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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 1)

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Saint-Raymond, Edmond: Antonio Moro
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Heulhard, Arthur: Art dramatique, [6]
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https://doi.org/10.11588/diglit.18877#0383

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ART DRAMATIQUE.

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système d'effet sauf un peu plus de parti pris dans la disposition
de la tète. Les qualités du tableau précédent se retrouvent pour
la plupart dans celui-ci. Le dessin de la tète et des mains est
cependant un peu plus sec, plus découpé, et présente même en
certains endroits des contours mesquins et pauvres. Il a. toute-
fois, un caractère très attachant, parce qu'il est très personnel,
plein d'accent, de réalité et de physionomie vivante. Il retrace
avec énergie le tempérament et l'âme. C'est une grande dame,
mais non point encore de celles que Van Dyck peindra plus
tard avec leurs habitudes d'éducation polie, leur bel air de corn-
et leurs grâces légères; celle-ci s'est formée sous la pratique de
devoirs austères, parmi les occupations sans éclat d'une vie
monotone. Elle a été belle, mais elle est flétrie et souffrante. La
distinction native de sa physionomie est chargée d'une teinte
mélancolique. Le visage est songeur dans son galbe anguleux.
L'expression en deviendrait aisément un peu grondeuse et triste,
si un léger sourire ne venait relever à propos le coin de ses
lèvres fines et découvrir le fond de la vraie nature, demeurée
aimable et bienveillante sous le masque qui est l'œuvre des
années.

Cette précision de dessin qui ne craint pas la sécheresse,
qui s'accuse davantage dans ce tableau, et dont on retrouverait,
en cherchant bien, quelques traces dans le tableau précédent;
cette préoccupation du détail qui va quelquefois jusqu'à la
minutie; cette passion de tout finir avec le même soin précieux,
jointes h la recherche et à l'énergie de l'accent individuel et du
rendu naturaliste, nous ramènent ;'i ce que nous disions au
commencement de cette étude, qu'il était parfois aisé, malgré sa
manière italianistc, de retrouver dans Antonio Moro un artiste
des Pays-Bas. Non seulement ses quelques défauts rappellent

cette origine, mais on peut dire encore que son dessin l'accuse
assez franchement dans ses éléments constitutifs. Elle est bien
plus vivement accusée encore dans la facture des costumes et
des accessoires. Ces dentelles, traitées avec le fini le plus
extrême, ce satin blanc si justement exprimé, cette chaîne d'or
dont le rendu est poussé jusqu'à l'illusion, ces vêtements dont
le peintre trouve le moyen de nous montrer tous les plis, tous
les dessins de l'étoffe malgré la sombre tonalité qui les enve-
loppe, ces fleurs et ces feuillages si précieusement terminés, ce
petit oiseau aux vives couleurs qui, dans son coin, émerge brus-
quement de l'ombre, ne sont-ce pas là autant de traits propres à
l'art néerlandais, autant de facultés dont les peintres de l'âge sui-
vant tireront un si brillant parti dans leurs petites toiles, mais
dont un Italien de la grande époque n'aurait jamais eu la pensée ?
C'est sur cette impression qu'on se sépare d'Antonio Moro; elle
n'enlève rien à son mérite; elle montre seulement que, tout en
sachant profiter des leçons étrangères, il est demeuré, au fond,
fidèle à ses traditions nationales. Il leur a plus donné .qu'il n'a
reçu d'elles; il les a assouplies et élargies; il les a élevées à une
interprétation plus correcte et plus grandiose; il a mis à leur
service une facture plus savante, plus souple et plus variée; il a
réalisé un progrès considérable sur l'exécution mince et inexpé-
rimentée de ses premiers maîtres. Après lui, les grands por-
traitistes pourront s'abandonner à la libre inspiration de leur
pratique magistrale. Placé sur la limite des deux âges, il
devient le trait d'union entre les deux écoles; il se montre
l'héritier de l'ancienne et l'initiateur de la nouvelle; il donne
une main à Holbein et tend l'autre à Van Dyck.

