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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 4)

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Fouqué, Octave: Le drame lyrique et Richard Wagner, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.18880#0156
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LE DRAME LYRIQUE

ET RICHARD WAGNER.

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faire, il publia sa profession de foi dans le feuilleton où il
rendait compte des concerts donnés par Wagner au Théâtre-
Italien. Dans ce manifeste, Berlioz se déclarait partisan de la
nouvelle école en tant qu'elle demandait la liberté dans les
formes musicales et leur renouvellement, le rapport direct et
étroit de la musique avec la parole et la déclamation, la sup-
pression des vocalises dans la musique sérieuse.

« Si tel est, disait-il, le code musical de l'école de
l'avenir, nous sommes de cette école, nous lui appartenons
corps et âme, avec la conviction la plus profonde et les plus
chaleureuses sympathies.

« Mais si elle vient nous dire :

« Il faut faire le contraire de ce qu'enseignent les règles.

« On est las de la mélodie ; on est las des dessins mélo-
« diques; on est las des airs, des duos, des trios, des morceaux
« dont le thème se développe régulièrement; on est rassasié
« des harmonies consonnantes, des dissonances simples, pré-
« parées et résolues, des modulations naturelles et ménagées
« avec art.

« Il ne faut tenir compte que de l'idée, ne pas faire le
« moindre cas de la sensation.
« Il faut mépriser l'oreille...

« Il ne faut accorder aucune estime à l'art du chant, ne
« songer ni à sa nature ni à ses exigences.

« Il faut dans un opéra se borner à noter la déclamation,
« dût-on employer les intervalles les plus inchantables, les
« plus saugrenus, les plus laids.

« Les sorcières de Macbeth ont raison : le beau est hor-
« rible, l'horrible est beau. »

« Si telle est cette religion, très nouvelle en effet, je suis
fort loin de la professer. Je n'en ai jamais été, je n'en suis pas,
je n'en serai jamais.

« Je lève la main et je le jure : Non credo. »

Protestation éloquente, mais dénuée de toute raison. Wagner
y répondit par une lettre qui fut insérée sans commentaire à
la deuxième page du Journal des Débats. J'en extrais quelques
passages, dans lesquels l'auteur laisse voir plus que partout
ailleurs la pensée dominante qui a dirigé sa vie artistique.

n En 1848, j'avais été frappé de l'incroyable mépris que la
révolution témoignait pour l'art, dont c'était fait, à coup sûr,
si la réforme sociale eût triomphé En recherchant les causes
de ce dédain, je trouvai, à ma grande surprise, qu'elles étaient
presque identiques avec les raisons qui vous portent, mon
cher Berlioz, à ne négliger aucune occasion d'exercer votre
verve ironique à rencontre des établissements publics de
l'art... Dans les théâtres en général, et l'Opéra en particulier,
l'art n'est en effet qu'un prétexte à l'aide duquel on peut, tout
en conservant les dehors de la décence, flatter avec fruit les
plus frivoles penchants du public des grandes villes.

« J'allai plus loin : je me demandai quelles devaient être
les conditions de l'art pour qu'il pût inspirer au public un
inviolable respect, et, afin de ne point m'aventurer trop dans
l'examen de ces questions, je fus chercher mon point de
départ dans la Grèce ancienne... Nous nous étonnons aujour-
d'hui que trente mille Grecs aient pu suivre avec intérêt la
représentation des tragédies d'Eschyle; mais si nous recher-
chons le moyen par lequel on obtenait de pareils résultats,
nous trouvons que c'est par l'alliance de tous les arts concou-
rant ensemble au même but, c'est-à-dire à la production de
l'œuvre artistique la plus parfaite et la seule vraie.

