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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 1)

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Burty, Philippe: Un chef-d'oeuvre de damasquine
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Chronique française et étrangère
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https://doi.org/10.11588/diglit.18877#0202

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L'ART.

l;iient ces objets au beau moment de la Renaissance française.
Il est décor é sur toutes les faces de bas-reliefs en argent repoussé,
qui racontent ingénieusement et ingénument 1 histoire de la
Jeunesse et de l'Amour. La Jeunesse toujours confiante,
l'Amour toujours cruel. Les soupirs ardents alternent avec les
reproches. Tel est le thème, et les épisodes sont charmants, un
peu dans le goût des images de ce Songe de Poliphite, — dont
Claudius Popelin nous donne, lentement mais avec des recher-
ches de lettré passionné, une traduction si fidèle et des repro-
ductions si exactes. — Les figures sont sveltes, les draperies
légères, et pour presque toutes les scènes les bois offrent leurs
frais et discrets asiles. Ce travail de repoussé est on ne peut plus
aimable à l'œil.

Tout autour de ces bas-reliefs règne une ornementation en
fer damasquiné d'or, un léger rinceau qui file, qui s'enroule, qui
se tord comme une liane et qui, par son style, rappelle les plus
savantes fantaisies de l'art oriental. Mais là encore rien n'a été
copié, tout ctt dû à l'invention.

On sait que le travail de la damasquine ou de l'incrustation
consiste à tracer le dessin dans le fer et à remplir le sillon avec
un fil d'or ou d'argent que l'on fixe à petits coups de marteau.
Cela semble assez simple mais offre de grandes difficultés pour
réunir la solidité à la grâce de l'aspect. Les peuples de l'Orient
s'y sont particulièrement distingués, et en Europe, les Italiens,
les Espagnols et les Français; chacun a imprégné son œuvre du
génie propice à sa race. M. Alfred Gauvin connaît aujourd'hui à
fond tous les styles et toutes les méthodes, et c'est lui qu'appel-
lent les grands amateurs ou les marchands quand ils ont quelque
pièce de choix à réparer. Il devient impossible, quand il rend la
pièce, une épée, un casque, une rondache, un canon de fusil,
une hallebarde, de reconnaître quelle partie avait été rongée
par la rouille, faussée par un coup, enlevée par un accident, et
qu'il a fait revivre, à laquelle il a rendu toutes ses apparences
originales.

Gauvin est élève du fameux Dournès, restaurateur d'objets
d'art, de Toulouse. Il est né en Normandie, dans un moulin.
Il allait à l'école, au village, mais plus volontiers il se cachait,
et sur un mur blanc il esquissait les dessins de toutes les choses
environnantes, avec des morceaux de braise éteinte. Puis il
monta en graine, et il fallut partir pour la ville. Saute-ruisseau,
clerc chez un vendeur de fonds de commerce, domestique,
commis grainetier, il déploya plus de talent pour vivre, « qu'il
n'en faut pour gouverner toutes les Espagnes ». Il fallait nourrir

ce grand corps de Normand vigoureux et souple ! C'était un
jour qu'il dessinait, dans la cour, des chevaux au lieu de les
panser, qu'il fut aperçu par Dournès, et que « la guigne » enfin
le quitta. On lui fit copier des ivoires.

Peut-être fut-il le père de ces ivoires du xnc siècle que
l'un des anciens conservateurs du Louvre, Viel-Castel, le saint
Vincent de Paul des bibelots truqués, recueillait dans des bou-
tiques obscures et revendait à bon compte.

Alfred Gauvin pourrait en raconter de bonnes sur ces pater-
nités anonymes. Mais n'ayant jamais trempé dans des marchés
de mauvaise foi, il est demeuré candide comme un clerc de
paroisse. Il marche dans la vie avec une allure de ressuscité ; et
on se représente un orfèvre du moyen âge : front rêveur, cœur
exalté, longs cheveux, tunique de velours noir. Notre cher Louis
Combes n'eut pas d'ami plus dévoué, et pendant les heures
atroces de l'agonie n'eut pas de garde plus attentif. Gauvin. qui
peint avec un naïf sentiment, avait exposé un portrait de lui à
l'avant dernier Salon. 11 a envoyé à un des Salons précédents
un médaillon de Léon Gambetta, en fer repoussé et dont l'allure
était surprenante d'animation. A une des expositions de l'Union
centrale il a obtenu une médaille d'argent pour le damasquinage
d'un fusil de chasse. Au dire du jury, le dessin et l'exécution
des diverses pièces, canon, platine, chien, etc., constituaient des
morceaux de premier ordre.

