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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 1)

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Fouqué, Octave: Art musical, [5]: Représentations de Mme Patti au Théatre des Nations: La Son Nambula
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REPRÉSENTATIONS DE M»° PATTI AU THÉÂTRE DES NATIONS

LA S ON NAM BU LA

concerts

l ne faut pas chercher dans les représentations italiennes
l'ensemble parfois terne, mais le plus souvent solennel
et grandiose que l'on admire au Grand-Ope'ra. Il ne
faudrait pas même s'attendre à y trouver cette réunion de
talents divers concourant au même but, cette ingénieuse mise à
point qui fait le mérite et le charme de notre seconde scène
lyrique. Pour une ou deux étoiles qui brillent dans le
ciel d'une compagnie italienne, il faut subir l'audition d'une
demi-douzaine d'artistes médiocres, bons tout au plus à jouer
des rôles de comparses; ne parlons pas des chœurs qui sont
généralement mauvais, ni de tous les détails où se révèle le
goût des administrations théâtrales parisiennes, ce que les
impresari traitent avec un si dédaigneux sans gène.

Le chef d'orchestre d'une troupe italienne est particulière-
ment curieux à observer. C'est en général un homme aux traits
caractérisés, avec une barbe et des cheveux noirs comme l'aile
du corbeau. Quelquefois il est blond, ou grisonnant, mais
toujours il est peigné, frisé, lustré comme un jeune Athénien
sortant du bain chaud. Les gants blancs sont de rigueur. Au
bout de ces gants le professor direttove lient une baguette en
bois également blanc, qu'il agite d'une façon désordonnée,
tantôt l'élevant vers le ciel, tantôt l'abaissant devant lui avec
violence, comme s'il voulait trépaner le souffleur, heureusement
protégé par sa boîte. Le chef que nous possédons cette année
au Théâtre des Nations porte un nom célèbre en Italie, il est le
frère du maestro Luigi Mancinelli, compositeur connu. Il bat
la mesure d'un bras éclectique, tantôt à l'italienne (c'est-à-dire
le second temps à droite), tantôt à la française (à gauche, puis à
droite). On se perd dans cette mimique trop variable, et les
musiciens paraissent déroutés. Des hésitations, des erreurs se
glissent dans l'exécution. Le chef sent la nécessité de rassembler
ses forces; il redouble d'ardeur, se tourne vers ses instrumen-
tistes, indique, en les signalant d'un geste exagéré, la moindre
rentrée, le dessin le plus insignifiant des cors, des clarinettes,
des bassons. Avoir la peine qu'il se donne pour faire exécuter
cette musique si simple, si claire, si facile, que tout le monde
sait par cœur, on se demande où il en arriverait s'il avait à
conduire un ouvrage de Meyerbeer, de Berlioz, de Gounod, un
de ces opéras modernes, vastes et puissantes machines où
l'orchestre se multiplie, se divise, soutient tous les rôles, fait
entendre tour à tour toutes les voix, varie ses timbres, et comme
un décor sonore et changeant, déroule tous les aspects d'une
harmonie savante et compliquée.

Évidemment M. Marino Mancinelli est un Italien con-
vaincu : il croit encore à Bellini. Peut-être n'a-t-il pas tout à fait
tort. Nous avons subi pendant un acte entier le flot des fades
cavatines, des cadences redondantes, des inutiles redites, des
récitatifs insipides. Puis tout à coup, vers la fin du second acte,
le chef d'orchestre s'agite sur son fauteuil comme la pythonisse
sur son trépied, il frappe la partition de sa baguette, comme
Moïse le rocher, et l'on entend s'élever un chant pur, ému,
pénétrant, d'une ligne mélodique, élégante, d'un aménagement
vocal profondément scénique. Justement il se trouve que cet
admirable finale est écrit dans une texture favorable à Nicolini,
et les quelques notes qui constituent la voix de ce ténor y
éclatent d'une façon superbe. Les chœurs sont entraînés,
l'ensemble s'établit et rayonne. Un instant on ressent une
impression de grand art; le public cric bis, mais Nicolini ne se
Tome XXIV.

et auditions

soucie pas de dépenser en un soir toutes ses forces de la saison,
et passe outre. Deux rappels enthousiastes couronnent la fin de
l'acte.

