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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 1)

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Ménard, René: Histoire artistique du métal, [9]
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https://doi.org/10.11588/diglit.18877#0309

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HISTOIRE ARTISTIQUE DU METAL1

IV

LE MÉTAL

DANS LES TEMPS MODERNES
(suite)

L'ÉMAIL (Suite et fin).

A une époque inconnue, les arts de l'extrême Orient parais-
sent s'être répandus dans les contrées de l'Europe qui avoisinent
l'Asie. Ce qu'il y a de sûr, c'est qu'on retrouve dans les émaux
byzantins du xne siècle des procédés analogues et une gamme de
couleurs à peu près identique à celle des Chinois. Suivant
M. Delaborde, la transmission, quoique n'étant pas encore démon-
trée historiquement, est incontestable.

Nous avons dit que les émaux de basse taille étaient des
petits bas-reliefs en métal, ayant une saillie extrêmement minime
et recouverts par des émaux de différentes couleurs et toujours
transparents. Ce genre d'émail était un simple coloriage, dans
lequel la couleur était plus ou moins foncée suivant qu'elle
s'accumulait en plus grande quantité dans une partie creuse, et
dans lequel par conséquent l'expression du modelé venait de la
ciselure et non de la peinture qui n'était qu'une teinte posée sans
préoccupation de l'ombre et de la lumière. Ce procédé, qui nous
a été apporté de Venise, fut pratiqué dans toute la France et
même dans toute l'Europe, depuis le xivc siècle jusqu'à la fin
du xvi°.

Les émaux de basse taille étaient des bijoux précieux qui
s'exécutaient généralement sur or et sur argent, et la vogue
qu'ils acquirent fit le plus grand tort à la fabrication de Limoges
qui travaillait principalement sur le cuivre. Cette fabrication
d'ailleurs était en pleine décadence dès le xv° siècle et, comme elle
était presque exclusivement religieuse et que le zèle pour les
reliques s'était beaucoup refroidi, elle ne pouvait soutenir la
concurrence avec un procédé qui s'appliquait surtout à la bijou-
terie.

Ce ne furent pas les orfèvres, mais bien les peintres verriers
de Limoges qui firent les premiers émaux de peintres, et, en
créant la seconde école de Limoges, assurèrent à l'industrieuse
cité deux siècles de célébrité artistique. Au reste, ce ne fut nulle-
ment le désir de faire mieux qui fit rechercher des procédés
nouveaux ; les véritables artistes ne sont venus qu'après les
inventeurs. Ce fut simplement la nécessité de créer une industrie
rivale, dont les produits imitassent les émaux de basse taille et
pussent se vendre meilleur marché. Pour cela on peignait sur
la plaque une espèce de camaïeu où les ombres seulement étaient
indiquées, et on étendait ensuite des émaux colorés et transpa-
rents qui, rehaussés d'un travail d'or pour accuser les lumières,
produisaient à peu près l'illusion des émaux de basse taille. Une
fois que le procédé fut découvert et mis en pratique, de véri-
tables artistes ne tardèrent pas à surgir et illustrèrent cette
industrie dont l'origine est absolument française et limousine.

Dans nos vieilles industries, le fils suivait toujours la carrière
de son père ; c'est ce qui explique pourquoi dans la liste des
peintres-émailleurs de Limoges nous voyons toujours plusieurs
artistes porter le même nom. La plus ancienne famille qui s'est
fait connaître dans cette industrie est celle des Penicaud; et

Nardon Penicaud est le plus fameux. « Tous les émaux que l'on
peut certainement attribuer à Nardon Penicaud, dit Alfred
Darcel, sont exécutés par apprêt sur fond blanc, c'est-à-dire que
les traits principaux du dessin sont largement appliqués au pin-
ceau en bistre sur fond blanc, excepté pour les bleus turquoise
et pour les carnations. Les premiers sont appliqués avant les
traits du dessin; les secondes sont modelées en blanc sur un fond
violet bleuâtre, qui donne à toutes les carnations des émaux de
Nardon Penicaud un ton caractéristique et facile à reconnaître.
Parfois un trait en bistre noir opaque donne plus de force aux
contours dans l'ombre. Des émaux translucides recouvrent le
fond, sur lesquels des rehauts d'or sont appliqués au pinceau
avec une grande habiletéet souvent avec une grande abondance,
afin d'accentuer les lumières. »

Léonard Limosin est le plus illustre parmi les peintres
émailleurs de cette période. La notice des émaux du Louvre
apprécie ainsi sa manière. « Dans une même composition il
réunit tous les genres et sait les fondre, avec une adresse qui
révèle un praticien consommé et un savant coloriste. Ainsi la
peinture en apprêt sur fond blanc, sur le métal lui-même et sur
paillons, se marie, dans certaines de ses pièces, avec la grisaille
dessinée et modelée par enlevage et avec le modelé par hachures
ou au pointillé plus spécial au portrait. Mais les couleurs des
émaux sont choisies, suivant la nature du fond, de façon à
former une gamme continue, qui ménage les transitions entre les
tons les plus éclatants et les ombres les plus intenses. Ainsi, ce
sont les bleus, les verts et les pourpres des draperies qui recou-
vrent d'habitude les paillons, lesquels en avivent l'éclat, tandis
que les bruns de diverses nuances et les violets reçoivent un
éclat moindre du métal ou du fond blanc sous-jacent. Puis, dans
ces couleurs transparentes flottent quelques nuages d'émail blanc,
qui forment les lumières et qui ont leur écho dans les carnations,
les animaux et les accessoires, modelés par les procédés ordi-
naires de la grisaille. De telle sorte que ce sont les couleurs inter-
médiaires, couchées sur le métal ou le fond blanc, qui d'un
côté se lient, par leur transparence, avec les vives clartés des
émaux sur paillons, et de l'autre avec les grisailles par les touches
d'émail blanc qui y sont parfondues. Enfin quelques portraits,
ceux des donateurs par exemple, où la ressemblance doit être
cherchée, sont modelés au pointillé. Les tableaux de la Sainte-
Chapelle présentent l'exemple le plus magnifique et le plus com-
plet de la réunion de tous ces genres. »

Léonard Limosin est représenté au musée du Louvre par de
superbes émaux qui sont tous placés dans la galerie d'Apollon.
Le fameux tableau votif, dit de la Sainte Chapelle, est un assem-
blage de vingt-trois plaques d'émail réunies dans une monture
en bois. Il y en a deux qui se font pendant et qui représentent
tous deux des sujets religieux, avec le portrait en pied des dona-
taires qui sont, pour le premier, le roi François Ier et sa femme
Éléonore; pour le second, le roi Henri II avec la reine Catherine
de Médicis : ces donataires sont agenouillés devant un prie-Dieu.

i. Voir l'Art, 6" année, tome III, page 30;, tome IV, pages 20, 44,67,90, 114, 161,212 et 23S ; 7" année, tome I", pages 6j, SS, m, 156, 158, 18;, 205
et 236.
 
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