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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 1)

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Ménard, René: Histoire artistique du métal, [9]
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https://doi.org/10.11588/diglit.18877#0318
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ustensile de métal qui, il y a à* peine quarante ans, se trouvait
dans tous les appartements, dans toutes les chaumières, dans
toutes les chambres, est relégué, avec toutes les choses du passé,
dans les collections des amateurs de bibelots. Les mouchettes
dont on se servait dans la classe pauvre étaient en général d'un
travail très grossier, et le peu de soin qu'on en prenait leur don-
nait souvent un aspect d'une malpropreté repoussante; mais
dans les maisons opulentes, on employait également des mou-
chettes, pour la confection desquelles on dépensait quelquefois
un véritable luxe. On a fait, au dernier siècle, des mouchettes
bleues damasquinées-d'or qui pourraient, par la délicatesse du
travail, être classées dans la bijouterie.

Parmi les ouvrages les plus importants de la serrurerie fran-
çaise il faut citer les grilles de Jean Lamour, que leur caractère
monumental devrait peut-être faire classer ailleurs que dans un
chapitre consacré à des objets usuels. Mais leur auteur était si
fier de son titre de serrurier, et il a poussé si loin l'art de tra-
vailler le fer, qu'il est .impossible de parler de serrurerie d'art
sans songer aussitôt à ces admirables grilles de Nancy, qui
seront toujours citées parmi les chefs-d'œuvre de nos industries
d'art au xvin8 siècle.

C'est sur la place Stanislas à Nancy que sont les belles
grilles qui relient les édifices d'un aspect vraiment royal qui les
décorent. Le serrurier Lamour les a toutes composées, dessinées
de sa main et ensuite exécutées, ainsi que les grands balcons des
fenêtres du palais, où est maintenant installé le musée de la
ville. Le plat des pilastres est à gaines enrichies de baguettes et
d'ornements tournants. Les chapiteaux, quoique se rattachant à
l'ordre composite, sont d'un caractère très personnel, car l'au*
teur avait eh vue ce qu'il appelait l'ordre français, et il a apporté
dâns cette intention des modifications qui en faisaient un décor
absolument nouveau.

Pour l'exécution matérielle du travail, voici ce qu'en dit
Jean Lamour lui-même : « Tout ce qui est en forme solide,
comme les carcasses et les bâtis, les socles, les piédestaux, les
bases, les corps de pilastre, les chapiteaux, les architraves, les
corniches, etc., sont en fer battu et rivés sur les marnages. Les
tôles sont si exactement appliquées, qu'elles semblent ne faire
qu'un même corps. Les saillies des corniches, les différents
profils y sont observés avec une précision qui fait douter que
ce soit du fer forgé; à peine y aperçoit-on les rivures et les
joints. Pour construire ces ouvrages, il a fallu établir une car-
casse nue, distribuer les parties si exactement qu'une ligne aurait j
changé les profils et les saillies. Il fallait, pour observer une
parfaite égalité, faire rouler les calibres, les échantillons, se ren-
voyer les épaisseurs des corps, tant en plan qu'en élévation,
observer les lignes parallèles des aplombs, de même que les hori-
zontales, et dégauchir tous les corps, les consolider par tenons,
mortaises et congés, afin de les renforcer pour que le tout ne
fasse qu'un seul et même assemblage. »

Ce système de décoration métallique a été appliqué par

Lamour dans le grand balcon et les fenêtres de l'hôtel de ville.
De toutes parts, la teinte noire du fer se marie avec les détails
rehaussés d'or, et se détache tantôt sur la verdure des feuillages,
tantôt sur la teinte claire des édifices, de sorte que l'ensemble
présente une surprenante unité et un ensemble décoratif dont
on chercherait vainement un équivalent ailleurs. Enfin, les
rampes en fer forgé, qui décorent le grand escalier du palais,
sont également dues à Jean Lamour. Voici la description que
l'auteur en donne : « La courbure des doubles rampes, dit-il, ne
semble-pas être un ouvrage en fer forgé. La plate-bande annonce
un métal moulé etpoussé avec le fer d'un menuisier, puisqu'iln'y
a dans tous ses contours aucun jarret qui dérange un dessin suivi.
La peine qu'a donnée cette plate-bande n'est pas. concevable;
il.faut être de l'art pour comprendre combien il faut de justesse
pour profiler et contourner ces pièces sans s'écarter du plan,
combien il faut faire couler le calibre pour dresser toutes les
moulures, filets et faces et pour ne point corrompre: cette
forme. » • •<..-:

Lamour, qui était le serrurier en titre de Stanislas, roi de
Pologne et duc de Lorraine, a passé toute sa vie à Nancy, sa ville
natale. C'est le type de l'ouvrier intelligent et convaincu. Suir
yant lui, comme nous l'avons vu par la citation que nous avons
empruntée plus haut à son Préliminaire apologétique, sur la
forge, tous les travaux humains, relèvent de la serrurerie, qui
est aux autres industries ce que . le génie est aux sciences. .

« Après les premières années .de ce■ siècle, dit M. Philippe
Burty, commença la décadence de la serrurerie. A la grille
monumentale et capricieuse succéda un alignement monotone
et niais de barreaux pointus. Des lances, encore des lancesi,
toujours des lances, rien que des lances !... Et pour changer,,
un paquet de lances noué par des rubans, ou les faisceaux de
verges du licteur! Le symbole d'une prison.contre laquelle on
se heurte en entrant dans un jardin ou en pénétrant dans une
cour. !... Vous souvient-il qu'un jour un maréchal de France, pas--
sant dans la cour du Carrousel la revue d'une compagnie de
voltigeurs de la garde nationale, s'écria : « Fermez ces grilles,
« ces serins vont s'envoler ! » Il avait raison, le brave maréchal,
rien ne ressemble mieux que ces grilles aux barreaux d'une
cage. »

Une tentative de résurrection a eu lieu depuis quelques
années. Les belles grilles du parc Monceaux ont montré que
la serrurerie française n'avait pas perdu les traditions du
passé. Enfin, à nos dernières expositions, on a vu par les
ouvrages de MM. Huby, Moreau et Baudry, que, si la serru-
rerie architecturale n'a pas encore toute l'importance qu'on
voudrait lui voir, ce n'est pas à nos artisans du métal qu'il faut
s'en prendre, mais seulement aux architectes, qui ne semblent
pas comprendre assez toute l'importance de cet élément de
décoration.

René Mena un.

( La suite prochainement )
 
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