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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 4)

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Tardieu, Charles: Notes sur le Salon de Bruxelles, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.18880#0055
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42

L'ART.

qui excelle à raffiner son dessin pour l'accommoder au petit
format de ses portraits, et qui étudie un intérieur moderne
avec autant de minutieuse adresse qu'il met de grandeur et de
simplicité dans ses larges interprétations de la vie des champs.

L'Hérodiade de M. Benjamin Constant a un double succès,
succès de peinture et succès d'actualité. L'Hérodiade de
M. Massenet vient d'entrer en répétitions au Théâtre de la
Monnaie. Grâce au peintre, l'héroïne du compositeur est déjà
populaire parmi nous.

Invité à prendre parti dans la scène conjugale de M. Ger-
vex. Après le bal, notre public, comme le vôtre, donne raison
au mari et tort à sa femme dont le corps est décidément trop
long pour qu'on lui accorde le bénéfice des circonstances
atténuantes, tirées de la modernité de l'exécution, et du
piquant contraste des lumières qui se jouent sur les blancs de
la toilette et du mobilier.

On discute M. Fantin-La-Tour ; il a ses adversaires mais
aussi ses partisans, et vous me permettrez de me ranger parmi
ces derniers. Si l'on ne discute pas M. Bertier, c'est qu'il est
difficile de dénicher son Vieux Curé de campagne, qui méri-
tait d'être mieux placé.

M. Edouard Dantan plaît, et tout le monde voudrait par-
tager le Déjeuner du modèle, saut peut-être quelques gourmets
qui ne se contenteraient pas d'un œuf sur le plat.

Enfin le Portrait des amis de M"c Louise Breslau est l'une
des sensations du Salon. Pas jolis les amis, ou plutôt les
amies. Il faut croire qu'elles n'en sont que plus aimables. D'au-
tant plus solide l'amitié qui, sensible seulement aux qualités
du cœur, ne s'inquiète pas des laideurs du visage. D'autant
plus forte la peinture qui les fait accepter, qui les impose à
l'égal de beautés authentiques et de séductions irrésistibles.
C'est peint à coups de pouce, mais d'un relief étonnant, vu à
une certaine distance, et d'une rare intensité de vie.

Il y a aussi plusieurs envois étrangers dont les dernières
expositions parisiennes ne m'ont laissé aucun souvenir.

De M. Jalabert, le Portrait de la reine Marie-Amélie, bien
supérieur à ce que je connais de cet artiste, très apprécié ici
depuis l'Exposition de 1866, où il avait deux portraits de
jeunes femmes, un peu maniérés mais d'une élégance gracieuse
fort agréable. Quelque talent qu'on lui reconnaisse, on ne
comptait pas sur une œuvre d'un pareil caractère. Rien d'offi-
ciel ni de convenu dans ce portrait de la vieille reine, veuve,
exilée, morte à tout sauf au souvenir ; ni fausse majesté ni
fausse sentimentalité, mais de la noblesse et de la grandeur
sans apprêt, et une émotion qui émane du sujet et de la par-
faite appropriation des moyens d'exécution au sujet même,
une émotion bourgeoise comme la royauté de Juillet, tragique
comme son infortune. J'aime moins le Portrait de Mn" Jeanne
Gérôme. Pourtant si c'est la fille du célèbre peintre, on s'ex-
plique l'aspect porcelaineux de ce jeune profil qui se détache
sèchement sur un fond bleu de ciel. Une attention pour le
père; histoire de lui rappeler ses brillants travaux de jeunesse
à la manufacture de Sèvres.

De M. Pharaon De Winter, élève très peu cabanellisant de
M. Cabanel, le Dimanche des Rameaux, une vieille paysanne
de la Flandre française, qui, tout en marmottant ses prières,
nous rappelle de vieilles amies à elle, que vous avez déjà
remarquées à Paris.

De M. Léon Barillot, une Etable, simple pochade, mais
d'un ton chaud et d'un émail attrayant.

De M. Chabry, indépendamment de sa Forêt de Buch,
que vous avez vue cette année aux Champs-Elysées, une vue
du Nil à Assouan, œuvre distinguée d'un artiste qui a mis du
temps à percer mais qui se rattrape.

