Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 1)

DOI Artikel:
Heulhard, Arthur: Art dramatique, [4]: Gymnase: La Noce d'Ambroise - Gaité: Lucrece Borgia Tibère
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.18877#0319

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
ART DRAMATIQUE

GYMNASE : LA NOCE D'A M BROISE — GÀITÉ : LUCRÈCE BORGIA
TIBÈRE, drame de M. F-,, Du gué.,.;

La semaine dramatique qui vient de s'écouler ne doit être
marquée ni d'une pierre noire, en signe de deuil, ni d'une
pierre blanche, en signe d'allégresse. Un marbre gris de Vérone
à tons indifférents lui suffira.

celle-là est à coup sûr la moins riche de style et la plus chargée
en inventions macabres; elle est inférieure à Marie Tudor, et à
Angelo, tyran de Padoue, que je persiste à regarder comme la
meilleure des trois. Lucrèce Borgia, tranchons le mot, est terri-

Le théâtre du Gymnase est dans le marasme, et l'incapacité J blement Jeune-France ; cela vous a des façons de gilet rouge, de
de son directeur frappe les esprits les moins prévenus. Né pour sombreros et de bottes molles qui ne stupéfient même plus le
l'opérette, M. Koning a mené fort gaiement la Renaissance dans bourgeois. Je parle ici de l'allure générale du drame, qui n'est

le sentier fleuri de l'opérette ; il y a remporté d'immenses succès
d'argent, ne livrant rien au hasard, montant ses pièces avec un
luxe subtil et minutieux, se gardant avant tout de s'aventurer en
dehors de la voie lactée de Lecoq. La presse a eu pour lui toutes
les complaisances, et elle se repent sans doute de les avoir aussi
loin poussées. C'est ce retour sur elle-même qui la rend aujour-

au tond qu'un mélodrame vulgaire sur lequel Hugo a jeté la
pourpre de ses phrases. La chose est bien charpentée et suffisam-
ment conforme à la légende historique; il est bon nombre de
scènes, voire un acte entier, qui résistent victorieusement à la
rouille des temps ; en dépit du lyrisme qui les boursoufle, les
imprécations des seigneurs vénitiens accablant de honte Lucrèce

d'hui vétilleuse et méfiante à l'endroit de M. Koning, depuis devant Gennaro; les explications, toutes d'argutie italienne et
qu'il a pris en mains les rênes du Gymnase, théâtre où les inté- de ruse machiavélique, entre Alphonse d'Esté, froidement résolu

rets de la littérature sont en jeu. On s'est vite aperçu que
le sens d'un certain art manquait totalement à M. Koning, et
que cette intelligence de second degré, apte à conduire dans
les règles une scène d'opéra-bouffe, était aussi déplacée que
possible dans les combinaisons délicates d'un spectacle de genre.
Ce n'est pas qu'il faille, pour mènera bien le Gymnase, une
érudition de section académique, non, certes ! mais une certaine
respectability d'instruction est nécessaire, en même temps que
l'art de lire une comédie et de discerner les tendances comiques.
A ce point de vue, qui est le vrai dans l'exploitation du Gym-

à empoisonner Gennaro, et Lucrèce, ardente à sauver son fils,
sont deux toiles lumineuses frottées comme des Véronèse; mais
ce sont les pinceaux et la brosse de Piazzetta qui ont poussé au
noir le tableau final d'une conception, déjà très sombre, où
Lucrèce, démasquant une batterie de cercueils vides, apprend
à ses insulteurs qu'elle leur a ménagé cette funèbre attention.
Voilà un épouvantail aux philistins qui fit jadis perler la sueur
sur les fronts des vieux censitaires. Aujourd'hui leurs fils, en
regardant passer les moines d'autodafé qui brandissent, au
dénouement, leurs cierges allumés, se poussent le coude avec le

nase, M. Koning est à peine au biberon. Son palais ne sait pas sourire sceptique de gens qui voient tomber un ministère. Le

distinguer entre le beaujolais du Gymnase et la piquette de la malheur est que les interprètes actuels de Lucrèce Borgia ne

