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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 4)

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Vérpn, Eugène: Printemps
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https://doi.org/10.11588/diglit.18880#0285

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2ÛO

L'ART.

l'art où la beauté n'a que faire et qu'il faudrait jeter au rebut
"si le beau était vraiment l'objet de l'art. Ce que nous admirons
dans l'œuvre d'art, c'est le génie de l'artiste ; ce qui nous
émeut, c'est son émotion. Croyez-vous donc que pour être
beau un portrait ait besoin de représenter une belle figure?
L'art décoratif n'est pas tout l'art, il s'en faut de beaucoup.

Le beau, l'embellissement des hommes et des choses, la
parure et la décoration, ne suffit même pas à expliquer les
premiers bégaiements de l'art. Les barbouillages des enfants
et des premiers hommes protestent contre cette doctrine. Les
dessins des cavernes préhistoriques la dépassent déjà et la
nient.

La nature entière appartient à l'artiste et lui fournit des
moyens d'exprimer ses croyances, ses sentiments, ses aspi-
rations. Qu'il ait cherché à combiner les formes et les lignes
pour le plaisir des yeux, comme il a recherché les combinai-
sons de sons qui réjouissaient son oreille, cela s'explique
exactement de la même manière et par les mêmes raisons que
sa préférence pour certaines odeurs et pour certains aliments.
Tout ce qui multiplie les sensations agréables, tout ce qui
active le sentiment de la vie par l'accélération de l'activité
cérébrale, devient tout naturellement l'objet des poursuites de
l'homme. Les races et les natures inférieures aiment les formes
étranges, les couleurs violentes, comme elles aiment le tamtam
et l'eau de feu. Le soin de la parure corporelle occupe chez elles
une place importante. Puis, à mesure que l'on monte vers des
civilisations plus parfaites, on voit le sentiment du beau s'épu-
rer, s'élever, s'affiner. Mais le plaisir des yeux non plus que celui
des oreilles ne suffit plus à l'homme moderne. De même qu'il
demande à la musique autre chose que des combinaisons har-
monieuses de sons, il demande à la peinture et même à la
sculpture quelque chose de plus que des ensembles de lignes
et de couleurs agréables et réjouissants pour l'œil. Il lui faut
la vie, l'expression ; il lui faut dans l'œuvre trouver l'artiste
avec ses qualités et ses défauts; à la photographie de la plus
belle réalité naturelle, il préfère, et de beaucoup, une œuvre
personnelle, quelque laide qu'elle puisse être, parce qu'avec
toute sa laideur l'œuvre personnelle est une œuvre d'art,
tandis que l'autre, aussi belle que vous la veuillez supposer, n'a
rien à faire avec lui.

Vous voyez donc bien que ce n'est pas la beauté qui fait
l'art. Les primitifs italiens, avec leurs inexpériences, leurs
maladresses, leurs incorrections, me touchent et m'émeuvent,
je l'avoue, infiniment plus que la correction banale et apprise
des œuvres des siècles suivants, et si je ne puis sans quelque

impatience entendre vanter les perfections du divin Raphaël,
c'est que trop souvent le caractère de son œuvre est une élé-
gance, une grâce, une facilité, dont la caractéristique est pré-
cisément d'exclure presque l'idée de personnalité. Qu'on dise,
si l'on veut, qu'il est par excellence le peintre de la beauté,
soit ; mais parmi les grands artistes qui ont cherché autre
chose, il n'en manque pas que je place au-dessus de lui.

Quoi qu'on fasse et en dépit de toutes les réserves, la doc-
trine qui assigne le beau comme but suprême aux efforts de
l'artiste aboutira toujours à objectiver le beau, c'est-à-dire à
le voir dans les choses bien plus que dans la personnalité de
l'artiste. C'est pour cela qu'elle conclut à la décadence de
l'art. Que reste-t-il en effet pour l'art, quand il est arrivé à
cette correction supérieure qui est le privilège des peintres de
la beauté? Pour la théorie du beau, la carrière se trouve
fermée. Pour nous, nous croyons que l'art a simplement
franchi une étape, au-delà de laquelle commence un dévelop-
pement supérieur, auquel aucune limite n'est assignable ni
même possible à concevoir, puisque l'art, n'étant autre chose
qu'un moyen d'exprimer la personnalité de l'homme, doit natu-
rellement en suivre et en reproduire toutes les transformations.

Je crois donc la thèse de M. Havard fausse et dangereuse.
Mais cela n'ôte absolument rien à la valeur du livre, si on le
prend comme une histoire de l'art en France. De la page 147
à la page 400, se déroule une exposition remarquablement
conduite de toute la série des transformations artistiques qui
se sont produites chez nous depuis les temps les plus reculés.
11 y a là une suite d'observations très bien enchaînées et expri-
mées avec une précision qui ne se trouve pas souvent dans les
livres de cette nature. Les caractères de chaque époque sont
nettement déterminés. Je ne vois guère à critiquer qu'une
certaine exagération dans l'interprétation morale de la ligne
verticale et de la ligne horizontale. Je ne saisis pas bien nette-
ment l'opposition de l'ogive céleste au plein-cintre terrestre.
Mais ce sont là des détails dont l'importance est secondaire.

L'illustration de ce volume était tout indique'e. 11 s'agissait
de choisir dans chaque période des objets dont les caractères
artistiques confirmassent les observations relatées dans le
texte. C'est ce qui a été fait, et cela donne aux gravures une
importance documentaire très sérieuse. Malheureusement l'or-
nementation proprement dite est souvent d'un goût douteux.
Quelques-unes des lettres ornées et des entêtes de chapitre
sont d'une bizarrerie bien étrange. Espérons qu'on les suppri-
mera à la prochaine édition.

Eugène Ver on.

PRINTEMPS

M. Gabriel Ferrier est un de nos jeunes artistes les mieux doués; il a le sentiment décoratif; les vastes espaces à couvrir ne
l'effrayent pas ; son pinceau s'y meut plus à l'aise ; nous avons vu de lui des travaux importants qui se recommandent par un bel
ensemble, par des harmonies pompeuses et un caractère bien en rapport avec l'édifice qu'il était chargé d'orner.

Son panneau pour l'hôtel de M. Secretan aux Champs-Elysées — Printemps — faisait très aimable figure au dernier Salon.
M. C. de Billy, un nouveau venu dont nous sommes heureux de patronner le talent, vient d'en faire pour l'Art une planche d'un
grand charme; on ne débute pas de plus séduisante façon.

Le Directeur-Gérant : EUGÈNE VÈRON.
 
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