« Ceci me conduisit à étudier les rapports des diverses
branches de l'art entre elles, et, après avoir saisi la relation-
qui existe entre la plastique et la mimique, j'examinai celle
qui se trouve entre la musique et la poésie. Je reconnus que
précisément où l'un de ces arts atteignait des limites infran-
chissables commençait aussitôt, avec la plus rigoureuse exac-
titude, la sphère d'action de l'autre; que conséquemment, par

l'union intime de ces deux arts, on exprimerait avec la clarté
la plus saisissante ce que ne pouvait exprimer chacun d'eux
isolément; que, par contraire, toute tentative de rendre avec
les moyens de l'un des deux ce qui ne saurait être rendu que
par les deux ensemble devait fatalement conduire à l'obscurité,
à la confusion d'abord, et ensuite à la dégénérescence et à la
corruption de chaque art en particulier. »

C'est là le résumé le plus net des idées que Wagner a
développées dans Opéra et Drame, Art et Révolution, l'Œuvre
d'art de l'avenir. Peu de temps après avoir écrit cette épître, il
reprenait l'exposé des mêmes théories dans sa lettre à Fré-
déric Villot, conservateur des musées impériaux. Cette lettre,
qui sert de préface à la traduction en prose française des quatre
poèmes d'opéra: le Vaisseau fantôme, Tannhœuser, Lohengrin,
Tristan et Iseult, est curieuse et utile à lire, malgré une cer-
taine confusion due à une méthode et à un esprit entièrement
germaniques, malgré aussi certaines phrases qui surgissent
tout à coup comme le Sphinx d'Œdipc au détour du chemin :
celle-ci, par exemple, qui a si fort égayé ce qu'on appelait il y
a vingt ans le petit journalisme :

« La grandeur du poète se mesure surtout par ce qu'il
s'abstient de dire afin de nous laisser dire à nous-mêmes, en
silence, ce qui est inexprimable; mais c'est le musicien qui
fait entendre clairement ce qui n'est pas dit, et la forme infail-
lible de son silence retentissant est la mélodie infinie. »

En attendant l'occasion de s'expliquer sur ce singulier
logogriphe, Wagner terminait ainsi sa lettre à Berlioz :

« Eh bien, mon cher Berlioz, puisque mon livre, non
traduit, restera probablement pour vous lettre close, faites-moi
l'amitié de croire, sur ma simple parole, qu'il ne contient
aucune des absurdités qu'on me prête, et que je n'y ai traité
en aucune façon de la question grammaticale de la musique.
Ma pensée va un peu plus loin; et, d'ailleurs, n'étant pas théo-
ricien de ma nature, je devais abandonner à d'autres le soin
d'agiter ce sujet, ainsi que la question puérile de savoir s'il est
permis ou non de faire ou non du néologisme en fait d'har-
monie ou de mélodie. »

On le voit, Wagner ne veut pas passer pour un simple
musicien. Les questions purement musicales ne l'intéressent
pas; il renvoie ceux qui l'en entretiennent à leur grammaire et
à leur code. Il n'admet pas le jugement des musiciens comme
un jugement de pairs.

Un critique averti en vaut deux. Notre collaborateur,
M. Arthur Pougin, chargé de donner un supplément à la
Biographie universelle des musiciens, a cru devoir consacrer
à Richard Wagner quinze pages de petit texte. La notice
débute ainsi :

« On ne voit généralement qu'une individualité chez
M. Wagner; or, à mon sens, il y en a deux, tout à fait dis-
tinctes, mais qui unissent leurs facultés dans la recherche du
but à atteindre, qui est la réforme du drame lyrique : il y a
l'esthéticien d'une part, de l'autre le musicien proprement
dit. »

Pour être dans le vrai, il nous faut renchérir sur l'ingé-
nieuse distinction établie par M. Pougin, et dire : Il n'y a pas
seulement deux hommes dans Wagner; il y en a trois et
même plusieurs. Cette enveloppe unique contient, outre l'es-
théticien et le musicien déjà nommés, un poète dramatique,
un metteur en scène, un philosophe, un polémiste. En cher-
chant bien, nous pourrions encore y découvrir un architecte
et un dessinateur. Depuis quelques années déjà Wagner
publie un journal hebdomadaire; il n'a pas craint de signer
dans cette feuille un article sur le végétarisme, un autre
sur les vivisections. Ce qui étonne, disons-le, c'est l'activité
puissante de ce vaste cerveau; et pour emprunter encore à
M. Pougin un autre alinéa, rendons hommage avec le conti-
nuateur de Fétis à « la puissante énergie, à la haute valeur
intellectuelle de l'artiste qui a pu rêver une conception aussi
 
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