Edmond Saint-Raymond.

ART DRAMATIQUE

Théâtre du Chateau-d'Eau : Esclave du devoir. — Odéon :
Le Klèphte ; Mon Député! ■— Vaudeville : Reprises de la
Visite de Noces et de la Princesse Georges. — Une lettre de
M. Émile Augier.

u théâtre du Chàteau-d'Lau, l'Esclave du devoir,
drame en cinq actes de M. Valnay, n'a pas préci-
sément rallié tous les suffrages; il sied de dire
que le public qui assiste aux premières repré-
sentations de ce théâtre n'est point animé de
'esprit de conciliation nécessaire. Les artistes qui composent
la troupe du Château-d'Eau vivent en république, partagent
les peines à raison de leur activité, divisent les salaires à raison
de leurs mérites respectifs. C'est peut-être la société d'artistes la
plus recommandable de Paris; nulle autre ne peut entrer en
lutte avec elle pour la constance du labeur accompli. Tous les
mois, tous les quinze jours quand il le faut, elle affiche un
nouveau drame, soigneusement répété, et joué avec une con-
science qui est comme la marque de fabrique de la maison.
Le croiriez-vous? (hélas! vous le croirez sans peine) les spec-
tateurs du premier soir, ceux de la presse et du beau monde,
peu touchés de ce saint zèle, cherchent matière à rire dans tout
ce qui se débite sur la scène. C'est mal récompenser d'honnêtes
gens qui gagnent leur vie d'une façon fort congrue et qui n'ont
jamais cherché le succès que dans des ouvrages écrits à l'hon-
neur de la vertu et à la confusion du vice. On va au Château-
d'Eau comme on allait jadis à Bobino, pour rompre la monotonie
des plaisirs qualifiés, et s'amuser aux dépens des acteurs. Je
signale ces tendances comme peu généreuses et surtout comme
peu dignes du public parisien qui s'y provincialise. Je sais bien
que tel qui rit le plus fort au milieu d'une tirade redondante

serait le premier à tirer vingt francs de sa poche pour le bénéfice
d'un artiste dans le besoin, mais l'agrément de la facétie lancée
au lustre prime toutes les autres considérations. Ceci dit dans
l'intérêt de la charité chrétienne, il m'en coûte peu de déclarer
que le drame de M. Valnay ne commandait qu'un enthousiasme
mitigé. Pourtant, je lui sais gré d'avoir inauguré un genre de
duel qui brise les vieux moules de la tradition : le duel à la
machine. André Hubert est l'inventeur d'un frein instantané
qui arrête une roue en pleine rotation ; Octave Delamarre ayant
surpris Hubert aux pieds de Mm° Delamarre et mal interprété
cette position compromettante, provoque l'inventeur et, comme
il a le choix des armes, il décide que, le jour de l'inauguration
de la machine, le combattant désigné par le sort engagera son
bras dans l'engrenage dont le frein aura préalablement été
enlevé. Inutile de vous dire que c'est à Delamarre qu'échoit cette
cruelle expérience ; il s'y abandonne courageusement, lorsque
Hubert se précipitant sur la machine met son invention à néant.
Si l'abnégation du brave ouvrier n'était point récompensée, il
faudrait interner la Providence aux Petites-Maisons, et, sur le
théâtre du Château-d'Eau, on ne se permettrait'point une pareille
séquestration. Aussi Hubert épouse-t-il Suzanne, la propre sœur
de M'nc Delamarre. Il y a un Dieu pour les machinistes!

Esclave du devoir est joué fort décemment, comme à l'ordi-
naire, par les sociétaires du théâtre, et Péricaud, dans un rôle
d'ouvrier philosophe qui a son franc-parler avec tout le monde,
a droit à une mention spéciale. M1" Guyon, qui fait Suzanne, ne
mériterait point d'être oubliée. Quant à Dalmy, qui joue Hubert,
il était atteint le premier soir d'une grippe intraitable — une
sorte de frein instantané dans la gorge.

Al'Odéon, deux pièces nouvelles ont paru, avec des for-
 
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