NOTRE BIBLIOTHÈQUE.
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influence que ce cosmopolitisme devait un jour exercer sur les
destine'es artistiques de sa patrie, et sur l'art en général.
Ajoutez que ce très bon patriote aime beaucoup la France et a
un grand faible pour Paris, qu'il est marié à une femme char-
mante, Anglaise assurément, mais très Italienne aussi—elle a
été élevée à Gènes — et non moins Parisienne ', et vous vous
rendrez mieux compte de la position si heureusement prépon-
dérante que s'est faite M. Comyns Carr. Dès qu'il eut pris pied
à la Grosvenor Gallery, il s'est dit que l'Art, ayant eu la bonne
fortune de se l'associer comme Directeur en Angleterre, il de-
vait plus que personne avoir à cœur d'initier ses compatriotes
aux manifestations les plus élevées, les plus parfaites des artistes
français. C'est ainsi qu'il a débuté par leur mettre sous les
yeux les œuvres de sculpteurs tels que Chapu, Paul Dubois et
Dclaplanche, qu'il a ensuite ouvert à deux battants les portes
de la Grosvenor Gallery à Basticn-Lcpagc, et qu'il vient de
rendre à la fois service aux aquarellistes français et aux aqua-
rellistes anglais. A ces derniers, il n'a cessé de prèclier qu'ils
faisaient fausse route en s'entètant à lutter avec la peinture à
l'huile, que le mérite, l'essence même de l'aquarelle réside dans
son caractère essentiellement primesautier, dans ces traductions
spontanées, dans ces vives inspirations que jette l'artiste sur le
papier d'une touche sûre, sans revenez-y, et qui en dit plus
long que bien des œuvres longuement méditées. Allez au Louvre
et voyez ce modèle du genre, le Colleo.ie de Bonington, cette
maîtresse aquarelle s'il en fut !
Si les Painters in Water Colours ont par trop oublié leur
illustre compatriote, M. Comyns Carr en a conservé le culte, et
il n'a pas cru pouvoir le mieux pratiquer que par l'exposition
actuelle; elle s'est en effet chargée de démontrer que les ensei-
gnements de Bonington continuent fort heureusement à être
en honneur en France. Pour cela, M. Carr avait fait appel à
toute une phalange d'aquarellistes français, qui ont été une
révélation pour un trop grand nombre d'amateurs anglais et
pour non moins d'artistes. Ses hôtes, si cordialement conviés,
n'oublieront jamais que c'est à notre ami qu'ils doivent leur
réputation d'outre-Manche si promptement conquise,et si juste-
ment aussi, par leur admission à la Grosvenor Gallery.
L'action de M. Comyns Carr a été triplement féconde
cette année à cette Winler Exhibition. Nous allons en effet,
outre l'honneur fait aux aquarellistes français, le voir prouver
par les cartons de M. Burne Jones que sa persévérante campagne
en faveur du grand art décoratif, n'est pas demeurée inféconde,
et qu'il pousse à la décentralisation par son appel aux aqua-
rellistes provinciaux, très largement représentés par les artistes
de Liverpool.
John Dubouloz.
[La fin au prochain numéro.)
NOTRE BIBLIOTHEQUE
CCXXX1II
« FREYDAL », Des Kaisers Maximh.ian I. Turniere uxd
Mummereien, hci'ausgegebcn mit allerhcechster Genchmigung
Seiner Majestact des Kaisers Franz Joseph I., unter der Lei-
tung des k. k. Oberstkacmmerers, Fcldzeugmeisters Franz,
Grafen Foluot de Crenneville, von Quirin,von Leitner, mit
einer geschichtlichcn Einleitung, einem facsimilirten Namens-
vcrzcichnissc und 255 Heliogravuren. Wien, 1880.
Nous attendrons, pour rendre compte de cette magnifique
publication, qu'elle soit complète. Le titre nous annonce
255 héliogravures; il n'en a encore paru que 40, en 4 livrai-
sons, et un avis nous informe que l'introduction historique sera
publiée après toutes les gravures. Or, cette introduction doit
avoir une importance très considérable, puisqu'elle doit com-
prendre un codex, de 84 pages, une explication des gravures,
l'indication de l'ordre dans lequel elles doivent être placées, un
j ugement critique sur chacune d'elles, une notice sur les artistes et
les graveurs désignés par l'empereur Maximilien pour travailler
à la publication projetée par lui de cet ouvrage, notice que
doivent accompagner quelques gravures sur bois en fac-similé
achevées avant la mort de Maximilien. Cette introduction con-
tiendra, en outre, une explication détaillée des courses et des
tournois auxquels a pris part le chevaleresque empereur. Ces
explications seront complétées par un certain nombre de figures
représentant des parties du harnachement des jouteurs, d'après
des objets originaux, ayant appartenu à l'empereur. On nous
promet également l'histoire des circonstances qui ont donné à
l'empereur l'idée de cet ouvrage, et l'indication du but qu'il
se proposait, avec la réimpression du manuscrit même de
l'empereur, accompagné des corrections et des notes margi-
nales..Nous aurons enfin la nomenclature des personnes citées
dans le Frcydal, avec la couleur des écharpes et la description
des armures de toutes celles qui ont pris part aux tournois, des
informations générales et détaillées sur tous les genres de joutes,
et l'indication des couleurs de chacun des costumes représentés
dans les gravures relatives aux mascarades.
