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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 1)

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Heulhard, Arthur: Art dramatique, [2]
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ART DRAMATIQUE

THÉÂTRE DE L'ODÉON : JACK. — THÉÂTRE DE L'AMBIGU : NANA.

eux pièces, découpées dans deux romans, ont
absorbé dernièrement l'attention de la critique :
Jack et Nana.

Encore que ces drames coulent d'une veine
différente, ils remontent tous deux à la même
source et s'inspirent du même procédé; c'est la vérité de l'obser-
vation qui vient ébranler, en plein théâtre moderne, l'édifice
vermoulu de la pièce à intrigue.

Au point de vue de la facture dramatique, M. Alphonse
Daudet est un naturaliste comme M. Zola, mais son natu-
ralisme, plus spiritualiste que physiologique, ne nous lance
point de coups droits; il prend du temps avant d'engager le fer
et tient à la vieille escrime française par la démonstration déli-
cate des feintes. Il se garde de nous désarmer à la première
passe, et M. Daudet n'est point de ces duellistes qu'on désire
combattre avec un pavé, tant leur poigne est rude et leur épée
outrancière.

C'est avec des ménagements d'artiste et de lettré que
M. Daudet nous ouvre les portes de la maison des champs, où
le poète Amaury Dargenton abrite ses fantasques amours avec
Ida de Barancy. Ne me demandez pas d'établir un parallèle par
opposition entre le roman de Jack et la pièce du même nom.
Ce jeu des parallèles plaisait infiniment à l'Aigle de Meaux qui
y trouvait matière à confondre les plans des humains : que de
parallèles dans VHistoire universelle ! Jack se prête moins à ce
travail d'esprit dans lequel Bossuet remporterait un trop facile
avantage. J'aime mieux avouer que la pièce, tout en voyageant
dans une carriole que lui a prêtée le livre, suit un autre chemin
moins fleuri, mais aussi plus direct. Arrivons au fait. Qu'est-ce
donc que cet Amaury Dargenton, déjà nommé? Un poète à per-
ruque embroussaillée et à cervelle vide qui, par de grands gestes,
par de pompeuses déclamations, par des allures de victime
et de martyr méconnu, fait la conquête d'Ida de Barancy, demoi-
selle mûre d'âge et légère de mœurs. Quand les demoiselles de
cette trempe s'amourachent d'une tête de linotte huppée comme
celle de Dargenton, elles tombent au dernier terme de l'escla-
vage, et, vu sous cet angle, le point de départ de la pièce est
d'une exactitude scrupuleuse. Ida de Barancy n'est point une
méchante femme ; c'est une évaporée, gaie, vive et de premier
mouvement, une de ces femmes pour lesquelles la vie n'est qu'une
longue nuit blanche. Elle aurait pourtant bien des raisons d'être
sérieuse, réfléchie, soucieuse même; n'a-t-elle pas un fils, Jack,
qui court les mers, loin d'elle, dans la soute du Cydnus, employé
au chauffage de la machine ? Est-ce là le sort que méritait
ce pauvre petit Jack, qui, avec de bons instincts, avait bon
désir d'apprendre et de devenir un homme? Non certes, et bien
qu'Ida l'ait sacrifié à sa folle passion pour ce Trissotin de Dar-
genton, elle convient au fond qu'elle se comporte en mauvaise
mère. Pauvre petit Jack! Elle l'aime pourtant, elle l'aime par
accès de dilettantisme maternel; elle se reprend d'affection
pour cet être abandonné, toutes les fois que le brave docteur
Rivais — un voisin de campagne — le rappelle à son bon cœur.
Ces jours-là, Ida sent poindre une larme à ses cils; mais Dar-
genton, qui a des théories toutes prêtes sur la lutte pour l'exis-
tence, lui fait presque honte de sa faiblesse, et elle retourne à
ses pensées frivoles, à ses sautillements de merle qui se croit
quitte envers la nature après qu'il a sifflé dans les branches.
Tome XXIV.