Gauvin nous a confié ses ambitions, et c'est sur ce point
surtout que nous demandons à nos confrères de nous appuyer,
parce que l'œuvre est essentiellement digne de notre temps.
Gauvin voudrait obtenir du Conseil municipal la commande de-
là porte de l'Hôtel de Ville, une porte en fer qu'il couvrirait de
damasq'uinures et où il grouperait les grandes passes de la vie
de Paris. Ii compte qu'avec un élève il en aurait pour dix ans de
travail. Quelle gloire pour lui, et aussi pour les édiles qui
auraient compris la portée de cette grande commande ! L'Espagne
n'a-t-elle pas fait exécuter, par l'habile Zuolaga, le tombeau de
Prim en fer incrusté ? Nous avons sous la main un artiste qui
vaut Zuolaga ; allons-nous demeurer en arrière de l'Espagne?
j Faut-il encore rappeler les portes du Baptistère à Florence ?
Chaque génération ne s'ennoblit-elle pas en demandant à ses
artistes industriels un effort digne du but supérieur, la perpé-
tuité de l'invention et l'excellence du travail? Au besoin, nous
y teviendrons; dès aujourd'hui nous espérons que l'opinion
publique s'emparera de cette idée très pratique, très française.

Ph. Burty.

CHRONIQUE FRANÇAISE ET ETRANGERE

France. — Le quinzième concert de l'Association artistique
d'Angers a eu lieu dimanche dernier avec le concours de l'excel-
lent violoniste A. Lefort, bien connu à Paris des amateurs de
musique de chambre. Le jeune artiste a montré là de rares
facultés de virtuose : une excellente qualité de son, un style de
la plus grande pureté, une chaleur d'accent qui entraîne l'or-
chestre et le public. Son succès a été très vif dans le Concerl-
Stùck de Léonard, et il avait d'autant plus de mérite à jouer
aussi parfaitement ce difficile morceau qu'il venait d'exécuter
quelques instants auparavant un grand solo sur l'alto. L'alto se
rapproche beaucoup du violon sous le rapport du doigté et du
jeu de l'archet; il en diffère cependant assez pour que l'exécu-
tion successive de deux pièces aussi importantes sur les deux
instruments doive être considérée comme un véritable tour de
force. La Fantaisie dramatique pour alto — tel est le titre du
morceau joué par M. Lefort — est de notre collaborateur
M. Octave Fouque, qui dirigeait lui-même l'orchestre, et a reçu
sa part d'applaudissements. Nous devons constater, dans la
même séance, le succès de deux Danses hongroises recueillies

et instrumentées avec éclat par M. Jules Bordier, qui devrait
bien donner une suite à ces airs populaires et en publier un
arrangement pour piano à deux ou à quatre mains. Men-
tionnons enfin la parfaite exécution, sous la conduite de
M. Lelong, chef d'orchestre de l'Association, des airs de danse
de Samson et Dalila, de M. Camille Saint-Saëns, dont l'un
a été bissé.

L'Association artistique d'Angers rend de grands services à
l'art. Son orchestre est excellent; détail à noter — elle donne
ses concerts dans un cirque dont la sonorité est parfaite. Les
compositeurs de Paris sont heureux de voir leurs œuvres
figurer sur ses programmes; ils se dérangent volontiers pour
aller en diriger l'exécution.

Le public d'Angers acclamait Saint-Saëns il y a quinze
jours; la semaine prochaine, c'est Ernest Reyer qui fera jouer
ses fragments symphoniques. Il serait à désirer que des insti-
tutions de ce genre pussent se fonder dans d'autres départements
afin d'élever au degré où il conviendrait le niveau du goût
musical dans notre pays. L'Association d'Angers est à peine
 
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