DOI article:
Carr, J. Comyns: La Royal Academy et la Grosvenor Gallery, [1]
DOI Page / Citation link:https://doi.org/10.11588/diglit.18609#0210
i8o
L'ART.
qualités semblent peu de nature à soulever des oppositions violentes. Et cependant c'est à elles
que Sir Frederick Leighton a dû de se trouver en butte à une attaque quelque peu extraordi-
naire. Lord Ronald Gower, qui a ajouté à ses fonctions variées celle de moraliste, a protesté
dernièrement, en termes pleins de virulence, contre ce qu'il appelle l'indécence des peintures du
Président. Il le tance sur l'inconvenance qu'il commet en les exposant, et il va jusqu'à déclarer
qu'il y trouve la marque d'une imagination impure. La lettre dans laquelle ces sentiments ont
été rendus publics n'a pas peu prêté à rire; l'impression qu'elle a produite a laissé Sa Seigneurie
dans une situation passablement ridicule. Ceux-là mêmes qui n'admirent pas sa sculpture le
trouvent encore bien moins apte au métier de critique. Quant à Sir Frederick Leighton, il a agi
sagement en dédaignant de tenir compte de cet affront ; il a montré par là qu'il apprécie q sa
juste valeur le jugement de Lord Ronald.
Le grand tableau de M. Poynter intitulé : Une Visite à Èsculape (2)"o), est à coup sûr
une des œuvres les plus sérieuses et les plus importantes de cette année. Cette toile a été, en
même temps que celle de M. Orchardson : Napoléon à bord du Bellérophon (262), achetée au
moyen de fonds de la donation Chantrey. UAcademy mérite de légitimes félicitations pour s'être
assuré la possession de deux productions si caractéristiques de notre art contemporain. M. Poynter
allie au respect de l'antique le culte enthousiaste de la Renaissance. Il est facile de voir, dans sa
façon de traiter le nu, combien ces deux influences ont contribué à former son style. Vénus s'est
blessé le pied, à la chasse, et vient consulter Esculape. La déesse est entourée des trois Grâces,
dont l'une soutient sa maîtresse. L'artiste a mis tout son talent, toute sa science, à traiter
ces quatre figures nues. La composition générale, les gestes de chaque personnage, sont d"un
choix réellement heureux. Sans doute cette oeuvre ne brille pas spécialement par le charme de la
couleur; mais l'exécution parfaite des figures, le soin donné aux détails de l'arrière-plan, prouvent
des recherches très complètes. Une étude approfondie du paysage nous prouve les sympathies
de M. Poynter pour le mouvement artistique moderne.
Cette toile montre combien la science du feuillage et de la fleur peut servir à animer un
tableau. On pourrait même dire qu'ici les détails de l'arrière-plan occupent une place trop
grande. Le groupe de Vénus et de ses servantes est rapetissé par l'immensité des yeuses qui le
dominent ; nous aurions presque le droit de souhaiter un changement dans les proportions des
deux parties.
J. COMYNS CARR.
(La suite prochainement. )
v The Spirit of inquiry [Grosvenor Gallery).
Dessin de Miss Alice M. Chaplin, d'après sa terre cuite.
L'ART.
qualités semblent peu de nature à soulever des oppositions violentes. Et cependant c'est à elles
que Sir Frederick Leighton a dû de se trouver en butte à une attaque quelque peu extraordi-
naire. Lord Ronald Gower, qui a ajouté à ses fonctions variées celle de moraliste, a protesté
dernièrement, en termes pleins de virulence, contre ce qu'il appelle l'indécence des peintures du
Président. Il le tance sur l'inconvenance qu'il commet en les exposant, et il va jusqu'à déclarer
qu'il y trouve la marque d'une imagination impure. La lettre dans laquelle ces sentiments ont
été rendus publics n'a pas peu prêté à rire; l'impression qu'elle a produite a laissé Sa Seigneurie
dans une situation passablement ridicule. Ceux-là mêmes qui n'admirent pas sa sculpture le
trouvent encore bien moins apte au métier de critique. Quant à Sir Frederick Leighton, il a agi
sagement en dédaignant de tenir compte de cet affront ; il a montré par là qu'il apprécie q sa
juste valeur le jugement de Lord Ronald.
Le grand tableau de M. Poynter intitulé : Une Visite à Èsculape (2)"o), est à coup sûr
une des œuvres les plus sérieuses et les plus importantes de cette année. Cette toile a été, en
même temps que celle de M. Orchardson : Napoléon à bord du Bellérophon (262), achetée au
moyen de fonds de la donation Chantrey. UAcademy mérite de légitimes félicitations pour s'être
assuré la possession de deux productions si caractéristiques de notre art contemporain. M. Poynter
allie au respect de l'antique le culte enthousiaste de la Renaissance. Il est facile de voir, dans sa
façon de traiter le nu, combien ces deux influences ont contribué à former son style. Vénus s'est
blessé le pied, à la chasse, et vient consulter Esculape. La déesse est entourée des trois Grâces,
dont l'une soutient sa maîtresse. L'artiste a mis tout son talent, toute sa science, à traiter
ces quatre figures nues. La composition générale, les gestes de chaque personnage, sont d"un
choix réellement heureux. Sans doute cette oeuvre ne brille pas spécialement par le charme de la
couleur; mais l'exécution parfaite des figures, le soin donné aux détails de l'arrière-plan, prouvent
des recherches très complètes. Une étude approfondie du paysage nous prouve les sympathies
de M. Poynter pour le mouvement artistique moderne.
Cette toile montre combien la science du feuillage et de la fleur peut servir à animer un
tableau. On pourrait même dire qu'ici les détails de l'arrière-plan occupent une place trop
grande. Le groupe de Vénus et de ses servantes est rapetissé par l'immensité des yeuses qui le
dominent ; nous aurions presque le droit de souhaiter un changement dans les proportions des
deux parties.
J. COMYNS CARR.
(La suite prochainement. )
v The Spirit of inquiry [Grosvenor Gallery).
Dessin de Miss Alice M. Chaplin, d'après sa terre cuite.