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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 4.1878 (Teil 1)

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Jouret, Théodore: L' oeuvre de Rubens à l'Ermitage impérial de Saint-Pétersbourg
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https://doi.org/10.11588/diglit.16908#0253
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2i8 L'ART.

la composition. Leur exécution est assez inégale; et c'est, à coup sûr, Bruxelles et Malines qui
sont l'expression la plus complète et la réalisation la plus achevée de la pensée du peintre. Le
grand tableau de l'Ermitage a évidemment été composé par Rubens, mais l'exécution est œuvre
d'atelier; pourtant, la main habile des élèves, si fidèle qu'elle soit à l'enseignement, à la tradition
de l'école, laisse voir facilement les parties du tableau, — quelques têtes principalement, — où
une brosse prestigieuse a jeté ses touches magistrales, comme un « bon à livrer ».

A côté de cette grande toile se trouve une petite esquisse du même sujet ; esquisse assez
terminée, qui semble avoir été la première idée des Mages de Malines et surtout de ceux de
Bruxelles.

C'est parmi les œuvres d'atelier, plus ou moins surveillées et revues par Rubens, qu'il faut
ranger quatre Vierges glorieuses, de ces tableaux d'autel où la collaboration de « plusieurs »
brosses ne laisse percer la moindre trace de la personnalité — parfois bien tranchée —■ de l'un
ou l'autre de ces grands praticiens de l'école ; œuvres collectives où l'ordonnance générale, la
facture facile, la palette lumineuse sont les marques d'origine, en même temps qu'une figure, çà
et là, quelque patron ou portrait du donataire, semble avoir accroché, au passage, la bonne
fortune d'une retouche du maître.

La part de l'atelier existe aussi, mais en proportions moindres, clans une grande toile, la
Descente de Croix, « répétition » (plus ou moins exacte, plus ou moins heureuse) du tableau
d'Anvers. Cette seconde Descente de Croix a son histoire et sa filiation bien authentiques : la
ville de Bruges fit don du tableau à l'impératrice Joséphine; et c'est de la splendide galerie de
la Malmaison qu'il est allé à Saint-Pétersbourg, escorté d'une trentaine de chefs-d'œuvre de
toutes les écoles, parmi lesquels nous pouvons noter les Arquebusiers d'Anvers, le plus beau des
Téniers, la fameuse Vache de Paul Potter et les quatre merveilleux Claude Lorrain dont les
pareils (s'il en est) sont éparpillés dans quelques galeries de l'Angleterre. Dans la Descente de
Croix de l'Ermitage, la part du maître, je l'ai dit, est largement visible; mais j'avoue sincère-
ment que le terrible souvenir de « l'autre » a rudement pesé sur l'impression ressentie. Que
serait-ce si l'on rapprochait de l'œuvre première cette répétition — authentique — mais affaiblie
et malheureusement négligée dans le point le plus important du tableau : le corps du Christ?

Voici certainement la plus complète et la meilleure de ces compositions religieuses : le Repas
che\ Simon, grand tableau d'apparat comme les aimait Rubens, alors tout plein des souvenirs du
Véronèse dont il rappelle, en ses festins, la large et ingénieuse distribution des groupes, le
mouvement des serviteurs affairés. Le tableau, copié par Van Dyck, et d'une authenticité
reconnue, compte quatorze figures, grandeur nature, parmi lesquelles une Madeleine prosternée,
d'un mouvement superbe, aux pieds du Christ ; un Christ d'une beauté assez rare chez Rubens,
qui ne faisait guère sonner (les cherchait-il beaucoup?) la note surhumaine et l'accent divin; toile
excellente, où le maître revit tout entier, et qui, dans un musée de premier ordre, suffirait
à caractériser la grandeur et l'éclat de Rubens dans la peinture religieuse.

L'Ermitage est plus riche encore en Rubens mythologiques; il y a là cinq tableaux : Vénus
et Adonis, Persée et Andromède, le Triomphe de Bacchus, une Bacchanale, le Tigre, qui comptent
parmi les œuvres les plus accentuées du peintre de la chair. Jamais le grand païen n'a manié et
pétri avec une intensité de vie plus éclatante « les corps souples et charnus, aux épaules satinées,
aux reins cambrés et troués de fossettes... Jamais la peinture n'a été plus loin pour le rendu de
la chair, le grain de l'épiderme et le frisson mouillé dé la lumière ». Qu'on nous permette, pour
essayer de décrire l'indescriptible, d'appeler à notre aide le magique bout de pinceau que
Théophile Gautier1 savait emmancher à sa plume de coloriste.

Le premier de ces tableaux est d'un éclat prestigieux. Le mouvement de la déesse descendant
de son char pour retenir Adonis, est d'une grâce vraiment divine; le beau chasseur n'est pas traité
avec moins d'élégance et de charme que le petit amour qui vient en aide aux efforts de sa mère;
la composition entière, les cygnes attelés au char de Vénus, les chiens d'Adonis (des chefs-

i. Paris-Guide, tome I, page 374, article Le Louvre.
 
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