Cette introduction sera donc, comme on le voit, un travail
des plus curieux et des plus importants. A la suite de cette
introduction viennent treize feuillets in-folio sur lesquels est
reproduite, en fac-similé, la liste, écrite de la main môme de
Maximilien, des dames et des seigneurs qui ont assisté ou pris
part aux mascarades, courses, tournois et combats représentés
dans cet ouvrage. Freydal est le pseudonyme que prit Maxi-
milien dans sa jeunesse pour paraître dans les tournois; après
son mariage avec Marie de Bourgogne, il se fit appeler Theuer-
dank. Maximilien aimait la gloire, et pour assurer la sienne
dans l'avenir, il avait fait écrire sous sa dictée une biographie
quelque peu romanesque, qui fut publiée en 1775 sous le titre
de Weisskunig. Le Theuerdank, le Triumph, VEhrenpforte
sont des monuments qui concourent au même objet. Il y
manquait le Freydal, que M. le comte de Crenneville a eu
l'heureuse idée d'exhumer de l'oubli où il paraissait destiné à
périr. M. de Crenneville, on le sait, s'est attribué à la cour
d'Autriche le rôle de protecteur et de restaurateur des arts.
Il est à l'affût de tout ce qui touche à ce côté si attrayant de la
civilisation. Si nous ne méprisions pas le chauvinisme, nous
pourrions faire remarquer que le nom seul du comte Folliot de
Crenneville indique une origine française, et nous serions
peut-être tenté d'en conclure que nous avons quelque droit
d'être fiers de cet amour et de cette intelligence des choses
artistiques.
Mais peu importent ici les causes et les origines; le fait
suffit, et le fait est que le comte de Crenneville ne néglige
aucune occasion d'employer sa haute influence et ses puissants
1. M»1 Alice Comyns Carr a public deux livres exquis dont l'éloge est sur les lèvres de tous ceux qui les ont lus : North Italian Folk, dont nous avons déjà eu
l'occasion de parler — Voir l'Art, 6" année, tome H, page 242, dans une dédicace à M,oc Carr, — et A Story of Autumn, qui vient de paraître, à Londres, chez
MM. Remington and C", et que l'on peut se procurer à la Librairie de l'art.
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influence que ce cosmopolitisme devait un jour exercer sur les
destine'es artistiques de sa patrie, et sur l'art en général.
Ajoutez que ce très bon patriote aime beaucoup la France et a
un grand faible pour Paris, qu'il est marié à une femme char-
mante, Anglaise assurément, mais très Italienne aussi—elle a
été élevée à Gènes — et non moins Parisienne ', et vous vous
rendrez mieux compte de la position si heureusement prépon-
dérante que s'est faite M. Comyns Carr. Dès qu'il eut pris pied
à la Grosvenor Gallery, il s'est dit que l'Art, ayant eu la bonne
fortune de se l'associer comme Directeur en Angleterre, il de-
vait plus que personne avoir à cœur d'initier ses compatriotes
aux manifestations les plus élevées, les plus parfaites des artistes
français. C'est ainsi qu'il a débuté par leur mettre sous les
yeux les œuvres de sculpteurs tels que Chapu, Paul Dubois et
Dclaplanche, qu'il a ensuite ouvert à deux battants les portes
de la Grosvenor Gallery à Basticn-Lcpagc, et qu'il vient de
rendre à la fois service aux aquarellistes français et aux aqua-
rellistes anglais. A ces derniers, il n'a cessé de prèclier qu'ils
faisaient fausse route en s'entètant à lutter avec la peinture à
l'huile, que le mérite, l'essence même de l'aquarelle réside dans
son caractère essentiellement primesautier, dans ces traductions
spontanées, dans ces vives inspirations que jette l'artiste sur le
papier d'une touche sûre, sans revenez-y, et qui en dit plus
long que bien des œuvres longuement méditées. Allez au Louvre
et voyez ce modèle du genre, le Colleo.ie de Bonington, cette
maîtresse aquarelle s'il en fut !
Si les Painters in Water Colours ont par trop oublié leur
illustre compatriote, M. Comyns Carr en a conservé le culte, et
il n'a pas cru pouvoir le mieux pratiquer que par l'exposition
actuelle; elle s'est en effet chargée de démontrer que les ensei-
gnements de Bonington continuent fort heureusement à être
en honneur en France. Pour cela, M. Carr avait fait appel à
toute une phalange d'aquarellistes français, qui ont été une
révélation pour un trop grand nombre d'amateurs anglais et
pour non moins d'artistes. Ses hôtes, si cordialement conviés,
n'oublieront jamais que c'est à notre ami qu'ils doivent leur
réputation d'outre-Manche si promptement conquise,et si juste-
ment aussi, par leur admission à la Grosvenor Gallery.