M. Vacslav Brozik, le peintre tchèque, ne paraît pas en
progrès. Vous connaissez son Christophe Colomb. Il nous a

envoyé en outre Une Fête chef Rubens. Deux toiles d'un
nombre considérable de mètres carrés sans compter les bor-
dures. Ni l'une ni l'autre ne vaut ses Fiançailles de Dagmar
qui lui ont mérité une médaille à Paris il y a quelques années.
N'empêche qu'il faut beaucoup de science et de talent pour
emmancher de pareilles machines, et peut-être même n'en
eût-on pas demandé autant à M. Brozik s'il les avait exposées
en i835.

M. Mauve, le Hollandais : Un Troupeau de moutons brou-
tant l'herbe rare de quelque dune; facture sommaire, mais
aspect très juste, impression très vive d'air et de clarté.

M. Henkes, son compatriote : les Voisines, petit tableau
discret, qui accroche d'autant moins le regard qu'il est accroché
au coin d'une porte, mais on ne regrette pas de l'avoir cherché.
Ces voisines lisent le journal tout près d'une fenêtre, la fenêtre
de Van der Meer de Delft, et potinent à qui mieux mieux, non
sans quelque difficulté pour l'une d'elles qui est un peu sourde.
Les physionomies sont amusantes, et la lumière est finement
étudiée. Cependant il ne me semble pas que le talent de
M. Henkes ait grandi depuis sa Maitresse de tricot*.

Connaissez-vous M. Mannheimer, de Munich? Il a Un
Vieillard qui n'est pas mal peint. Un vieillard qui ne se fait pas
faute de boire du schnaps. Son nez rubicond en témoigne.
C'est peut-être le froid.

De Munich aussi M. Benczur. Deux moines dont les têtes
sont étudiées avec esprit; mais que la peinture est terne et
lourde 1

Les Lions et les Tigres de M. Paul Meyerheim, de Berlin,
sont logés un peu haut; encore voit-on bien qu'ils sortent de
la ménagerie d'un maître qui s'entend à dompter les fauves.

Les animaux de Mllc Rosa Bonheur sont mieux que domp-
tés ; ils sont éteints. Son lion pose comme un modèle à tant la
séance. Ses chevaux... on dirait des chromolithographies
d'écurie. Sachons gré du moins à M110 Rosa Bonheur de ne
nous avoir montré que les tètes de ces nobles bêtes. Que
serait-ce!... mais n'oublions pas que l'éminente artiste appar-
tient à « ce sexe auquel tu dois ta mère ». Du reste, ça se vend
tout de même. Et très cher, paraît-il. C'est égal, je plains le
bookmaker qui prendra ces chevaux-là pour favoris.

L'Italie n'est guère représentée que par M. Pio Joris, que
nous retrouverons aux aquarelles, et par un tableau d'un imi-
tateur de Gérôme, M. Gaétan de Martini, de Naples, qui, non
sans quelque talent d'ailleurs, a réduit aux proportions de
l'opérette picturale le thème des Romains de la décadence.

L'Espagne n'a qu'un panneau imperceptible de M. Santiago
Arcos, le Choix d'une guitare. Peu de chose, mais quelqu'un.

Deux peintres hongrois obtiennent un grand succès :
M. Georges Vastagh, avec un portrait de jeune garçon en
costume Louis XIII, ou l'élégance du dessin et la finesse du
modelé rachètent la faiblesse d'un coloris creux, sans invention,
dont la palette pure fait tous les frais ; et M. Eugène Gyarfas
avec un très joli tableau de genre, que le catalogue intitule
Une Visite, mais dont le public a trouvé le véritable titre : « la
première dent ». Une jeune maman ouvrant la bouche à son
bébé et montrant au grand-père en extase la quenotte princeps
de l'héritier du nom. Le modelé est encore plus raffiné que
chez M. Vastagh, et la couleur plus heureuse. Les chairs du
moutard sont délicatement traitées, et la façon dont sa petite
tête se détache sur la figure non moins fraîche et claire de la
jeune femme atteste un vrai savoir et une grande habileté
d'exécution. Ce tableau qui fait la joie des familles n'intéresse
pas moins les artistes.

Je n'en dirai pas autant du Commérage de M. de Agghazy,
peintre hongrois comme MM. Vastagh et Gyerfas. Ces com-
mères de village ne sont pas mal groupées; il y a du naturel
dans les attitudes et les expressions; mais c'est peint d'une

I. Voir l'Art, i'° année, tome III, page 56.
 
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