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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 1)

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Heulhard, Arthur: Art dramatique, [6]
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35o

L'ART,

tunes bien différentes : le Klephte, comédie en un acte de
M. Abraham Dreyfus, et Mon député ! comédie en trois actes de
MM. Jules Guillemot et Fontaine. Celle-ci a déjà disparu de
l'affiche ; elle s'est effondrée avec le dernier pan de mur du
Printemps. J'ignore qui est M. Fontaine, l'un des auteurs
de cette malencontreuse comédie, et je ne lui rendrai point le
mal qu'elle m'a fait, mais je voudrais, pour M. Guillemot, qu'elle
fût de M. Fontaine seul. En effet, M. Jules Guillemot tient un
rang fort honorable dans la critique; c'est un feuilletoniste
instruit dans les saines doctrines de l'art, et l'on doit déplorer
qu'il en ait fait litière dans sa pièce. Notez que l'idée mère de
l'ouvrage n'est point sotte ; il s'en faut de beaucoup. Un électeur,
persuadé que le député de l'arrondissement ne doit sa nomi-
nation qu'à son influence, s'installe chez lui comme en pays
conquis, s'érige en tyran domestique et réduit le représentant
du peuple à l'esclavage; c'est le mandat impératif introduit dans
la vie privée et exercé à domicile. A travers toutes les sottises
que l'électeur suggère à son député, il en est une qui tourne
enfin contre lui. Le député s'étant battu en duel avec l'électeur
le plus influent du parti opposé, fait la conquête de son adver-
saire qui supplante le précédent électeur. Voilà pour les grandes
lignes. Le détail en est misérable, et c'est ce qui a gâté Mon
député. La monotonie des situations a lassé la patience du spec-
tateur. On conseillait tout bas, presque tout haut, au député de
lancer par les fenêtres un électeur aussi ennuyeux, et c'était le
seul remède. Des hommes du métier auraient tiré bon parti de
la donnée initiale; il manque à MM. Guillemot et Fontaine ce
qu'on appelle, en jargon d'atelier, le coup de pouce, c'est-à-
dire cette dextérité de main qui ne laisse pas à l'objet le temps
de paraître banal. Les interprètes, en marchant à tâtons dans
cette nuit noire, ont perdu le sens comique : bref, la chute a
été complète.

Le petit acte de M. Abraham Dreyfus, au contraire, nous a
tenu en joie pendant plus d'un quart d'heure ; bénis soient ces
quarts d'heure-là! M. Dreyfus a dans les veines du sang de
Gozlan, et le Klephte en est la preuve. Un jeune couple,
Philippe et Claire, lit Victor Hugo à la campagne, dans l'état
psychologique de la lune de miel. Arrivés à ce passage de l'Orien-
tale intitulée : La^ara :

Ce n'est point un pacha, c'est un Klephte à l'œi] noir
Qui l'a prise, et qui n'a rien donné pour l'avoir,

Car la pauvreté l'accompagne;
Un Klephte a pour tout bien l'air du ciel, l'eau des puits,
Un bon fusil bronzé par la fumée, et puis

La liberté sur la montagne.

Madame fait la moue, ce Klephte ne lui plaît pas. Monsieur prend
feu pour le hardi montagnard, la querelle s'échauffe, et c'est
bel et bien une brouille dans le ménage. Ce n'est rien, mais si
vous saviez quelle bonne humeur, quelle franche gaieté cela
respire! Au plus fort de la bouderie, arrive un autre ménage,
le ménage Praberneau, modèle de tous les ménages. Les Pra-
berneau mettent une si chaleureuse insistance à réconcilier nos
jeunes gens qu'ils s'enflamment à leur tour et que, pour la pre-
mière fois de leur vie peut-être, ils entrent dans une colère
apoplectique. Il faut que Philippe et Claire les raccommodent.
Il y a une jolie scène de ce goût, très humaine et très vivement
troussée, dans l'acte de Gozlan qui a pour titre : Dieu merci, le
couvert est mis. Le Klephte de M. Dreyfus ne lui cède en rien
pour les qualités d'humour et d'observation. Il est joué à ravir
par Amaury et MUs Sizos, par Porel et Mmo Grivot. Le rôle du
domestique, qui a fait rire de si bon cœur, est tenu avec une
fine bonhomie par Boudier. Imaginez que ce domestique, ami
de la paix avant tout, est tellement impressionné par les révo-
lutions de la maison, qu'il s'écrie, dans un élan de désespoir
vraiment magnifique : «Voilà ma vie! La voilà, ma vie! » Vous
ne sentez pas le trait, et, à proprement parler, il n'y en a pas,
mais la suffisance de ce valet, qui ne voit d'autre victime que lui
dans cette désagrégation générale de la famille, est d'un effet

| irrésistible. Le Klephte regorge de ces mots qui valent peu par
eux-mêmes, mais qui empruntent à la situation des battements
d'ailes incroyables.