Toute l'exposition du drame est consacrée à la peinture de ces
caractères, exposition longue, peinture patiente, ensemble
monotone, malgré les lazzis de Labassindre, cette basse profonde
venue du midi exprès pour étonner la capitale.

Le drame ne se lie qu'au second acte, avec l'arrivée .de
Jack à Paris. Au milieu d'une soirée donnée aux fantoches du
Parnasse moderne par Dargenton, Jack, qui a bu pour se
monter, s'avance en tenue de chauffeur, se plante dans le salon
de réception, et dit sourdement, mais avec la volonté intense de
l'idée fixe : « Maman, où est maman ? Je veux voir maman ! »
Dargenton parlemente inutilement; Jack insiste. D'abord de
quel droit Dargenton intervient-il ? Il n'est point le père de Jack,
et Jack demande sa mère. Or, la voici justement qui vient,
parée d'une belle robe de soie. Oui, cette superbe dame,
c'est la mère de Jack. La scène qui éclate ici, le jeu muet de
Jack qui s'avance vers Ida, tout tremblant de ne point être
reconnu, la physionomie d'Ida considérant d'abord sa robe
qu'elle craint de friper, puis se jetant résolument au cou de
son enfant, toute cette série de contrastes fermement tranchés
entre la situation du fils et celle de sa mère, a plongé la salle
dans une violente agitation de sentiments. Une lourde oppression
est descendue sur les poitrines, les larmes ont envahi les yeux,
et la cause de M. Daudet, compromise par les lenteurs du début,
a été aussitôt gagnée.

Il s'en faut cependant que le martyre de Jack finisse avec
cet épisode; il entre dans une nouvelle phase. Il est vrai que,
dans un transport plus audacieux que touchant, Ida de Barancy
a dit qu'elle préférait son fils à son amant. Dargenton ne tarde
pas à reprendre son empire sur cette femme d'un tempérament
malléable, accessible aux raisonnements spécieux, incapable
de résolutions fortes et chez laquelle les ardeurs maternelles
ont été étouffées sans peine par les frivolités de la galanterie.
Cette mère, lâche avec insouci, infâme avec élégance, dénaturée
avec des sourires de conscience paisible, nous la voyons aban-
donner Jack une seconde fois. Ida le confie aux soins du docteur
Rivais, à Ètiolles; là du moins, Jack est à bonne école de
morale, et puis il se sent presque heureux dans cette douce
maison qu'embaume la présence de Cécile, son amie d'enfance.
L'esprit aigri par la misère, le corps déjà usé par de précoces
souffrances, Jack trouve un soulagement dans l'amour de Cécile
et dans l'amitié du docteur; enfin, il y a donc des personnes sur
terre qui s'intéressent à lui et qui lui veulent du bien ! Cette
pensée le réconforte; sur les conseils du docteur, il se décide à
étudier la médecine à Paris, tout en travaillant pour vivre;
c'est la mère Archambault qui lui tient son humble ménage de
garçon, une bonne femme, cette vieille Archambault, et qui eût
fait une autre mère qu'Ida si le ciel lui eût donné un fils! Après
quatre ans d'études, Jack sera médecin et épousera Cécile : les
choses sont convenues avec Rivais.

Pourquoi faut-il que l'étourderie et l'ihconduite d'Ida tra-
versent en giboulées ce rêve de bonheur? Un moment, Jack
pensait avoir reconquis sa mère : il la croyait arrachée aux
griffes de ce maudit Dargenton. Ida paraissait revenue au
sentiment de la réalité : elle parlait d'habiter avec Jack, elle
urait d'oublier Dargenton, de se consacrer à son gentil petit
k, de choyer son cher petit Jack, d'aimer pour de bon son
oli petit Jack. Hélas! Dargenton n'a qu'à se montrer dans la

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