Renaissance, et, malgré lui, par instinct, par vocation, il incline soient point armés de la foi romantique. Ils jouent le drame

vers les pièces qui font risette à la petite musique. Je vous disais j d'Hugo comme ils joueraient un autre drame qui pourrait être

dernièrement qu'il y avait l'étoffe d'une opérette dans la Phryné de Dennery, sans se douter qu'ils représentent une conviction

de Meilhac; c'est encore un acte d'opérette que ces Noces
d'Ambroise de MM. Blum et Toché, tout récemment représen-
tées. Offenbach en avait commencé la musique, en se jouant,
comme on esquisse un pas de danse. Les flonflons enlevés, il
reste une apparence de proverbe, à la fois réaliste et moral,
dans lequel on voit un homme qui se grise horriblement le soir
de ses noces et que l'amour, sous les traits de sa femme, convertit
à la continence. C'est l'Ivrogne corrigé du bon Anseaume, avec
un grain d'obserration assez fine 'dont le mérite est aux auteurs
modernes; il n'y a pas trois mois que le même sujet, aux déve-
loppements près, a été donné à l'Opera-Comique, sous le titre
de M. de Eloridor, enguirlandé d'ariettes par M. de Lajarte.
Si bien qu'A?nbroise pourrait répondre comme le valet de
chambre de Beaumarchais à qui son maître disait : « Hé ! mal-
heureux, te voilà ivre de si bon matin? —■ Non, monsieur,
excusez-moi, c'est d'hier soir. »

La reprise de Lucrèce Borgia, que la nouvelle direction de
la Gaîté nous convie à écouter pieusement, emprunte une partie
de son éclat à l'apothéose dont Victor Hugo est l'objet. A Dieu
ne plaise que je montre mon poing au soleil! mais ce soleil est
en ce moment intercepté par une nuée d'insectes thuriféraires
qui se posent en réflecteurs et qui finiront par nous empêcher
d'y voir clair. Je dirai donc sans ambages, avec la conscience
d'avoir pour moi tous ceux qui n'ont pas osé le dire, que Lucrèce
Borgia, drame romantique en trois actes, représenté pour la
première fois sur le théâtre de la Porte-Saint-Martin, le 2 février
1833, a bien la plus franche patte d'oie que visage de femme ait.
jamais portée. De toutes les pièces en prose de Victor Hugo,

littéraire indépendante de leur jeu. Ils ne paraissent point imbus
de cette idée qu'ils sont des personnages à double face, à la fois
héros de drame et héros de Hugo. Volny, que la Comédie-
Française a prêté à la Gaîté pour le rôle de Gennaro, n'est
point de taille à endosser les pourpoints de Frédérick Lemaître ;
sa figure est intéressante et sa voix, d'un timbre flatteur, se
prête mieux à l'expression des passions contenues qu'aux
explosions de la colère et du défi chevaleresque. Dumaine, qui
fait Alphonse d'Esté, l'époux astucieux de la perfide Lucrèce,
s'estompe moins (le ventre y est pour quelque chose) et rencontre
ordinairement le ton et l'accent voulus (l'expérience y est pour
beaucoup). On n'a pas rendu justice suffisante à Clément Just,
ce comédien consciencieux et fouilleur, qui a plus de talent
que d'organe. Si la nature l'eût doué d'une poitrine plus robuste,
elle eût fait de Clément Just un superbe Gubetta. Je n'ai nul
dessein de chagriner M110 Favart, qui est une valeureuse actrice
et très éprise de son art, mais je dois avouer que son excursion
sur les terres du drame a été de tous points malheureuse. Il est
pourtant un passage du rôle de Lucrèce qu'elle a supérieure-
ment rendu, où elle s'est ressouvenue d'elle-même, où elle a été
vraiment femme: c'est celui où Lucrèce tente sur le duc d'Esté
un dernier assaut de coquetterie pour lui arracher Gennaro des
mains. Elle l'enveloppe de toufes les caresses félines du geste,
de toutes les tendresses de la voix, et, quand elle se sent à bout
d'arguments, elle lance sur le duc un regard de haine, mêlé de
dépit, qui est, ma foi ! très caractéristique de son sexe.

La direction de la Gaîté a monté très dignement Lucrèce
Borgia. Les petits emplois sont bien tenus, les costumes bril-
lants, les décors, le deuxième surtout, enlevés avec soin. Le
 
Annotationen