L'action de M. Comyns Carr a été triplement féconde
cette année à cette Winler Exhibition. Nous allons en effet,
outre l'honneur fait aux aquarellistes français, le voir prouver
par les cartons de M. Burne Jones que sa persévérante campagne
en faveur du grand art décoratif, n'est pas demeurée inféconde,
et qu'il pousse à la décentralisation par son appel aux aqua-
rellistes provinciaux, très largement représentés par les artistes
de Liverpool.
John Dubouloz.
[La fin au prochain numéro.)
NOTRE BIBLIOTHEQUE
CCXXX1II
« FREYDAL », Des Kaisers Maximh.ian I. Turniere uxd
Mummereien, hci'ausgegebcn mit allerhcechster Genchmigung
Seiner Majestact des Kaisers Franz Joseph I., unter der Lei-
tung des k. k. Oberstkacmmerers, Fcldzeugmeisters Franz,
Grafen Foluot de Crenneville, von Quirin,von Leitner, mit
einer geschichtlichcn Einleitung, einem facsimilirten Namens-
vcrzcichnissc und 255 Heliogravuren. Wien, 1880.
Nous attendrons, pour rendre compte de cette magnifique
publication, qu'elle soit complète. Le titre nous annonce
255 héliogravures; il n'en a encore paru que 40, en 4 livrai-
sons, et un avis nous informe que l'introduction historique sera
publiée après toutes les gravures. Or, cette introduction doit
avoir une importance très considérable, puisqu'elle doit com-
prendre un codex, de 84 pages, une explication des gravures,
l'indication de l'ordre dans lequel elles doivent être placées, un
j ugement critique sur chacune d'elles, une notice sur les artistes et
les graveurs désignés par l'empereur Maximilien pour travailler
à la publication projetée par lui de cet ouvrage, notice que
doivent accompagner quelques gravures sur bois en fac-similé
achevées avant la mort de Maximilien. Cette introduction con-
tiendra, en outre, une explication détaillée des courses et des
tournois auxquels a pris part le chevaleresque empereur. Ces
explications seront complétées par un certain nombre de figures
représentant des parties du harnachement des jouteurs, d'après
des objets originaux, ayant appartenu à l'empereur. On nous
promet également l'histoire des circonstances qui ont donné à
l'empereur l'idée de cet ouvrage, et l'indication du but qu'il
se proposait, avec la réimpression du manuscrit même de
l'empereur, accompagné des corrections et des notes margi-
nales..Nous aurons enfin la nomenclature des personnes citées
dans le Frcydal, avec la couleur des écharpes et la description
des armures de toutes celles qui ont pris part aux tournois, des
informations générales et détaillées sur tous les genres de joutes,
et l'indication des couleurs de chacun des costumes représentés
dans les gravures relatives aux mascarades.
Cette introduction sera donc, comme on le voit, un travail
des plus curieux et des plus importants. A la suite de cette
introduction viennent treize feuillets in-folio sur lesquels est
reproduite, en fac-similé, la liste, écrite de la main môme de
Maximilien, des dames et des seigneurs qui ont assisté ou pris
part aux mascarades, courses, tournois et combats représentés
dans cet ouvrage. Freydal est le pseudonyme que prit Maxi-
milien dans sa jeunesse pour paraître dans les tournois; après
son mariage avec Marie de Bourgogne, il se fit appeler Theuer-
dank. Maximilien aimait la gloire, et pour assurer la sienne
dans l'avenir, il avait fait écrire sous sa dictée une biographie
quelque peu romanesque, qui fut publiée en 1775 sous le titre
de Weisskunig. Le Theuerdank, le Triumph, VEhrenpforte
sont des monuments qui concourent au même objet. Il y
manquait le Freydal, que M. le comte de Crenneville a eu
l'heureuse idée d'exhumer de l'oubli où il paraissait destiné à
périr. M. de Crenneville, on le sait, s'est attribué à la cour
d'Autriche le rôle de protecteur et de restaurateur des arts.
Il est à l'affût de tout ce qui touche à ce côté si attrayant de la
civilisation. Si nous ne méprisions pas le chauvinisme, nous
pourrions faire remarquer que le nom seul du comte Folliot de
Crenneville indique une origine française, et nous serions
peut-être tenté d'en conclure que nous avons quelque droit
d'être fiers de cet amour et de cette intelligence des choses
artistiques.
Mais peu importent ici les causes et les origines; le fait
suffit, et le fait est que le comte de Crenneville ne néglige
aucune occasion d'employer sa haute influence et ses puissants
1. M»1 Alice Comyns Carr a public deux livres exquis dont l'éloge est sur les lèvres de tous ceux qui les ont lus : North Italian Folk, dont nous avons déjà eu
l'occasion de parler — Voir l'Art, 6" année, tome H, page 242, dans une dédicace à M,oc Carr, — et A Story of Autumn, qui vient de paraître, à Londres, chez
MM. Remington and C", et que l'on peut se procurer à la Librairie de l'art.