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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 4)

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Heulhard, Arthur: Art dramatique, [5]
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Fouqué, Octave: Le drame lyrique et Richard Wagner, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.18880#0155

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i38

L'ART.

donner. Elle a traité la situation en boulevardière, pleine de
sève et de verdeur, en chanteuse d'opérette, en même temps
fière et confuse d'être promue à un grade dans la comédie,
en persona grata. Elle a éveillé de nombreuses sympathies,
qui ne se sont pas toujours produites avec la discrétion dési-
rable, en roucoulant une jolie romance d'après Garât et en
s'accompagnant sur le clavecin. On était au Gymnase, avec
Bayard et Dumanoir; on se croyait à la Renaissance, avec
Leterrier et Vanloo.

Je ne crois pas que M. Chabrillat, reprenant à l'Ambigu
Nana, ait été mieux inspiré que M. Koning, reprenant au
Gymnase les Premières Armes de Richelieu. M. Busnach, l'au-
teur delà version dramatique de Nana, s'est incliné devant les
critiques de la presse ; il a supprimé quantité de tableaux et

de scènes composés d'après le roman et qui faisaient longueur
au théâtre. Du foyer des Variétés, du théâtre de Bordenave,
du champ de courses, il n'est rien resté. L'incendie qui
dévorait l'hôtel de Muflat s'est éteint. M. Busnach a restreint
et concentré son action, qui forme aujourd'hui cinq actes
normalement mélodramatiques et nullement naturalistes. La
vérité est que cette réduction-Collas n'a pas rendu le spec-
tacle plus palpitant. L'interprétation n'a ni perdu ni gagné.
Le commun proverbe est que le Temps dévore tout : ce
Temps, exceptionnellement glouton en ce qui touche au pré-
tendu naturalisme, n'aura fait qu'une bouchée de l'Assommoir
et de Nana. O naturalisme ! ne serais-tu qu'un mot, comme la
vertu ?

Arthuk Heulhard.

LE DRAME LYRIQUE ET RICHARD WAGNER'

(SUITE)

J'arrête ici cette vue d'ensemble; j'en ai assez dit pour
montrer que Wagner n'est pas seulement un musicien, et qu'il
est tout autre chose. Ceux qui voudraient le juger au point de
vue purement musical, sur l'audition de fragments exécutés
dans les concerts, au milieu de conditions entièrement diffé-
rentes de celles qui mettent l'œuvre dans son jour, ceux-là, il
est à peine besoin de le dire, feraient entièrement fausse
route.

« Quelque talent qu'ait le compositeur, il ne fera jamais
que de la musique médiocre si le poète n'excite pas en lui cet
enthousiasme sans lequel les productions de tous les arts sont
faibles et languissantes. L'imitation de la nature est le but
reconnu qu'ils doivent tous se proposer, c'est celui auquel je
tâche d'atteindre... Ma musique ne tend qu'à la plus grande
expression et au renforcement de la déclamation de la
poésie. »

Ainsi s'exprime Gluck dans une lettre écrite en février 1773
au Mercure de France -, Ce sont là les idées de Wagner sur
les rapports de la musique et de la poésie. Seulement, Wagner
n'a pas recours, pour échauffer sa veine musicale, au génie
d'un Calzabigi ou à l'habileté d'un du Rollet; il est à lui-même
son propre poète. Étant donné le principe qui vient d'être
exposé, et qu'il reconnaît bien pour sien, c'est donc dans les
poèmes de Wagner qu'il faudrait rationnellement chercher le
caractère et la raison même de son tempérament musical.

Pour avoir fermé les yeux à cet état de choses, Berlioz se
trompa étrangement sur le compte de Wagner. Certes, notre
grand révolutionnaire est plus artiste, au sens romantique du
mot, que le réformateur allemand. Sa mélodie est plus neuve,
et aussi plus lumineuse; elle renferme plus de véritable passion
humaine. Si, au point de vue harmonique, Wagner est incon-
testablement plus fort, plus habile, plus sérieusement nourri
et incomparablement plus inventif, il faut reconnaître que
Berlioz reste son maître en fait d'instrumentation. L'orchestre
de Wagner est prodigieux assurément; il est permis toutefois
de faire remarquer qu'il n'a pas la souplesse de celui de Berlioz,
son éclat éblouissant à certaines pages, sa finesse séraphique,
sa vaporeuse poésie, dans d'autres. C'est un Cornélius à
côté d'un Rubens. Et pourtant Wagner, venu après Berlioz, a
eu tout le loisir de l'étudier et de mettre à profit ses décou-
vertes et ses inventions !

Toute sa vie Berlioz afficha la prétention bizarre — et à
mon sens peu justifiée — de continuer l'œuvre musicale de

Gluck et de Beethoven. Or, voilà que, vers le déclin de sa car-
rière, il voit surgir en terre allemande un révolutionnaire
nouveau, qui, sans nullement se soucier — du moins en appa-
rence — de ce qui s'était fait ailleurs avant lui, émet aussi la
prétention de « prendre la musique au point où Beethoven
l'avait laissée! » En même temps ce jeune Saxon renouvelle et
développe les théories de Gluck sur le drame lyrique, et les
applique avec une rigueur croissante dans trois ou quatre
opéras successivement représentés ! « Vous croyez continuer
Gluck et Beethoven, aurait pu lui dire le nouveau venu. Quelle
est la parole de Gluck qui autorise vos fantaisies poétiques et
votre luxuriant romantisme ? S'est-il jamais permis rien de
pareil? Quant à Beethoven, qu'avez-vous appris de lui, et
comment votre nature méridionale se formerait-elle à l'image
de ce génie allemand? C'est moi qui suis le fils de ces glorieux
maîtres 1 En moi revit le développement de la symphonie
beethovenienne, c'est moi qui réaliserai le drame lyrique dont
Gluck, au milieu des entraves qui étreignaient sa marche, n'a
pu que nous montrer de loin la resplendissante image ! »

Le pis est qu'en parlant ainsi, l'étranger eût été dans le
vrai. Berlioz avait l'esprit trop clair pour ne pas le com-
prendre. Mais quelque supériorité qu'il se reconnût à certains
égards, il se sentait trop faible, trop isolé pour résister au
courant nouveau. Fatalement il devait être submergé par ce
torrent, annulé par cet esprit révolutionnaire qui attaquait
tant d'idoles à la fois et se précipitait à travers les hommes et
les choses avec l'irrésistible puissance d'une force élémentaire.
Évidemment Wagner le gênait. Au reste, il y avait plus qu'un
malentendu entre l'écrivain qui ouvre un de ses livres par
cette définition :

0 Musique, art d'émouvoir par des combinaisons de sons
les hommes intelligents et doués d'organes spéciaux et exercés »;

Entre celui qui a lancé dans la circulation cette rodomon-
tade artistique :

« Il serait vraiment déplorable que certaines œuvres
fussent applaudies par certaines gens »;

Et celui qui n'admet comme une œuvre d'art achevée que
celle où « ce que l'esprit humain peut concevoir de plus pro-
fond et de plus élevé serait rendu accessible à l'intelligence la
plus ordinaire, sans qu'il fût besoin de la réflexion ni des
explications de la critique ».

Aussi Berlioz refusa-t-il longtemps de s'expliquer sur ce
qu'on appelait alors la musique de l'avenir. Forcé enfin de le

t. Voir l'Art, y année, tome IV, page 68.

2. Voir aussi son Épitre dédicatoirc d'« Alcostc »
 
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