Et la Patti? car enfin c'est en elle que réside le principal
intérêt des représentations. La Patti nous est revenue avec une
figure un peu engraissée et une expression fatiguée. Mais son
chant est toujours le même, ou à peu près, ce qui revient à dire
qu'il est admirable et parfait. La voix de la diva, ce soprano qui
résonnait comme un cristal, prend chaque jour un timbre plus
grave, mais elle n'a rien perdu de son agilité; a-t-on jamais
entendu mieux filer un son, mieux battre un trille, ou lancer
avec plus de hardiesse vers le ciel la fusée des vocalises ?

Cette facilité véritablement prodigieuse étonne et charme
encore comme au premier jour; aussi chaque fin de phrase de
la diva est couverte par les bravos de l'auditoire. Un seul
moment de la soirée, l'enthousiasme a faibli, et le public a refusé
de soutenir la cantatrice. Il fallait que ce fût bien grave, cela
l'était en effet. Le quatrième acte de la Somnambula contient
une strette que Mmc Patti chantait autrefois dans la perfection.
Pourquoi avoir changé sa manière ? Pourquoi aujourd'hui
briser la mesure à chaque instant et détruire comme à plaisir le
rythme et la période du compositeur? Si ces caprices d'inter-
prétation plaisent sur d'autres scènes, ils n'ont jamais été goûtés
à Paris • Mme Patti a pu s'en convaincre l'autre soir. Heureuse-
ment elle avait chanté la mélodie lente qui précède avec une
voix et un style au-dessus de tout éloge; là du moins, elle a
paru actrice et chanteuse accomplie, et aussi grande artiste que
jamais.

Les concerts symphoniques n'ont mis au jour cette année
qu'un petit nombre d'œuvres nouvelles. C'est jusqu'à présent le
Conservatoire — ce sanctuaire si difficile à forcer qu'on n'essayait
même pas d'y entrer — qui a fait entendre le plus de musique
inédite. Outre la symphonie de M. Joncières, la Mer, dont nous
avons rendu compte ici même, la Société de la rue Bergère a
exécuté des fragments importants de Sigwd, opéra en cinq actes
de M. Ernest Reyer.

Le sujet de cet ouvrage, qui attend depuis assez longtemps
son tour à l'Académie de musique, appartient tout entier à la
légende. Les principaux personnages sont la Walkyrie Brune-
hilde, le preux Sigurd, le roi Gunther et sa sœur Hilda. Bru-
nchilde, par la volonté du dieu Wothan, que nous appelons
Odin, a été condamnée à dormir dans un château entouré de
flammes et gardé par des monstres, jusqu'à ce qu'un guerrier
vienne la délivrer; elle doit alors appartenir à ce guerrier et
devenir une simple mortelle. Sigurd « le héros invincible » a
pénétré dans le palais de feu, et, la visière de son casque baissée,
il a réveillé la Walkyrie, l'a conquise, mais non pour lui; il doit
la livrer « vierge et pure » au roi Gunther, dont il avait revêtu
l'armure pour cette expédition. En échange de ce service, le roi
lui a promis la main de Hilda. Au commencement du troisième
acte, Brunehilde et Sigurd, portés par les esprits de l'air, arrivent
dans les jardins du burg de Gunther. C'est le matin; Brunehilde,
sous l'épée de Sigurd, s'est rendormie d'un sommeil magique.
A son réveil elle aperçoit à ses côtés Gunther et ne reconnaît
pas en lui le héros qui l'a arrachée à sa prison de flammes. Mais
malgré son trouble, et trompée par les affirmations de Gunther,
elle met sa main dans celle du roi, et se soumet à la volonté des
dieux qui lui donnent Gunther pour époux.

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