigoureuses ou violentes de
la nature. Winslow Horner est d'un réalisme tel qu'il doit plaire
aux préraphaélites. Cropsey se complaît dans les splendeurs des
automnes américains; Kensett est le meilleur peintre de nos
côtes; la fécondité créatrice d'Inness lui fait traduire plus admi-
rablement que tout autre le sentiment intime de la nature; De
Haas brille surtout par ses marines; Bellows est idyllique et pit-
toresque, Gifford poétique avec une grande profondeur de pen-
sée, et Page, qui est absent de notre exposition, est un très-
remarquable portraitiste.
La foule attentive qui remplit quotidiennement les galeries de
notre Exposition, dont la durée est fixée à trente jours, doit être
un encouragement puissant pour tous ceux qu'intéressent les pro-
grès du goût public dans cette partie si industrieuse et si popu-
leuse des États-Unis.
H. N. Povers.
MONUMENT COMMEMORATIF
DU CENTIÈME ANNIVERSAIRE DE L'INDEPENDANCE DES ÉTATS-UNIS
M. Edouard Laboulaye, président du Comité de l'Union
franco-américaine, nous adresse la lettre et l'appel suivants, que
nous nous empressons d'insérer :
« Paris, 28 septembre.
« Monsieur le Directeur,
• Nous avons l'honneur de vous adresser ci-joint l'appel fait
par le Comité au patriotisme français.
« Vous apprécierez certainement l'esprit de cette œuvre, l'op-
portunité de notre manifestation, l'importance qu'il y a, pour nos
relations avec le peuple américain, à lui prouver combien la
patrie de Lafayette est restée fidèle à ses anciennes traditions.
1 C'est une œuvre patriotique qui a pour but d'honorer la
glorieuse mémoire de nos pères et de resserrer les liens qui nous
unissent à une nation amie ; elle appelle l'intérêt de tous ceux
qui veulent que la France tienne le premier rang dans les souve-
nirs et l'affection des Etats-Unis.
« Nous espérons que la presse, toujours d'accord quand il
s'agit de patriotisme, sera unanime pour nous soutenir.
« Permettez-nous de compter sur votre puissant patronage.
Nous vous prions d'annoncer notre œuvre et de l'appuyer de
façon à a'ssurer son succès.
n Veuillez agréer, etc.
« Pour le Comité de l'Union franco-américaine :
« Le Président,
« Ed. Laboulaye. »
Voici le texte de l'appel adressé au patriotisme français par
le Comité de l'Union franco-américaine :
« L'Amérique va célébrer prochainement le centième anni-
versaire de son indépendance. Cette date marque une époque
dans l'histoire de l'humanité : au nouveau monde, elle rappelle
son œuvre, la fondation de la république; à la France, une des
pages qui font le plus d'honneur à son histoire.