Le Vaudeville a renouvelé son affiche par les reprises de
la Princesse Georges et de la Visite de noces. Le souvenir de la
pauvre Desclée plane encore sur ces pièces fiévreuses, et. sans
effacer absolument le grand nom de Dumas fils, il le tient
presque en échec. Les discussions qu'elles ont soulevées en leur
temps sont épuisées aujourd'hui; et c'est un simple intérêt de
distribution qui nous travaille. Dupuis joue actuellement dans
la Visite de noces le rôle de Lebonnard, que Raynard créa jadis
au Gymnase; ce Lebonnard est un raisonneur de l'ancienne
comédie, auquel Dumas fils a prêté toute l'acuité de son esprit.
Dupuis y est merveilleux, mais un peu à contresens du person-
nage ; il l'a poussé au pittoresque, j'allais dire au débraillé. C'est
M11" Legault qui succède à Desclée dans la Princesse Georges,
comme Romulus Augustule succède à César. Après une tenta-
tive aussi osée, aussi peu en harmonie avec son tempérament.
M11" Legault peut aborder tous les emplois du théâtre... même
celui des pères nobles.

La grande, la vraie, la seule nouveauté de la semaine, c'est
la leçon de modestie que M. Emile Augier vient de donner, sur
le ton de la modestie la plus rare, à certains auteurs de son
temps; voilà une nouveauté qui sera toujours nouvelle. Un de
nos confrères en critique, M. Laforêt, s'étant adressé à l'auteur
du Mariage d'Olympe, pour avoir le fond de son sentiment sur
cette pièce qui a fait pleurer tant d'encriers, M. Emile Augier a
répondu par une lettre que je transcris entièrement :

« Je n'ai pas conservé un seul article de journal relatif à
cette malheureuse pièce, et j'en suis bien fâché, puisque cela
aurait pu vous servir. Quant aux explications, éclaircissements
apologétiques que vous me demandez, je n'en ai pas à donner;
je me range complètement à l'avis du public, parce que cette
reprise, où il n'y a pas eu l'apparence d'une lutte, m'a laissé
tout mon sang-froid, et j'ai senti, comme la salle, que la pièce
laisse une impression pénible. C'est la pire des condamnations,
après l'ennui toutefois. La première condition de notre art est
de s'emparer de l'auditoire, c'est la seule à laquelle on ne
manque pas impunément. J'y ai manqué; je ne réclame rien ;
habemus confitentem reum. Voilà dans quel sens je ferais une
préface, si j'en faisais une. Vous voyez que ce n'est pas la peine
et que je fais mieux de me taire. Je vous serre cordialement la
main, etc.

« Emile Augier. »

Je ne vous ai point parlé du Mariage d'Olympe, repris au
Gymnase, il y a deux mois passés; l'occasion ne s'en est point
présentée. D'ailleurs, cette reprise, qui est la seconde depuis
l'apparition de la pièce en 1855, a eu lieu dans des conditions
défavorables, qui ne sollicitaient pas l'attention. Mais la lettre de
M. Emile Augier, à la fois si digne et si habile dans sa réserve,
appelle la critique à la rescousse et semble la convier à un examen
dégagé de toutes les préventions qu'a pu soulever l'interprétation
du Gymnase. Tout en applaudissant à l'abdication désintéressée
de M. Augier entre les mains du public, tout en le proposant en
exemple à ces enragés sophistes qui ratiocinent cent pages durant
sur le sort d'ouvrages dont la postérité ne retiendra pas une
ligne, je regrette, pour ma part, que l'illustre auteur du Gendre
de Monsieur Poirier ne nous ait pas fait connaître les motifs des
nombreuses modifications qu'a subies le Mariage d'Olympe en
1863, au Vaudeville, et en 1880, au Gymnase. Il est évident que
notre confrère cherchait à arracher de vM. Augier quelques
secrets de métier dont auraient tiré profit les jeunes gens qui
écrivent pour le théâtre et même les hommes arrivés qui
s'exagèrent la toute-puissance du premier jet dramatique. Sous
le coup de la lettre de M. Augier, j'ai relu avec le plus vif
 
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