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Champfleury: Études sur l'art, la littérature, la musique d'après les vignettes romantiques, [3]
DOI Seite / Zitierlink: https://doi.org/10.11588/diglit.18877#0084
Frise composée et gravée par P. A.
Du cerceau.
ÉTUDES
sur
L'ART, LA LITTÉRATURE, LA MUSIQUE
D'APRÈS; LES VIGNETTES ROMANTIQUES1
(suite)
IX
DE QUELQUES CENTRES PROVINCIAUX FAVORABLES AUX PRINCIPES DE LA NOUVELLE ÉCOLE :
ROUEN, BEAUNE, MOULINS, MARSEILLE, TOULOUSE.
On sait comment la province accueillit les saint-simoniens,
alors qu'ils venaient prêcher leurs doctrines; dans certaines parties
de la France, ils furent hués et poursuivis à coups de pierres.
Sans courir de semblables dangers, les adeptes du romantisme
furent en butte, de la part des provinciaux leurs compatriotes, à
une curiosité, à un effarement qui n'avaient rien de particulière-
ment sympathique.
La vie de sous-préfecture, même celle de chef-lieu, n'entraîne
qu'une minorité bien clairsemée vers les idées nouvelles ; tout
courant fiévreux est brisé par un calme déconcertant. Le sentiment
enthousiaste ne peut se greffer sur une placidité quotidienne.
Autant vaudrait chercher à émouvoir une éponge.
Qu'on pense au singulier effet provoqué par de jeunes hommes
Vignette d'Achille Allier, fanatiques des drames de Victor Hugo et d'Alexandre Dumas,
extraite de la ™*jArt cn Province alors qu'il restait à peine trace sur les planches de leurs œuvres
interprétées par de pauvres comédiens ambulants.
Ceux qui n'ont point vu représenter Lucrèce Borgia ou la Tour de Nesle, vers 1835, dans
un chef-lieu de préfecture, ne peuvent se rendre compte de la misère des œuvres dramatiques à
spectacle. Quelle richesse d'imagination ne faut-il pas pour retrouver un Gennaro, une Marguerite
de Bourgogne, un capitaine Buridan, une princesse Negroni, tels que les a conçus le poète!
Pour avoir vu de trop près, avec mes vives impressions d'enfant, ces pauvretés de mise en scène,
il me semble que, si aujourd'hui de pareils drames étaient représentés avec tout l'étalage de
pompe qu'ils comportent, dans mes yeux se retraceraient les guenilles de décors et de costumes
des comédiens de province tels qu'ils m'apparurent au début de la vie.
i. Voir l'Art, 6e année, tome IV, page 278; 7e année, tome Ier, pages 12 et 49.
Tome XXIV.
10
Du cerceau.
ÉTUDES
sur
L'ART, LA LITTÉRATURE, LA MUSIQUE
D'APRÈS; LES VIGNETTES ROMANTIQUES1
(suite)
IX
DE QUELQUES CENTRES PROVINCIAUX FAVORABLES AUX PRINCIPES DE LA NOUVELLE ÉCOLE :
ROUEN, BEAUNE, MOULINS, MARSEILLE, TOULOUSE.
On sait comment la province accueillit les saint-simoniens,
alors qu'ils venaient prêcher leurs doctrines; dans certaines parties
de la France, ils furent hués et poursuivis à coups de pierres.
Sans courir de semblables dangers, les adeptes du romantisme
furent en butte, de la part des provinciaux leurs compatriotes, à
une curiosité, à un effarement qui n'avaient rien de particulière-
ment sympathique.
La vie de sous-préfecture, même celle de chef-lieu, n'entraîne
qu'une minorité bien clairsemée vers les idées nouvelles ; tout
courant fiévreux est brisé par un calme déconcertant. Le sentiment
enthousiaste ne peut se greffer sur une placidité quotidienne.
Autant vaudrait chercher à émouvoir une éponge.
Qu'on pense au singulier effet provoqué par de jeunes hommes
Vignette d'Achille Allier, fanatiques des drames de Victor Hugo et d'Alexandre Dumas,
extraite de la ™*jArt cn Province alors qu'il restait à peine trace sur les planches de leurs œuvres
interprétées par de pauvres comédiens ambulants.
Ceux qui n'ont point vu représenter Lucrèce Borgia ou la Tour de Nesle, vers 1835, dans
un chef-lieu de préfecture, ne peuvent se rendre compte de la misère des œuvres dramatiques à
spectacle. Quelle richesse d'imagination ne faut-il pas pour retrouver un Gennaro, une Marguerite
de Bourgogne, un capitaine Buridan, une princesse Negroni, tels que les a conçus le poète!
Pour avoir vu de trop près, avec mes vives impressions d'enfant, ces pauvretés de mise en scène,
il me semble que, si aujourd'hui de pareils drames étaient représentés avec tout l'étalage de
pompe qu'ils comportent, dans mes yeux se retraceraient les guenilles de décors et de costumes
des comédiens de province tels qu'ils m'apparurent au début de la vie.
i. Voir l'Art, 6e année, tome IV, page 278; 7e année, tome Ier, pages 12 et 49.
Tome XXIV.
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